Noël Tshiani est formel : « il faut mettre fin à la dollarisation de l’économie congolaise »

PAR Deskeco - 12 oct 2019 11:38, Dans Actualités

 

Au cours d’une émission télévisée le jeudi 9 octobre, l’économiste Noël Tshiani Mwadiamvita s’oppose farouchement aux autorités actuelles de la Banque centrale du Congo (BCC). Il fustige que la dollarisation était mauvaise pour l’économie congolaise et qu’il fallait y mettre fin.

« La dollarisation d’abord c’est une violation flagrante de la Constitution de la République démocratique du Congo. Je voudrais vous inviter à voir l’article 170 de la Constitution qui dit que le Franc congolais est la seule monnaie utilisable sur l’étendue du territoire national. C’est-à-dire qu’il ne doit y avoir aucune autre monnaie étrangère qui circule concomitamment avec le Franc congolais. Or nous sommes aujourd’hui en situation de violation flagrante de cette disposition constitutionnelle. Parce que, aux côtés du Franc congolais, il y a l’Euro, il y a le dollar américain, il y a le Franc CFA, il y a le Kwanza angolais, il y a le Kwatshwa zambien, il y a le Shilling ougandais, le Shilling tanzanien. Toutes ces monnaies circulent sur l’étendue du territoire national. Nous avons perdu ce que j’appelle la souveraineté monétaire nationale, ou l’exclusivité monétaire qui devrait faire que le Franc congolais devrait être la seule monnaie utilisable sur toute l’étendue du territoire national », a-t-il déclaré.

Il souligne qu’il y a plusieurs raisons qui font que la dollarisation est mauvaise pour l’économie congolaise. Premièrement, la dollarisation coûte très chère à la République démocratique du Congo en termes de pertes des revenus du semnioriage, a-t-il affirmé.

« Les revenus du semnioriage c’est comme le bénéfice que le fabricant de la monnaie qui circule dans un pays se fait en prenant un papier simple sur lequel on a marqué des dessins et avec une signature de l’autorité compétente et en déclarant que ce papier-là devient une monnaie. Par exemple quand on a un billet d’1 dollar américain, son coût de fabrication est de 10 centimes. Mais une fois qu’on a fabriqué le dollar, ce billet a une valeur faciale de 100 centimes. La différence entre 100 centimes et 10 centimes, les 90 centimes c’est le bénéfice que le fabricant du dollar se fait sur chaque billet d’1 dollar qui circule dans un pays, que ça soit aux Etats-Unis ou en République démocratique du Congo », a expliqué Noël Tshiani. 

Prenez par exemple la Rd Congo, poursuit-il, « nous avons un produit intérieur brut (PIB) de 14 milliards de dollars américains. Sur les 14 milliards de dollar, si la dollarisation représente 95 % de la masse monétaire du pays, faites 95 % des 14 milliards, prenons approximativement 12 milliards de dollar. Si on fait l’hypothèse que les 12 milliards de dollar sont constitués des billets d’1 dollar seulement et qu’il n’y a pas 5 dollars, 10 dollars, 20 dollars, ou 50 dollars, et qu’on estime que sur chaque billet de dollar qui circule il y a 90 centimes de revenu du semnioriage qui doivent être accumulés ou bien gagnés par le fabricant du dollar, c’est ça le montant qui revient à peu près à 10 milliards de dollars américains. C’est ça le montant de ce que la Rdc perd en ayant le dollar américain circulant sur l’étendue du territoire national. C’est très grave ». 

Et d’ajouter que « Nous avons chaque année la Banque centrale qui vient avec la perte d’exploitation qui demande au Parlement de pouvoir approuver une subvention d’exploitation. Ils ne savent pas ce qu’ils font. Ce qu’il faut faire c’est mettre fin à la dollarisation pour que nous puissions récolter ces revenus du semnioriage, que ça puisse revenir à la Banque centrale du Congo, que ça puisse revenir au trésor congolais ».

