La valeur des investissements directs chinois en Afrique entre 2017 et 2019 est douze fois inférieure au montant des contrats clé en main livrés par les entreprises de BTP chinoises sur le continent durant la même période.
Les entreprises chinoises opérant en Afrique agissent comme prestataires de services, clients et fournisseurs de marchandises et n’interviennent pas spécifiquement comme investisseurs, a estimé l'Institut Français des relations internationales (IFRI) dans un rapport publié en octobre 2022.
Intitulé « Les influences chinoises en Afrique 2 : Mythes et réalités des relations économiques », ce rapport précise que le cliché « répété à satiété » selon lequel la Chine est un investisseur de premier plan en Afrique découle de la confusion classique faite par des acteurs de secteurs variés entre investissement, financement et prestation de services.
L’analyse des données statistiques chinoises ainsi que celles des institutions internationales montrent que la valeur des investissements directs chinois en Afrique entre 2017 et 2019 (12 milliards de dollars sur trois ans) est douze fois inférieure au montant des contrats clé en main livrés par les entreprises de BTP chinoises sur le continent durant la même période (144 milliards de dollars sur trois ans).
Le montant des activités commerciales (services et marchandises) des entreprises chinoises est, quant à lui, en moyenne 80 fois plus important que celui des investissements de l’empire du Milieu en Afrique.
En 2019, le montant des investissements directs chinois sur le continent s’est élevé à 2,7 milliards de dollars, ce qui représente à peu près la valeur de la participation du groupe chinois Dong Feng dans le constructeur automobile français PSA.
« Les entreprises chinoises investissent peu en Afrique. En revanche, elles y font du commerce et construisent des infrastructures pour le compte des gouvernements africains qui, eux, investissent dans ce domaine, à l’aide de financements chinois », résume l’IFRI.
La conséquence de la faiblesse de l’investissement chinois en Afrique est que la Chine ne participe que très marginalement à l’industrialisation du continent. Les investissements industriels chinois en Afrique se font en effet dans des activités intensives en main-d’œuvre. Peu capitalistiques et peu industrialisants, ils n’impliquent que des transferts de technologies très limités.
« Asymétrie substantifique »
Le rapport déconstruit d’autre part l’image réductrice d’une Chine monolithique en Afrique, en dressant un panorama des différents acteurs en présence avec leurs intérêts et stratégies variés. Il y a d’abord des acteurs institutionnels qui peuvent s’affronter au sein même des ambassades. Il existe en effet des divergences entre représentants du ministère des Affaires étrangères, qui subordonnent le commercial au politique, et ceux du ministère du Commerce qui, inversement, subordonnent le politique au commercial.
Cette rivalité entre le commercial et le politique se retrouve aussi dans les rapports entre les représentants du ministère des Affaires étrangères et ceux de l’Exim Bank of China, le bras financier de la Chine dépendant du ministère des Finances : les premiers encouragent l’attribution de prêts à taux bonifiés alors que les seconds préfèrent octroyer des prêts à des taux commerciaux.
Côté entreprises publiques, des stratégies différentes sont perceptibles entre celles qui sont mandatées par le gouvernement chinois pour garantir l’approvisionnement en matières premières de celles qui sont à la recherche de marchés, comme les grandes entreprises de
BTP qui n’ont d’autres objectifs que de réaliser des profits.
Le rapport souligne par ailleurs l’existence d’une « asymétrie substantifique » dans les relations économiques entre l’Afrique et la Chine, estimant que « si la Chine est économiquement importante pour l’Afrique, l’Afrique ne l’est pas autant pour la Chine ».
Le commerce de marchandises conteneurisées entre l’empire du Milieu et le continent ne représente que 4 % du commerce chinois. Tous modes de transport confondus (maritime, aérien et terrestre), l’Afrique ne pèse que 3 % du commerce chinois de marchandises.
« Du point de vue micro-économique (celui des entreprises chinoises), l’Afrique peut offrir des marchés importants. En revanche, d’un point de vue macro-économique (celui de la nation chinoise), c’est loin d’être le cas », notent les auteurs du rapport.
En ce qui concerne le commerce des matières premières, la Chine n’est pas très dépendante de l’Afrique. D’autant plus que Pékin s’est constitué une vaste palette de fournisseurs alternatifs dans ce domaine. Ainsi, les quatre plus importants pays africains exportateurs de minerais et de métaux vers la Chine (Afrique du Sud, RD Congo, Zambie et Guinée) ne représentaient ensemble que 8% des importations totales du géant asiatique en 2019. De même les quatre principaux pays africains exportateurs d’hydrocarbures vers l’empire du Milieu (Angola, Congo, Libye et Gabon) ne représentaient que 11% du total des importations de Pékin.
DESKECO et AGENCE ECOFIN