Gifles, insultes et humiliations dans les mines : les travailleurs congolais discriminés face à un « traitement préférentiel » pour les expatriés, selon deux organisations

Mines. Photo d'illustration
Mines. Photo d'illustration
PAR Deskeco - 21 juin 2025 13:07, Dans Mines

Les travailleurs expatriés, quelle que soit leur nationalité, sont généralement bien traités dans les mines de la République démocratique du Congo (RDC), surtout dans la région de l’ex-province du Katanga, alors que les travailleurs congolais subissent une discrimination et des « comportements culturellement irrespectueux ».

« Il s’agit d’une pratique enracinée de longue date dans le secteur minier », rapportent l’ONG britannique RAID et le Centre d'aide juridico-judiciaire (CAJJ), basée à Kolwezi, qui ont publié récemment les résultats de leur enquête en marge de la DRC Mining Week qui a eu lieu à Lubumbashi du 11 au 13 juin dernier.

Dans une mine opérée par une entreprise chinoise, des travailleurs congolais ont affirmé avoir été giflés et insultés. Ils ont expliqué avoir été injuriés et humiliés physiquement par des superviseurs étrangers, qui, selon eux, « deviennent facilement violents ». Un ouvrier du bâtiment, employé via un sous-traitant, a déclaré : 

« Si tu n’es pas apte, ils donnent des coups, et le pire c’est que le contrat [de travail] s’arrête. Pour garder notre contrat, on accepte tout. » Peut-on lire dans ce rapport, qui dénonce particulièrement le traitement inhumain envers les travailleurs des entreprises en sous-traitance.

Selon ces deux organisations, un autre travailleur a raconté ce qui suit :

« Je dois démissionner car je suis souffrant. J’ai demandé au chef de signer le bon pour aller à l’hôpital. Il a refusé. Le chef d’équipe est venu et a répondu : “S’il doit mourir, qu’il meure.” J’ai pleuré en rentrant à la maison. J’ai six enfants, je ne peux pas travailler dans ces conditions. J’ai donc demandé mon transfert. On nous amène que des expatriés. Nous sommes dans un pays du tiers-monde, donc nous Congolais, nous n’osons pas parler. (…) Ils [les responsables étrangers] ne connaissent rien sauf la pression. Ils n’ont aucune connaissance technique. (…) On entend des insultes en arabe, mais on comprend [même si on ne parle pas cette langue]. »

Cette situation est beaucoup plus grave dans les mines tenues par les Chinois.

« Les personnes travaillant dans des mines opérées par des entreprises chinoises ont rapporté un nombre de plaintes disproportionnellement plus élevé. Ce constat s’inscrit dans le contexte de l’expansion importante des investissements et des activités chinoises dans le secteur minier congolais au cours des deux dernières décennies », expliquent RAID et ACJJ.

Certains chefs jettent des déchets par terre, même si la poubelle est trop proche.

« La poubelle est proche d’eux, mais ils jettent par terre. Ils disent aux Congolais d’aller jeter leur verre pour eux. Généralement, il n’y a pas de sanction. Nos supérieurs congolais ont toujours tendance à donner raison au Chinois », rapporte un ouvrier.

Une autre ajoute :

« Je suis chauffeur. Nous avons un véhicule que je partage avec un Chinois. Quand je lui donne les clés, il les prend du bout des doigts et les désinfecte. Il désinfecte aussi tout ce que j’ai touché dans la voiture. »

 

Un accès insuffisant à la nourriture et à l’eau

Les deux organisations ont rapporté que dans certaines mines, des Congolais et des Chinois n’ont pas droit à la même nourriture, à la même quantité d’eau, ni aux mêmes installations hygiéniques.

 

« Les travailleurs ont signalé que les installations comme les toilettes et les réfectoires demeurent séparées pour les expatriés et les travailleurs locaux dans plusieurs mines, avec des conditions visiblement inférieures pour les travailleurs congolais », indiquent ces organisations.

 

Qui ajoutent :

« Ils se sont également plaints de la qualité de la nourriture. Un travailleur a déclaré que les employés n’ont ni la même nourriture que leurs superviseurs chinois, ni un accès suffisant à l’eau : “Parfois, ils nous donnent des produits périmés.” Il a ajouté : “L’eau, c’est un gros problème… Certains jours, on n’a pas d’eau.” Un collègue a ajouté : “On nous sert de la nourriture avariée. Il nous arrive de vomir et d’avoir la diarrhée.” »

Pour remédier à cette situation, les deux structures appellent les entreprises minières concernées, notamment, à intégrer la lutte contre la discrimination dans leur politique et à s’engager pour une conduite responsable en RDC.

Bruno Nsaka

 

 

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