Alors que le franc congolais s’apprécie de manière rapide et soutenue face au dollar américain, suscitant un vif débat au sein de l’opinion en République démocratique du Congo, le gouverneur de la Banque centrale du Congo, André Wameso, a tenu à expliquer la démarche de l’institution monétaire. Pour lui, la BCC n’impose rien, mais travaille plutôt à restaurer la confiance collective dans la monnaie locale.
« L’approche de la Banque centrale n’est pas coercitive. Il s’agit de rendre la confiance de la population à sa monnaie, en montrant que c’est une monnaie qui a de la valeur. Lorsqu’un Congolais sent que sa monnaie vaut quelque chose, il préfère naturellement faire ses transactions en francs congolais », a expliqué André Wameso.
Face à la chute du dollar observée ces dernières semaines, la BCC veut éviter toute interprétation erronée. Il ne s’agit pas, selon son gouverneur, d’une croisade contre la dollarisation, mais plutôt d’un travail de fond pour rééquilibrer les usages monétaires.
« La Banque centrale ne dit pas qu’il faut supprimer le dollar, ce serait d’ailleurs compliqué à moyen ou long terme, mais nous voulons renforcer l’utilisation du franc congolais. C’est notre rôle constitutionnel : stabiliser le cadre macroéconomique et lutter contre l’inflation. Or, si les échanges se font majoritairement en dollars, nous perdons une partie de nos leviers d’action », a-t-il précisé.
Pour Wameso, l’enjeu est clair : permettre à la BCC d’exercer pleinement son rôle de « prêteur en dernier ressort » dans une monnaie qu’elle contrôle réellement, c’est-à-dire le franc congolais.
Concernant la pérennité de cette appréciation, le gouverneur dit compter sur les instruments classiques de politique monétaire, qu’il considère comme les principaux mécanismes dont dispose la BCC.
« Nous avons le taux directeur, que nous venons d’assouplir à la suite du comité de politique monétaire, le coefficient de réserve obligatoire, ainsi que nos réserves de change, qui portent autour de 7 milliards de dollars. Et si nécessaire, nous pouvons aussi intervenir directement en injectant sur le marché », a-t-il déclaré.
Répondant aux critiques selon lesquelles l’appréciation du franc congolais pourrait nuire à la compétitivité des produits congolais à l’international, André Wameso a relativisé cette crainte.
« Notre économie est dollarisée. Tout ce que nous exportons, notamment le cuivre et le cobalt, est vendu en dollars. Cette situation n’affecte donc pas directement notre compétitivité. Le débat serait différent si nous vendions nos minerais en francs congolais », a-t-il noté.
« Ainsi, la BCC ne cherche pas à provoquer un choc monétaire, mais à accompagner une transition progressive vers une économie plus ancrée dans sa propre monnaie », souligne-t-il.
Certains analystes estiment, cependant, que l’appréciation d’une monnaie sans production locale n’est pas soutenable. Wameso rejette cette idée jugée « trop simpliste ».
« C’est un vrai et faux argument. Nous avons connu une longue période de stabilité entre 2010 et 2025, alors que la production nationale était bien inférieure à celle d’aujourd’hui. Ce n’est donc pas uniquement la production qui détermine la stabilité d’une monnaie », a-t-il argumenté, citant l’exemple de l’Italie, où une forte production n’a pas empêché la dépréciation monétaire à cause de déséquilibres budgétaires.
Pour lui, la clé réside dans la stabilité macroéconomique et la gestion rigoureuse des équilibres financiers. « Lorsque la stabilité est atteinte, la production doit venir en renfort pour consolider cette dynamique », a-t-il ajouté.
Au-delà des chiffres et des politiques, André Wameso insiste sur un facteur essentiel : la confiance.
Selon lui, tant que les Congolais continueront à percevoir leur monnaie comme fragile, ils privilégieront le dollar. La BCC entend donc inverser cette perception.
Jean-Baptiste Leni