Dans un message partagé sur son compte X ce lundi 17 mars 2025, Denis Mukwege, prix Nobel de la paix et candidat à la présidentielle de 2023 en République démocratique du Congo (RDC), évoque les dimensions économiques et internationales de la crise sécuritaire dans l’Est du pays, où l’armée rwandaise, qui soutient le M23, occupe illégalement certains territoires congolais. L’interpellation de Denis Mukwege intervient dans un contexte où le gouvernement de la RDC s’est engagé à discuter directement avec les rebelles du M23, sous la médiation du président angolais, Joao Lourenço.
Pour Denis Mukwege, la dimension économique du conflit s’explique par l’intérêt des sociétés multinationales pour les minerais congolais dits stratégiques, qui se trouvent dans les zones sous occupation de l’armée rwandaise.
« En outre, des puissances étrangères et des acteurs clés de la mondialisation économique issus du secteur privé ont des intérêts stratégiques pour les minerais critiques présents dans le sous-sol congolais, notamment dans le cadre de la transition numérique et énergétique, mais aussi dans les industries de la défense et du spatial », écrit Denis Mukwege.
Par conséquent, le caractère international du conflit s’explique par l’intervention directe du Rwanda, de l’Ouganda et du Burundi, ainsi que par l’implication des pays de la SADC et de l’EAC.
Plaidoyer pour une conférence internationale
Ainsi, le prix Nobel de la paix rejette l’idée de réduire la guerre dans l’Est à un conflit interne impliquant le M23 et le Rwanda d’une part, et le gouvernement de la RDC d’autre part, approche qui, selon lui, vise à « galvaniser une volonté politique forte aux niveaux national, régional et international » et « pourrait s’apparenter soit à une méconnaissance des réalités des dynamiques existantes sur le terrain, soit à une trahison de la patrie ».
Il plaide ainsi pour une conférence internationale pour la paix en RDC, « qui aurait pour objectif de revitaliser l’Accord-Cadre d’Addis-Abeba et de créer une plateforme de haut niveau visant à faciliter un dialogue constructif et à la hauteur des défis actuels ».
« Cette conférence permettrait d’aboutir à une feuille de route concertée, définissant des actions concrètes aux niveaux national, régional et international. Elle offrirait également l’occasion de mobiliser les moyens nécessaires pour sortir de la crise actuelle et jeter les bases d’un projet de paix durable en RDC, dans le cadre du Pacte social pour la paix promue sous l’égide de la CENCO et de l’ECC », a expliqué Denis Mukwege.
Il souligne également que cette démarche s’inscrit dans le cadre des principes fondamentaux de la charte de l’Union africaine, garantissant la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC, contre ce qu’il qualifie de « légitimation de la balkanisation de la RDC ou le processus en cours d’annexion des Kivus ».
Appel au maintien des pressions internationales sur le Rwanda
Dans son message, le candidat à la présidentielle de 2023 en RDC plaide également pour le maintien de la pression internationale sur le Rwanda, qui combat aux côtés du M23. Ces pressions, estime Mukwege, pourraient permettre « de faire respecter les prescrits de la résolution 2773 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, qui exhorte les parties à un « cessez-le-feu immédiat et inconditionnel » et “demande à la Force de défense rwandaise de cesser de soutenir le M23 et de se retirer immédiatement du territoire de la République démocratique du Congo, sans conditions préalables” ».
« Cette résolution est une avancée significative pour la paix en RDC et devrait jouir d’une préséance dans toutes tractations diplomatiques », indique Denis Mukwege.
Et d’ajouter :
« Dialoguer sous la menace des armes reviendrait à institutionnaliser la loi du plus fort et à conférer une légitimité à l’agression et à l’occupation illégale. »
Engagement de Mukwege pour la paix en RDC
Depuis l’exacerbation de la crise actuelle dans l’Est de la RDC, avec la prise des villes de Goma et de Bukavu dans les deux Kivus, Denis Mukwege n’a cessé de démontrer son engagement en faveur de la paix, pointant du doigt les ingérences du Rwanda et de l’Ouganda, qui participent au pillage des ressources minières de la RDC.
Dans un message sur son compte X vendredi 14 février dernier, Denis Mukwege avait salué la résolution du Parlement européen votée jeudi 13 février 2025, en vue de dissuader l’armée rwandaise, qui soutient le M23, de continuer ses avancées dans l’Est de la RDC après la prise de la ville de Goma et d’autres agglomérations dans la province du Sud-Kivu.
Dans un communiqué publié le 2 février, Denis Mukwege avait exigé de l’Union européenne qu’elle coupe son aide économique en faveur du Rwanda, en guise de sanctions pour la violation par ses troupes de l’intégrité territoriale de la RDC, en occupant illégalement certaines régions.
Le 10 janvier 2025, le prix Nobel de la paix avait, dans une note, demandé aux Nations Unies de ne plus se contenter de condamnations de façade et de paroles creuses, mais de mettre un point final à cette guerre économique.
Bruno Nsaka