RDC : De nouvelles manœuvres dans le processus d'octroi des cartes d'identité pour citoyens

Photo d'illustration
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PAR Deskeco - 06 aoû 2025 13:52, Dans Actualités

Sur son compte X ce mardi 5 août 2025, le Conseil présidentiel de veille stratégique (CPVS), un service spécialisé de la présidence de la République chargé d'assurer le suivi des réformes prioritaires du Chef de l'État, dirigé par François Muamba Tshishimbi, a annoncé avoir reçu une délégation de l'Office national d'identification de la population (ONIP), conduite par son directeur général Richard Ilunga.

L'objectif, selon le CPVS, était d'« évaluer l'état d'avancement de cette réforme prioritaire, relancée après sa suspension en 2022 ».

Sans donner plus de détails sur la durée de la relance des opérations, ni sur leur coût, le CPVS annonce simplement qu'un test pilote a été mené à Kinshasa et a permis d'enregistrer 700 citoyens ; qu'un nouveau partenariat serait en pleine négociation avec une entreprise ghanéenne ; que plus de 5 000 bureaux d'identification seront ouverts sur toute l'étendue du territoire national congolais et que la prochaine carte sera gratuite.

Jusqu'à quand les Congolais vont-ils attendre ?

La population de la RDC n'a pas de carte d'identité depuis 1984. L'annonce de l'octroi de nouvelles cartes d'identité en 2022 avait suscité l'espoir du peuple congolais dont le passeport, la carte d'électeur et parfois le permis de conduire tiennent lieu de pièces d'identité.

Aujourd'hui, les jours passent et les promesses s'intensifient. Lors d'une conférence de presse samedi 24 mai dernier, Richard Ilunga avait annoncé le lancement imminent des opérations d'identification, sans toutefois préciser de date exacte. Selon lui, les personnes enrôlées par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) devraient être les bénéficiaires prioritaires de la carte d'identité. Il avait par ailleurs annoncé la tenue d'une conférence de presse pour expliquer la méthodologie d'identification des personnes non recensées par la CENI, grâce notamment à la stratégie d'identification par stratification, déjà élaborée.

Des soupçons de détournement de deniers publics

En octobre 2024, deux organisations de la société civile, à savoir la Ligue congolaise de lutte contre la corruption (LICOCO) et l'Observatoire de la dépense publique (ODEP), avaient choqué la communauté nationale et internationale avec la publication d'une liste de fonds publics détournés dans plusieurs secteurs. Cette liste mentionnait notamment environ 697 millions de dollars américains, destinés aux travaux d'identification, qui auraient été détournés à l'ONIP. Ces organisations n'avaient pourtant fourni aucune preuve pour étayer leurs allégations, rapidement réfutées par l'ONIP.

Qu'est-ce qui bloque ?

Au ministère de l'Intérieur, tutelle de l'ONIP, tout semble pourtant prêt pour lancer les opérations d'identification de la population. Le 24 avril dernier, le gouvernement congolais avait signé un mémorandum d'entente avec la République tchèque, représentée par la société Mcorecode, pour la construction d'un centre de données (data center), en présence de Shabani Lukoo, ministre congolais de l'Intérieur, et de Karel Komarek, ambassadeur de la République tchèque en RDC.

Cette infrastructure moderne permettra de centraliser et sécuriser les données d'identification collectées par la CENI ainsi que celles recueillies par l'ONIP, notamment pour les citoyens non enregistrés lors des opérations électorales.

Lors de la 22e réunion du Conseil des ministres vendredi 15 novembre 2024, le ministre de l'Intérieur avait déjà annoncé des avancées dans les travaux d'octroi de la carte d'identité nationale aux citoyens congolais, l'ONIP ayant produit le cahier des charges en 5 modules et la feuille de route des différentes opérations à mener. Mais l'opération d'identification n'est toujours pas lancée.

Des tentatives ratées

Les tentatives de délivrance de cartes d'identité dans le passé en RDC ont toujours tourné au fiasco. En décembre 2023, lors d'une conférence de presse, il avait été révélé qu'un contrat de 1,2 milliard de dollars avait été conclu entre le gouvernement de la RDC et les entreprises Afritech et Idemia. Cependant, ce contrat a été annulé le 12 août 2024 après avoir été jugé surfacturé par l'Inspection générale des finances (IGF). Des enquêtes menées par ACTUALITE.CD, en partenariat avec Lighthouse Reports et Bloomberg, avaient confirmé les soupçons de surfacturation.

Par ailleurs, le coût du projet avait déjà suscité des inquiétudes au sein même de l'ONIP et d'organismes internationaux tels que la Banque mondiale, qui avait proposé son aide pour la mise en place d'un état civil fiable.

Sous l'ancien président Joseph Kabila, plus de 25 millions de dollars initialement destinés au programme de délivrance de la carte d'identité auraient été détournés pour financer la construction du bâtiment Hypnose à Lubumbashi, selon l'enquête d'ACTUALITE.CD et de ses partenaires Lighthouse Reports et Bloomberg.

Bruno Nsaka

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