Dossier Fonarev : dilapidations à travers des avantages illégaux, anarchisme et opacité dans la gestion de ce fonds

Illustration d'une affiche de Fonarev
Illustration d'une affiche de Fonarev
PAR Deskeco - 26 sep 2025 09:53, Dans Corruption

Dans une correspondance datée du 10 juin 2025, dont une copie est parvenue à Deskeco, adressée au président du conseil de l’administration du Fonarev, l’ex-ministre de Droits humains, Chantal Chambu, exprime son indignation sur des avantages délibérés accordés aux directeurs dans le cadre du Fonds national des réparations de victimes de violences sexuelles liées aux conflits et des victimes des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité (Fonarev). 

Dans ce document, la ministre reproche au PCA de Fonarev d’avoir attribué aux directeurs des frais de déplacement, forfait de communication, ainsi que d’entretien et café, malgré des rémunérations conséquentes qu’ils perçoivent dans le cadre de ce projet, conformément aux résolutions adoptées au cours d’une séance du conseil d’administration tenue en mai 2025.

« Au cours de la même séance du conseil d’administration, vous avez adopté la résolution n° CE/2025/05/08, instituant un barème d’avantages complémentaires pour les directeurs (forfait communication et données : 150 USD, indemnité de déplacement : 500 USD, et forfait entretien et café : 200 USD mensuels), alors que les grades de direction au sein du Fonarev bénéficient déjà d’une rémunération conséquente », a-t-elle fait savoir dans le document.

La sommation de ces frais illégaux sur une période donnée au nombre de directeurs, fait couler ce Fonds destiné aux victimes de guerres. Bien avant cette dénonciation, en novembre 2024, l’ODEP dénonçait déjà une « énorme escroquerie » orchestrée à travers le Fonarev, dont, dit-t-elle, le « pactole est géré en toute opacité par Denise Nyakeru, la première dame ». ODEP faisait savoir que le Fonarev encaisse, chaque mois, 27 millions USD, tirés des redevances minières au-delà des apports extérieurs, mais dont l’utilisation reste opaque, en dépit de 7 millions de déplacés de guerre dans l’Est, par exemple. 

La ministre Chantal Chambu reproche également au président du conseil d’administration de ne pas respecter les instructions de la tutelle dans le cadre de ce fonds, notamment à travers la mise en place d’une convention collective, qui financièrement a des répercussions lourdes, alors que cette convention, indique-t-elle, lui semblait « prématurée » au regard de la jeunesse de l’établissement.

« Un tel accord nécessite, en effet, un recul suffisant pour en évaluer précisément les conséquences tant sur les conditions des agents que sur la santé financière du Fond, recul que l’existence de moins de deux ans ne permet pas encore d’acquérir. Malgré cela, la convention collective a été validée par le conseil d’administration », dénonce-t-elle.   

Dans la correspondance, Chantal Chambu dénonce également le manque de transparence dans la gestion de Fonarev par le PCA.

« Après examen attentif de chacune des résolutions, je constate que plusieurs d’entre elles s’appuient sur des documents qui ne m’ont pas encore été communiqués. Afin de pouvoir me prononcer en toute connaissance de cause, je vous saurais gré de bien vouloir me transmettre, dans les meilleurs délais, les pièces suivantes : le rapport de gestion de l’exercice 2024, le plan opérationnel amendé de l’exercice 2025 ; le rapport financier du premier trimestre 2025, ainsi que le rapport d’activités du premier trimestre 2025 », recommande-t-elle dans le document.

Par ailleurs, ce climat de gestion a de plus à plus renforcé de la méfiance de la part du conseil d’administration.  

« Par ailleurs, je constate que les instructions reprises dans ma lettre n°1774/CAB-MIN/DH/CCM/2025 en date du 22 mai 2025, adressée à votre attention et portée à la connaissance de l’ensemble de membres du conseil d’administration, n’ont pas été mises en œuvre à l’issue de la session du conseil d’administration du 27 mai 2025 », indique-t-elle.

Avant de rappeler,

« Je vous avais expressément demandé de procéder à la création d’une direction juridique autonome, distincte de l’actuelle direction des ressources humaines et juridique, et de nommer un directeur qualifié à sa tête. Cette directive était motivée par l’inadéquation d’un non-juriste à piloter cette fonction essentielle et par l’urgence de sécuriser juridiquement l’ensemble des opérations du Fonarev ».

Face à ce dysfonctionnement, la tutelle avait instruit au PCA de procéder, sans délai, à la création, sur le plan administratif, d’une direction juridique autonome, en attendant la nomination de son directeur lors de l’exercice 2026, rapporter l’exécution de la résolution relative aux avantages complémentaires des directeurs, dont « je m’oppose formellement à l’application», insistait-t-elle, dans sa correspondance ; reporter la mise en œuvre de la convention collective à l’exercice 2028, et suspendre tout processus de signature ; ainsi que suspendre tout recrutement externe au sein du Fonarev jusqu’à l’approbation effective, par l’autorité de tutelle, du statut du personnel, ainsi que du cadre organique , lesquels n’ont pas encore été transmis au ministère de tutelle.

Jean-Baptiste Leni

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