« Notre plaidoyer est que la Cour des comptes audite la gestion des finances publiques entre janvier et septembre 2019 », Florimond Muteba de l’ODEP

ODEP
PAR Deskeco - 14 jan 2020 08:03, Dans Actualités

Le Président du Conseil d’Administration de l’ODEP (Observatoire de la dépense publique), le professeur Florimond MUTEBA TSHITENGE, vient de répliquer aux réactions de la Présidence de la République en rapport avec le rapport de son organisation publiée la semaine passée sur la gestion des finances publiques entre janvier et septembre 2019. Dans cette interview, le professeur Florimond Muteba reste droit dans ses bottes sur toutes les affirmations contenues dans ce rapport et exige un audit, par des institutions compétentes, sur la gestion de neuf premiers mois du pouvoir actuel.

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DESKECO : Vous avez affirmé que le programme de 100 jours a une valeur de 2,481 milliards USD. On vous rétorque que nulle part dans le document de projet, il a été question de ce montant. Félix Tshisekedi 497 millions de dollars américains. Comment êtes-vous parvenus à ce montant alors que dans le document officiel de ce programme, il n’est pas fait mention de ces chiffres?

Florimond Muteba : D’abord en RDC, le concept même de cent jours de grâce accordés à un pouvoir nouvellement installé a été dénaturé.  A-t-on vu Macron ou Trump proposer un programme d’investissement durant ses cent jours de grâce exécuté en dehors du programme global de son gouvernement ? En RDC, la loi des Finances de l’exercice 2019, votée par le parlement, promulguée par le précédent Président de la République a été pratiquement gelée par une lettre de la Présidence suspendant toutes les dépenses publiques. Le programme dit de cent jours s’est pratiquement substitué à la loi des finances et s’est ainsi placé hors la loi. La Présidence de la République est ainsi devenue le centre d’impulsion de toutes les dépenses d’investissement. C’est ainsi que certains projets impulsés sous Kabila ont été récupérés et le projet de traitement des déchets de 2  milliards lancé dans la foulée s’inscrit automatiquement dans cette logique de marginalisation de la loi de Finances 2019 et se retrouve dans ce fourre-tout qu’était devenu le programme et dont le financement ne peut être consommé que progressivement. Il faut noter aussi que la ville de Kinshasa dont le budget est de loin de moins d’un milliard de dollars ne peut se payer le luxe de lancer un projet de deux milliards de dollars. Il s’agit d’un projet lancé au niveau national mais qui va bénéficier à la Province de Kinshasa.

L’alignement de ce projet de 2 milliards de dollars dans les cent jours par l’ODEP relève du constat du disfonctionnement consacré dès le départ avec le déni de la loi des finances 2019. Il faut aujourd’hui assumer et surtout ne plus jamais ignorer les lois, parce que les hommes passent et les lois demeurent. Ensuite, il faut laisser au gouvernement s’occuper de la gestion du développement et au Président de la République d’impulser, d’orienter au lieu d’instituer un quasi gouvernement bis.

Dans votre rapport, vous avez affirmé que la réfection des écoles à Mokengeli et au Camp Tshatshi a été surfacturée. Sur quels éléments fondez-vous ces affirmations? Des sources de la présidence vous demandent de vous adresser au FPI pour le premier projet et aussi d’avoir sous-estimé la qualité du travail réalisé au camp Tshatshi. Comment répondez-vous à cela?

Concernant la réfection des écoles, prenons le cas de l’école du Camp TSHATSHI, il s’agit de 24 salles de classe réfectionnées soit 4 écoles de 6 salles chacune. La loi sur la reddition des comptes 2018 nous renseigne que le coût de construction d’une école de 6 salles varie entre 125.000$ et 150.000$. On atteint 150.000$ lorsque les équipements pour l’enseignement technique par exemple sont pris en compte. 3.299.000$ pour 4 écoles de 6 classes chacune donne un coût moyen par école de 820.000$ soit 670.000$ de différence de trop par école, comment expliquer cela ? Qu’est-ce qui, dans les matériaux de  construction à Kinshasa a nécessité un tel coût ? En se basant sur la moyenne de 150.000$ par école de 6 classes, on pouvait construire une vingtaine d’école de 6 classes soit 120 salles de classe au lieu de 24 à peine.

On vous accuse également de n’avoir pas contacté la coordination du programme pour intégrer les réponses dans votre rapport. Que répondez-vous à cela?

L’Etude a duré 6 mois. Toutes les sources autorisées ont été contactées dans les administrations avec lesquelles nous travaillons : Site du Ministère du Budget, FPI, FONER, etc. Lorsque vous observez les réactions de ceux qui coordonnent ce programme par rapport à notre rapport, elles sont plus que négatives, proche de l’injure, il y a même eu des injures. Pensez-vous qu’ils auraient favorisé nos enquêtes. Ils l’auraient étouffé dans l’œuf comme l’ont été les enquêtes de l’IGF et ce rapport n’aurait même pas été publié.

A la présidence, on affirme que moins de 10% de marchés ont été passés de gré à gré et on se défend en disant que c’est légal. Ce qui n’est pas votre cas. Qu’en dites-vous?

A cette question je dis que tout le pays a vécu en 2019 au rythme de ces marchés passés en violations des règles et procédures légales. Si on en doute, l’ARMP est sous le contrôle du gouvernement, qu’on lui donne les moyens d’auditer ce volet marchés publics du programme dit de cent jours. Ses conclusions nous départagerons, à condition qu’on les laisse travailler en toute objectivité et toute indépendance.

En publiant ce rapport, quels étaient les résultats attendus?

Nous voulons promouvoir la transparence et la redevabilité dans le chef des responsables publics, mettre fin au non-respect des procédures et à l’indiscipline budgétaire.  Nous voulons aussi pousser à la réhabilitation des institutions supérieures de contrôle. Le parlement devrait d’ailleurs donner les instructions à la Cour des comptes pour auditer toute la gestion des finances publiques de cette période. Dans notre pays, on a tendance à saboter et museler les contrôles, tous les contrôles : parlementaires, juridictionnels, administratifs et comme nous le vivons en ce moment même le contrôle citoyen. Or, sans les contrôles, la corruption, le coulage des recettes, les détournements auront encore des beaux jours devant nous.

 

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