D’autres raisons contre la dollarisation

Le haut fonctionnaire international congolais a mentionné d’autres raisons justifiant selon lui que la dollarisation est une mauvaise chose pour l’économie de la Rdc. Il soutient qu’en cas de difficulté d’une banque commerciale, la Banque centrale doit jouer ce qu’on appelle le rôle de banquier du dernier ressort.  C’est la Banque centrale qui doit intervenir pour sauver une banque en difficulté, a-t-il souligné, « parce qu’elle a la capacité d’imprimer de l’argent comme elle veut, pour intervenir et sauver une banque qui traverse une crise de liquidité. Or, quand on a le dollar qui circule, ce que la Banque centrale ne peut pas imprimer des dollars parce qu’elle n’est pas l’autorité émettrice de dollar ». 

En d’autres termes, précise-t-il, « on a lié les mains de la Banque centrale qui ne peut pas sauver une banque commerciale en cas de difficulté. Donc cette banque centrale ne peut pas jouer son rôle de prêteur de dernier ressort ». 

Une autre raison qui fait que la dollarisation ne soit pas bonne pour l’économie congolaise, selon Noël Tshiani, c’est le manque de fierté nationale. « On reconnait l’indépendance d’un pays, non pas seulement par le drapeau qui flotte, mais également par des signes tels que avoir sa propre monnaie. Or quand on a le dollar, le CFA, et toutes les autres monnaies qui circulent sur notre territoire national, ça veut dire que nous avons perdu cette souveraineté monétaire. On peut faire des déclarations politiques, mais dans la pratique, on fonctionne en République démocratique du Congo comme si on était une dépendance américaine, comme si on était un territoire américain. C’est très grave ». 

Pour toutes ces raisons, le candidat malheureux à la présidentielle du 30 décembre 2018, docteur Noël Tshiani Mwadiamvita, souhaiterait que la République démocratique du Congo puisse « mettre fin, finalement, à la circulation du dollar américain dans notre pays, pour rétablir le Congo dans sa position de souveraineté nationale », surtout que, martèle-t-il, « cette dollarisation empêche en quelque sorte à la Banque centrale de concevoir et de mettre en œuvre une politique monétaire indépendante et crédible ».

Alors pour mettre fin à cette dollarisation de l’économie congolaise, qu’est-ce qu’il faut faire pratiquement ?

Répondant à cette question, ce banquier commercial, d’investissement et de développement pense que pour mettre fin à la dollarisation de l’économie congolaise, il faut engager un processus des réformes qui va prendre plusieurs années. « Ce n’est pas par une baguette magique qu’on va mettre fin à cette dollarisation. Premièrement, il faut qu’on aille aux sources. On doit se demander pourquoi il y a dollarisation. Il y a dollarisation parce que la monnaie et l’économie ont été mal gérées. Elles ont été mal gérées avec des taux d’inflation extrêmement élevés, avec des taux de change qui étaient défavorables au Franc congolais, avec une économie qui ne produisait pas du tout, avec la perte de confiance du public dans la monnaie, dans l’économie et aussi dans le pays », a-t-il expliqué. 

Et pour remédier à cette mauvaise gestion de la monnaie et de l’économie congolaises dont il s’attaque, docteur Tshiani affirme qu’« Il faut faire l’inverse, rétablir tout cela, avoir des taux d’intérêts très bas, des taux d’inflation très bas, avoir une monnaie stable avec des taux de change très stable, avoir une situation politique très stable, et avoir une économie qui produit, et qui exporte des produits finis, pas seulement des matières premières ». 

En ayant fait tout cela, renchérit-il, « Il faudra aussi ajouter ce que j’appelle l’élément humain. Ce que les autorités de la Banque centrale ont perdu la crédibilité. Elles ont été là depuis très longtemps, et elles n’ont pas offert au peuple congolais une monnaie stable et crédible. Aujourd’hui si les autorités de la Banque centrale se mettent à crier qu’on va mettre fin à la dollarisation, les gens vont se moquer d’eux. On va se dire mais ils étaient où depuis longtemps lorsque la monnaie nationale perdait de valeur ». 

