Le Centre de recherche en finances publiques et développement local (CREFDL) a effectué une mission de contrôle citoyen sur la gestion budgétaire de 2021-2023 au Parlement. Dans le rapport publié le jeudi 9 mai 2024, cette structure de la société civile révèle que l’utilisation des crédits alloués aux deux chambres du Parlement au cours de ces deux exercices budgétaires font apparaître des faits suivants :
1.Une institution budgétivore : le Parlement a dépensé 1,1 milliard de dollars américains, dont 60% ont été utilisés par l’Assemblée nationale et 40% par le Sénat. Ce montant correspond aux besoins actuels exprimés par le secteur du développement rural pour réhabiliter 40.000 Km de route de desserte agricole et désengorger les territoires avec les chefs-lieux des provinces de la RDC ;
2.Méconnaissance de la loi : l’analyse révèle le non-respect du circuit de la dépense publique, le rejet et la méprise des règles légales et réglementaires de la comptabilité publique et de passation des marchés publics. Ces comportements ont entrainé l’utilisation non autorisée de 303,3 millions USD. L’absence d’un rapport explicatif des dépassements soulève des doutes sur la crédibilité de ces dépenses". Dans ce même rapport, le CREFDL rappelle que 303,3 millions USD valent 1.500 laboratoires médicales équipés et 1 875 écoles construites et équipées que la population devrait bénéficier ;
3.Fraude et Enrichissement illicite : le bureau de l’Assemblée nationale a dépensé 90 millions USD pour acheter les véhicules contre le plafond autorisé de 4,5 millions USD, enregistrant un dépassement de 1 999,85%. Pourtant, les crédits liés aux investissements ont un caractère limitatif et contraignant. A cela s’ajoute la dilapidation des fonds affectés au projet de construction des bureaux des commissions parlementaires, du dispensaire du Parlement et du dépôt des archives ;
4.Recrutement massif et abusif à l’Assemblée Nationale et au Sénat : Par exemple, l’administration de l’Assemblée Nationale compte un effectif de 612 personnes tandis que les cabinets politiques en disposent 2.756. Pourtant, conformément aux articles 235, 236 et 238 du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale révisé, l’effectif du personnel des cabinets des membres du bureau est fixé à 157 dont 28 du personnel administratif, 49 du personnel d’appoint et 80 du personnel domestique. Les effectifs de 2.756 personnes sont rémunérés de manière arbitraire. Cette situation est similaire à celle du Sénat dont le personnel politique affecté au cabinet est de 881 contre 259 affectés au Secrétariat Général alors que ce dernier devait être constitué de 157 personnes conformément aux Articles 252, 253 et 255 du Règlement Intérieur ;
5.Double payement : Les quatorze membres des deux bureaux sont doublement rémunérés. D’abord en tant que député national et puis comme membre des bureaux, d’après les affectations des crédits indiqués dans les lois relatives à la reddition des comptes des exercices 2021 et 2022.
6.Insertion d’une ligne budgétaire ambiguë et budgétivore au niveau des dépenses de rémunération à l’Assemblée Nationale tout comme au Sénat, dénommée « autre personnel » ;
7.Faible niveau de contrôle politique des finances publiques : l’analyse relève l’opacité autour de l’utilisation d’une ligne de crédits appelée « fonds spécial d’intervention » évalués à 309 millions USD. Ces fonds devrait financer les initiatives du contrôle parlementaire ;
8.Recours abusif à la sous-traitance : deux ONG (Splendeur côté Sénat et Lidya Decor Malika à l’Assemblée nationale) ont été recruté pour assurer la propreté du Palais du peuple, alors que le ministère des ITPR a affecté 300 agents pour assurer les mêmes tâches. Le personnel de ces deux ONG bénéficie d’un barème salarial de prestige et les agents publics sont mal rémunérés ;
9.Abus de pouvoir : certains parlementaires ne disposent pas d’assistant. Au début de la législature, ces derniers font enregistrer leurs membres de familles pour gagner de l’argent. Malgré l’utilisation d’au moins 309 millions USD par les deux chambres, le contrôle parlementaire n’a pas été bien organisé entre 2021 et 2023.
"Suite à ce tableau sombre, le Parlement de la RDC ne saurait activer le contrôle parlementaire. Il reste impuissant et ne peut veiller à la régularité et à la sincérité de l’exécution de la dépense publique", conclut CREFDL dans son rapport .
Bienvenu Ipan