Dans une note d'analyse rendue publique la semaine dernière, l'Observatoire de la dépense publique (ODEP) s'indigne des disparités notables enregistrées au premier trimestre 2025 dans l'allocation et l'utilisation des ressources envers les secteurs à caractère social, dits « pro-pauvres ». Il s'agit notamment de l'éducation, de l'agriculture, de la santé ainsi que du secteur humanitaire.
Il faut rappeler que cette disparité est survenue alors que les besoins d'assistance sanitaire et humanitaire à l'égard des déplacés de guerre dans l'Est de la RDC se sont accrus depuis le début de l'année 2025, suite au retrait de l'USAID par les États-Unis, qui ont dénoncé la mauvaise utilisation de leurs fonds.
Dans le secteur de la santé par exemple, l'ODEP révèle que sur le crédit voté, seulement 17,1 % ont été exécutés. Ces crédits ont toutefois été majoritairement orientés vers les hôpitaux de référence, au détriment des centres de santé primaires, de la prévention communautaire et des zones rurales.
Dans l'éducation, 17 % des crédits ont été exécutés. L'ODEP indique que ces fonds ont été essentiellement absorbés par les rémunérations, avec des retards persistants dans les allocations destinées aux cantines scolaires, à l'achat de manuels et aux équipements pédagogiques.
La structure s'inquiète du sort de la gratuité de l'enseignement, alors que les fonds exécutés n'ont même pas atteint la moitié du crédit alloué.
« Cette situation fragilise le principe constitutionnel de la gratuité de l'enseignement, notamment en milieu rural et en zone de conflit », déplore-t-elle.
Concernant le secteur de la protection sociale et des affaires humanitaires, seulement 21 % du crédit voté a été exécuté. Malgré ce contexte, l'ODEP note une « performance relative », qui demeure insuffisante en volume pour répondre aux besoins humanitaires dans la région.
Les crédits exécutés ont permis la prise en charge de couches vulnérables, dont les déplacés de guerre, les personnes âgées, les veuves, les orphelins et les familles en détresse économique.
Par ailleurs, le secteur des affaires économiques, qui inclut l'agriculture, n'a vu que 4 % de son crédit exécuté au premier trimestre 2025. Dans ces 4 %, l'agriculture n'a capté que 2 %, malgré l'urgence alimentaire accrue en République démocratique du Congo, où la population ne mange en moyenne qu'une fois par jour.
Un rapport du Programme alimentaire mondial (PAM) classe d'ailleurs certaines provinces du pays, telles que le Kasaï Oriental, en phase 3 de crise alimentaire en 2024, c'est-à-dire en situation d'urgence. Dans cette province, 8 ménages sur 10 n'ont pas accès à une alimentation saine et suffisante.
« Le cas de l'agriculture est particulièrement révélateur : sur les 4 % globalement exécutés dans le titre 4, ce secteur n'en a capté que 2 %, traduisant ainsi une marginalisation budgétaire préoccupante pour un levier aussi central dans la lutte contre la pauvreté et la promotion de la souveraineté alimentaire », dénonce l'ODEP.
L'Observatoire ajoute :
« Dans un pays confronté à une insécurité alimentaire structurelle et à une forte dépendance aux importations, cette sous-exécution constitue un désalignement profond entre les discours politiques et les priorités budgétaires effectives ».
Au-delà de ce contexte, l'Observatoire de la dépense publique révèle que ces disparités inquiétantes se sont accompagnées d'une exécution « partielle », « lente » et « peu adaptée » aux urgences sociales du pays. L'organisation conclut en appelant les autorités congolaises à « une réorientation urgente de l'exécution budgétaire vers les dépenses à fort impact social, avec notamment des mécanismes simplifiés, déconcentrés et traçables ».
Jean-Baptiste Leni