Jeanine Mabunda affirme que la gratuité de l’enseignement de base est au centre du travail de I'ECOFIN (Entretien sur RFI)

Présidente ass.  Nationale
PAR Deskeco - 27 nov 2019 08:34, Dans Actualités

Intervenant le mardi matin sur RFI, la présidente de l’Assemblée nationale de la RDC a affirmé que la mesure de la gratuité de l’enseignement de base est un défi que le budget 2020 doit aborder. Jeanine Mabunda que le déficit de 2 milliards 700 millions Usd dans le budget 2020 doit faire l’objet de l’examen critique de ce budget pour voir d’où viendront les fonds pour pouvoir faire face à cette promesse, de manière réaliste, technique et non propagandiste. Elle a aussi répondu sur le fonctionnement institutionnel de la Rdc qui est coûteux par rapport à la capacité de mobilisation des recettes du pays, et s’est en même temps prononcée sur des audits dans des entreprises publiques. 

Les quelques questions sélectionnées de cette interview sur RFI et les réponses de Jeanine Mabunda dans les lignes qui suivent :

On attend la nomination des nouveaux magistrats depuis septembre, les ambassadeurs, il en manque une trentaine, et même pour les entreprises publiques il n’y a absolument pas de nomination. Donc en dehors du Gouvernement, finalement toutes les institutions sont bloquées, pas de négociations, j’ai l’impression qu’elles n’avance pas.

« Je crois que c’est faire un mauvais procès à la coalition (FCC – CACH). Parce que de tout temps, les désignations d’ambassadeurs, les désignations dans les entreprises publiques ont toujours pris beaucoup de temps. Mais vous dites que la coalition semble avoir bloqué les institutions, alors je ne sais pas, parce que, la coalition a mis sur pied un gouvernement. La coalition a amené l’institution Assemblée nationale, et puis l’institution Sénat. Je crois que ça doit aller par étape. Pouvait-on faire en sens inverse, nommer les ambassadeurs et les mandataires sans avoir d’assemblée nationale, sans avoir de sénat, sans avoir de gouvernement ? Non. Nous avons un gouvernement depuis le 06 septembre dernier, nous sommes le 25 novembre, donc, finalement ce gouvernement a moins de trois mois. Est-il raisonnable en moins de trois mois de procéder à toutes ces étapes que vous avez décrites de nomination d’ambassadeurs, des mandataires et des magistrats ? C’est un peu présomptueux. Même ailleurs ça ne se fait pas aussi rapidement ».

Dans quelques jours votre assemblée nationale va voter le budget 2020 et la mesure phare du nouveau Chef de l’Etat c’est la gratuité de l’enseignement de base. 2 milliards 700 millions de dollars américains devraient être financés grâce à l’aide extérieure. Pourquoi, Jeanine Mabunda, n’avez-vous pas mis en place cette mesure très populaire évidemment quand votre camp était à la présidence avec Joseph Kabila ?

« Je n’aimerais pas tomber dans ce débat de qui a dit, qui a fait. Mais je pense qu’il vous souviendra que le principe de la gratuité de l’enseignement a été mis sur pied lors du mandat de Joseph Kabila. Et à l’époque il y a eu un programme avec la Banque mondiale, de construction de 1000 écoles par an. C’était le préalable. Arrive alors à la suite de ça, ce principe de la Constitution que le Président Tshisekedi a réitéré et matérialisé, gratuité de l’enseignement. Le principe est louable. Maintenant dans le cadre du budget, vous avez suivi le débat avec les députés et vous avez observé la réaction de certains enseignants et de certains élèves. La gratuité de l’enseignement a suscité un très grand engouement. Et donc puisque l’école est gratuite, là on était à quarante en payant un minerval dans une salle de classe, aujourd’hui on est à cent, avec le même enseignant, et avec une gratuité de l’enseignement qui parfois ne permet pas la prise en charge complète à coût réel de l’enseignant. C’est ce défi aussi que le budget 2020 doit aborder. Il y a un déficit de 2 milliards 700 millions de dollars américains. Il faut être sincère et réaliste que c’est un défi, ça ne va pas être facile. Bien sûr il y a l’aide extérieure, mais je crois que nous devons aussi faire des efforts internes dans l’examen critique de ce budget pour voir d’où viendront les fonds pour pouvoir faire face à cette promesse, de manière réaliste, technique et non propagandiste. C’est tout le travail de la commission ECOFIN (Economique, financière et de contrôle parlementaire) de l’Assemblée nationale congolaise en ce moment ».

Vous trouvez Félix Tshisekedi trop propagandiste ?