Et rappelle-t-il à titre d’exemple que « Depuis 1998, lorsqu’on a introduit le Franc congolais au taux d’1 dollar égal à 1,3 Francs congolais, jusqu’aujourd’hui où le taux de change est d’1 dollar égal à 1700 Francs congolais, il y a une dépréciation monétaire de plus de 120.000 pourcent. Dans ces conditions-là, le public congolais ne croit plus dans les autorités de la Banque centrale. Il faut d’abord les changer pour qu’on puisse avoir un nouveau leadership, avec une autre vision, et une autre façon de faire les choses, pour qu’on arrive  mettre fin à la dollarisation de l’économie congolaise ».

Il faut donner aux Congolais une monnaie aussi bonne que le dollar et l’euro

Pour conclure, Noël Tshiani estime que le Congolais a été amené à faire confiance aux monnaies étrangères plutôt qu’au Franc congolais. « On a abusé du peuple congolais avec des taux de dépréciation monétaire très élevés, avec des taux d’inflation très élevés, au point où le Congolais qui était fier d’avoir sa propre monnaie, s’est retrouvé avec des billets de banque qui n’avaient aucune valeur dans sa poche. Et pour avoir des billets de banque qui conservent de la valeur, on était obligé d’utiliser des monnaies étrangères », a-t-il fait remarquer.

Pour lui, ce qu’il faut faire aujourd’hui « c’est redonner au peuple congolais cette façon de croire dans le pays, de croire dans l’économie et de croire dans la monnaie en lui donnant une monnaie qui conserve de la valeur, mais qui soit aussi bonne que le dollar et l’euro. Si on a une monnaie aussi bonne que le dollar ou l’euro, et on demande au peuple congolais aujourd’hui de choisir laquelle des monnaies il voudra utiliser, il va préférer la monnaie de son pays le Franc congolais ».

Il invite les Congolais à lire son livre intitulé : « La bataille pour une monnaie nationale crédible », « où j’ai fait la justification de ce qu’il faut faire pour mettre fin à la dollarisation de l’économie congolaise, pour que le Franc congolais redevienne une monnaie aussi bonne que le dollar et l’euro ». Il rappelle enfin que « lorsque Feu le Président Mobutu était au pouvoir, il avait introduit le Zaïre à l’époque, et 1 Zaïre revenait à 2 dollars. Nous sommes capables d’avoir une monnaie aussi bonne que le Zaïre d’entant, si nous faisons que doit-être fait pour que notre économie tourne correctement, et que la Banque centrale conduise une véritable politique monétaire, et que le Gouvernement à son niveau fasse aussi ce que j’appelle une politique budgétaire et économique crédible, orthodoxe et conservatrice ».

Noël Tshiani, qui est-il ?

Rappelons que docteur Noël Tshiani Mwadiamvita est un haut fonctionnaire international congolais, jouissant de plus de 38 ans d’expérience professionnelle comme économiste international aux Etats-Unis, à la Banque mondiale, au Cap Vert et dans bon nombre de pays à travers le monde et en Afrique. Ce, après ses études universitaires aux Etats-Unis grâce à la bourse d’études du gouvernement zaïrois à l’époque.

Banquier commercial, banquier d’investissement et banquier de développement, il a participé activement à la mise en œuvre du Franc congolais. Il était le candidat n°15 lors la présidentielle du 30 décembre 2018. Et il avait promis lors de la campagne électorale de veiller à la dé-dollarisation de l’économie nationale.

Sa célèbre stratégie de développement est dénommée : « Plan Marshall de Noël Tshiani pour la reconstruction et le développement de la République démocratique du Congo ».

Lepetit Baende      

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