Dans un rapport publié ce mardi 22 avril 2025 sur la corruption électorale en 2023, l'Institut de recherche en politique, gouvernance et violence, Ebuteli, dénonce des cas de corruption qui ont émaillé les élections des gouverneurs de province. Il s'est notamment appuyé sur des témoignages de candidats gouverneurs, ainsi que sur des observations à chaque échéance électorale.
« Pour être élu sénateur, un candidat nous rapporte que les quatre députés provinciaux contactés dans la province de Lomami lui demandaient 40 000 dollars américains à chacun. À Kinshasa, Augustin Kabuya, député national et secrétaire général du parti présidentiel, a été à l'origine d'un grave scandale en offrant des véhicules aux députés provinciaux de Kinshasa, à la veille des élections des sénateurs, gouverneurs et vice-gouverneurs », rapporte le document.
Sans s'en rendre compte, plusieurs candidats gouverneurs interrogés dans le cadre de ce rapport ont témoigné de cette réalité. Certains ont fait savoir qu'il est difficile d'espérer être élu, même si l'on est sur la liste du parti majoritaire au sein de l'assemblée provinciale. « C'est la raison pour laquelle même les candidats du parti présidentiel ont eu recours à la corruption », a témoigné un candidat.
À l'Assemblée provinciale de la Tshopo, cinq candidats malheureux ont dénoncé des députés provinciaux qui n'avaient pas tenu leurs promesses de vote, alors qu'ils leur avaient remis entre 50 000 et 100 000 dollars américains. À Kisangani, des affrontements avaient été enregistrés entre les policiers commis à la garde d'un député provincial et une candidate sénatrice qui revendiquait le remboursement de son argent après avoir échoué aux élections, rapporte Ebuteli.
Face à cette réalité de corruption devenue récurrente, Ebuteli recommande à l'État congolais d'entamer des réformes électorales en vue d'adopter le suffrage universel direct pour les élections de gouverneurs, permettant ainsi aux populations de choisir directement leurs dirigeants. Selon Ebuteli, cela réduirait les risques de corruption accrue observée avec les députés provinciaux.
De son côté, le professeur Michel Bisa Kibul, secrétaire scientifique de l'Observatoire de la Gouvernance de l'université de Kinshasa, explique dans un entretien accordé à Actualite.cd que le recours au suffrage universel direct pour les élections de gouverneurs « renforcerait la redevabilité démocratique et contribuerait à réduire significativement les risques de corruption et d'achat de conscience, malheureusement fréquents dans les élections indirectes ».
« Il est effectivement temps d'ouvrir le débat sur la suppression du mode de scrutin indirect. Mais deux grands défis subsistent : la question de la mentalité et de la moralité de l'homme congolais, ainsi que l'aboutissement de la construction étatique. Un jour, l'on devra supprimer les institutions d'appui à la démocratie et confier l'organisation des élections aux experts, sous la responsabilité du ministère de l'Intérieur... Je sais que la question de confiance entre parties prenantes est à prévoir », indique ce professeur.
En 2021 déjà, le député national Lambert Mende Omalanga recommandait à l'Assemblée nationale d'amender les articles de la Constitution relatifs à l'élection des gouverneurs et vice-gouverneurs des provinces au suffrage universel direct.
« Ce desiderata vaut la peine dans la mesure où les élections de ces autorités, organisées indirectement au niveau des assemblées provinciales, éliminent la culture de redevabilité de ces derniers vis-à-vis de la base souveraine pour laquelle elles sont censées rechercher le bonheur », avait-il soutenu.
Par ailleurs, dans son rapport, Ebuteli propose également la révision de la loi électorale, en y intégrant des dispositions renforçant la lutte contre la corruption. « Cette loi doit interdire la distribution de cadeaux ou dons de quelque nature que ce soit pendant la campagne électorale, et doit prévoir la démission d'office de tout mandataire public candidat aux élections. »
Jean-Baptiste Leni