« Je n’ai pas dit que Félix Tshisekedi était trop propagandiste. J’ai juste précisé qu’il y a une attente de l’opinion par rapport à ça. Et les critiques que nous avons reçues de l’Opposition ce que notre mesure de gratuité de l’enseignement est une mesure propagandiste. C’est dans ce contexte-là que je dis attention comme autorité budgétaire, nous avons le devoir, nous avons l’obligation de ne pas considérer que l’examen du budget est un vote automatique, est un vote en blanc. Vous avez suivi le débat très critique sur la faisabilité en une seule année de cette mesure. Et notre travail justement c’est d’accompagner, de soutenir le gouvernement de coalition pour que ça se fasse dans les meilleures conditions possibles. D’un côté affirmer le principe de la gratuité, mais de l’autre, mettre des ressources réalistes en face pour que ce principe puisse s’appliquer ».

A l’heure actuelle, les 2 milliards 700 millions de dollars américains ne sont pas sur la table. Dans ce budget, il n’y pas la totalité de cette somme pour la gratuité ?

« C’est justement pour ça que l’autorité budgétaire va faire un examen scrupuleux de ce budget pour pouvoir y donner tout l’accompagnement nécessaire avec des priorités sur l’éducation, donc la gratuité de l’enseignement, des priorités sur la santé des Congolais, le Président Tshisekedi a parlé de couverture universelle, des priorités aussi sur la sécurité ». 

Mais ce qu’on voit dans ce budget ce que les institutions, y compris la vôtre, coûtent très chères au budget de l’Etat. Et c’est toujours une critique. On a peur de voir la gratuité ne pas être financée, et les institutions manger une partie du budget qui est alloué aux dépenses sociales ?

« Je pense qu’il y a un vrai débat sur cette structuration du budget. Effectivement, les charges du personnel de l’Etat en général – qui est un Etat avec 26 provinces, 146 territoires – le fonctionnement institutionnel voulu par la démocratie, de tout ce mécanisme reste relativement coûteux par rapport à la capacité de mobilisation de nos recettes. Et c’est cela le défi. Mais dire que c’est parce que l’Etat coûte cher qu’il n’y aura pas la gratuité de l’enseignement, je pense que c’est un faux débat. Le gouvernement était extrêmement responsable quand ils ont décidé de lancer le principe de la gratuité scolaire, même pas que la lutte contre la pauvreté et la faim, la couverture de santé universelle. Ce sont autant d’outils sociaux pour permettre de donner du sens à la démocratie congolaise ».

Est-ce que les institutions ne doivent pas faire un effort ?

« Je suis d’accord avec vous. C’est dans ce sens que j’ai dit, nous avons eu un débat extrêmement critique sur quelle est la capacité financière et la marge de manœuvre que nous avons pour réaliser ce budget par rapport à toutes les attentes sociales de nos populations. Donc il y a un équilibre à trouver entre la nécessité de faire fonctionner un Etat dans un Etat qui a la taille de l’Europe, et les priorités d’engagements sociaux que nous avons pris vis-à-vis de ces populations lorsqu’elles ont accepté le projet politique de la coalition CACH – FCC ».

Mais ce qui est de plus simple pour récupérer les fonds, ce n’est pas de faire le choix de l’Angola et de faire des audits et de commencer à récupérer de l’argent là où il a été détourné ?

« Ce n’est pas exclu. Quand on parle de pression fiscale c’est lutter contre la corruption, c’est lutter contre le coulage des recettes. Il faut dire aussi que nous sommes un pays frontalier avec des frontières relativement poreuses, des systèmes aussi parfois qui ne sont pas uniformes ».

Vous parlez de recette fiscale élargie. Cela veut dire concrètement plus d’impôts sur les Congolais. Alors je repose ma question, pourquoi vous n’opérez pas des audits sur les entreprises publiques ou sur tous les fonds sur lesquels il y a eu des soupçons de détournement ? C’est le choix par exemple de l’Angola qui a récupéré beaucoup d’argent comme ça.

« Je crois que vous prêchez une convaincue. Je voudrais vous rappeler que dans le passé j’ai travaillé au Ministère du Portefeuille. Donc, j’ai qu’à même une idée du potentiel des entreprises publiques. A l’époque, nous avions fait des audits pour la première fois d’ailleurs, non pas par des services de l’Etat, mais par des cabinets indépendants. Cela avait suscité le tollé, mais au-moins si on peut prêcher par les faits, ces faits-là parlent pour nous. A part l’Assemblée nationale nous avons une Cour des comptes qui peut faire des audits. Nous sommes là depuis un peu moins de six mois, je pense que nous avons à peine reçu la loi de reddition des comptes de 2018. Et c’est à partir de là qu’on va travailler. Je rappelle aussi que plusieurs de mes collègues ont placé et positionné dans l’agenda parlementaire, des demandes d’enquêtes parlementaires, des demandes de contrôle parlementaire, que ça soit des questions orales, questions écrites, missions d’enquêtes, missions de terrain, audits, tout ça sur différents sujets, et déjà positionnés. Je pense qu’avant la fin du mois de décembre, on aura déjà qu’à même un agenda assez chargé sur les questions d’audit à l’Assemblée nationale. Vous pouvez compter sur nous sur base du passé en tout de tout ce que nous avons fait au Ministère du Portefeuille ».

Lepetit Baende avec RFI          

  

 

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