Ça chauffe sur le marché de change et sur celui des biens et services en RDC. La Banque centrale du Congo évalue jusqu’à 6% le taux de dépréciation du franc congolais depuis le début de l’année et estime l’inflation annuelle à 21%. Le président de la République a interpellé le gouvernement face à cette situation qui érode le peu de pouvoir d’achat des Congolais. C’est dans ce contexte que le Gouvernement Suminwa s’apprête à évaluer le dispositif actuel contre la dépréciation monétaire et la persistance de l’inflation sur le marché. Connaissant bien le registre dans lequel joue toujours les dirigeants congolais sur ce terrain, l’expert en hautes Finances Aimé Lambala doute de l’efficacité de l’arsenal des mesures qu’entend prendre les ministères économico-financiers du Gouvernement et le Banque centrale du Congo.
A l’issue de la première réunion de la Troïka Politique, le tout nouveau ministre des Finances de la RDC, Doudou Fwamba, a peint comme suit la situation du cadre macroéconomique : « Sur le plan intérieur, après avoir évalué ces indicateurs, nous sommes arrivés à la conclusion que notre taux d'inflation en glissement annuel est autour de 21%, avec un taux de dépréciation de notre monnaie d'environ 6%. Des mesures ont été proposées, incluant les directives déjà données par Son Excellence le Président de la République, Félix-Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO, telles que les non-paiements au guichet de la Banque Centrale du Congo. D'autres mesures, telles que la coordination des politiques monétaires et budgétaires entre le gouvernement et la Banque Centrale du Congo, ont été prises. Notamment, la reprise des réunions du comité technique de PTR (Plan de trésorerie), ainsi que l'alignement du plan de trésorier de l'État sur les niveaux de liquidité du marché bancaire. Des mesures supplémentaires de supervision ont été recommandées à la Banque Centrale du Congo, et plus de rigueur et de rationalité dans l'amélioration de la qualité de la dépense ont été recommandées au gouvernement de la République démocratique du Congo via le Ministère des Finances ».
Voilà l'essentiel des mesures qui ont été abordées lors de cette réunion de la Troïka Politique, avec d'autres à venir, a promis l’argentier national avant d’annoncer que « les équipes ont été instruites pour commencer le travail et pour maintenir la vigilance afin de maîtriser les pulsions inflationnistes du marché et préserver le pouvoir d'achat de notre population ».
Réagissant au compte rendu de cette réunion de la Troïka politique, Aimé Lambala, Expert en Hautes finances et des marchés financiers, macro économiste et monétariste, soutient que « une monnaie qui se déprécie de 6 % est très grave dans une économie et détruirait le pouvoir d'achat et les investissements ».
« Sur le plan national en RDC, l’on note une inflation annuelle de 21 %, avec une dépréciation de 6 % de la monnaie. Une monnaie qui se déprécie de 6 %, est très grave dans une économie et détruirait le pouvoir d'achats et les investissements. Avec une hausse du taux directeur par la BCC, de plus 14.00 Point de base à 25 %, cela a plus détruit les investissements et la croissance organique et la croissance du PIB », a soutenu Aimé Lambala.
Prenant l’exemple de l'année dernière (2023) où la Banque centrale a haussé son taux directeur à 25%, Aimé Lambala estime qu’il y a eu une inflation voulue par le Trésor public qui a plus déstabilisé le taux de change réel et le taux d'intérêt réel. Ce qui a déprécié plus le pouvoir d'achat et certains indices (IPC, PME, JOX, PMI..). (Ndlr : PME : indice de panier des ménagères ; JOX : indice de création de nombre d'emplois ; PMI : indice des directeurs des achats dans les entreprises). « Avec la politique économique et monétaire du trou de raquette, seule un bon modèle économique et monétaire doivent être mis en place », clame-t-il.
En clair, cet expert des marchés financiers estime que l’inflation que la RDC a connue à partir du deuxième trimestre 2023 a été provoquée par les paiements massifs effectués au profit des chantiers des jeux de la francophonie. Pour lui, l’inflation observée l’année passée était juste localisée à Kinshasa et ne concernait pas l’ensemble de la RDC. Et donc, la Banque centrale notamment ne devrait pas relever son taux directeur de 14.00 de point de base, soit de 11% à 25%. Ceci a pénalisé les investissements car les banques commerciales devraient accorder des crédits à des taux très élevés de plus de 25%.
Bien plus, Aimé Lambala est catégorique : "La politique monétaire ne doit pas être conduite par la politique économique, chose qui se fait actuellement en RDC, à travers des réunions pour demander l'appréciation du franccongolais. Cette politique montre la non indépendante de la Banque centrale. La Banque centrale du Congo doit appliquer 1 ou 2 recommandations, parmi les 3 règles de Mundell : 1) l'indépendance de la BCC ; 2) la libre circulation des capitaux; 3) le taux de change fixe".
Pour autant, il observe que les mesures prises par les dirigeants congolais manquent d’efficacité jusque là. « Oui, elles manquent d'efficacité dans la pratique. Quand le Budget ne répond pas à la réalité, cela ramène à des déficits public et primaire à la suite. Les mesures de la BCC, entre autres ; TPE (Terminaux de paiement électroniques), paiement de toutes les factures en franc congolais, Le non affichage des prix dans les bureaux de change, n'auraient pas d'effets pour apporter une résilience monétaire ni économique, mais plutôt causeraient une fluctuation négative de la monnaie nationale ».
De son avis, sans une bonne réforme et la régulation de l'actif réel en l’occurrence le marché de l’immobilier, l'évolution de l'économie Congolaise resterait toujours dans les discours de politiciens.
Par ailleurs, Aimé Lambala fustige cette pratique de recourir chaque fois à la monétisation de la dette suite au déficit public, déficit primaire. « Cette pratique des Bons du Trésor et des Obligations du trésor profite plus aux banques commerciales et aux spéculateurs et non à une création monétaire commerciale, ni à l’économie monétaire de ruissellement encore moins à l'activité économique directe », dit-il.
Amédée Mwarabu