Les employés des entreprises industrielles de production de cuivre et de cobalt dans le Katanga vivent dans un état de sous-paiement extrême. C'est ce qui ressort d'une nouvelle étude de l'organisation britannique RAID, menée conjointement avec le Centre d'Aide Juridico-Judiciaire (CAJJ) basé à Kolwezi.
D'après cette étude menée auprès de 30 travailleurs, principalement des entreprises en sous-traitance, leur salaire varie entre 120 et 150 dollars par mois. Cette rémunération ne permet pas à ces employés de subvenir à leurs besoins physiologiques et à ceux de leurs dépendants.
"Lors des entretiens menés par RAID et le CAJJ, un travailleur a déclaré avoir travaillé comme journalier pendant sept mois pour un salaire de seulement 57$ par mois. Son revenu était si bas qu'il ne parvenait pas à subvenir à ses besoins et ne pouvait envoyer aucun de ses huit enfants à l'école", indique le rapport.
Et d'ajouter :
"Un autre travailleur, dont le salaire de base était de 235$ par mois, atteignant environ 400$ avec les heures supplémentaires et les avantages, a expliqué que cela ne suffisait toujours pas à couvrir les dépenses essentielles telles que la nourriture, le loyer et les frais de scolarité. Il a dû faire le choix difficile de n'envoyer que deux de ses enfants à l'école, les autres restant à la maison faute de moyens."
Les entreprises citées dans cette maltraitance salariale sont notamment Kamoto Copper Company (KCC) de Glencore ; Metalkol RTR du groupe Eurasian Resources ; Tenke Fungurume Mining (TFM) de China Molybdenum ; la mine COMMUS du groupe Zijin Mining ; la Société minière de Deziwa (Somidez) de China Nonferrous Metal Mining Company (CNMC), et Sicomines, une coentreprise (joint-venture) entre la Gécamines et un consortium d'entreprises et d'investisseurs chinois.
Au moins 520$ mensuels pour revaloriser les travailleurs en sous-traitance
Selon les deux organisations qui ont utilisé la méthode dite "du panier de dépenses minimales" (Minimum Expenditure Basket), également utilisée par les Nations unies en RDC, le revenu mensuel minimum nécessaire pour couvrir les besoins essentiels - alimentation, logement, santé, éducation et autres coûts domestiques - est de 520$. Ce calcul est effectué sur la base du coût de vie à Kolwezi et peut être utilisé pour toute la région.
"Pour 2025, le salaire décent à Kolwezi s'élève à 520$ par mois, soit environ 20$ par jour. Il s'agit du seuil d'une vie décente, qui permet aux travailleurs, ainsi qu'à leur conjoint et à leurs enfants, de sortir de la pauvreté", estiment-ils.
Se conformer au SMIG, est-ce suffisant ?
Les entreprises concernées disent se conformer à la législation congolaise qui fixe le Salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) actuellement à 14 500 FC, alors qu'il se situait à 7 075 FC depuis 2018.
Pourtant, de nombreux observateurs ont démontré que ce seuil est largement inférieur au minimum requis pour permettre un niveau de vie décent.
Si l'on tient compte de l'actuel SMIG, le salaire mensuel d'un employé équivaudrait à 377 000 francs congolais, soit environ 150$ pour un travailleur à temps plein sur la base de 30 jours ouvrés (selon les taux de change de juin 2025), expliquent les deux organisations.
Lors d'un conseil des ministres en avril 2025, le président de la République Félix Tshisekedi avait reconnu que le nouveau SMIG reste en dessous du niveau nécessaire pour couvrir les besoins essentiels.
Les travailleurs de ces entreprises jouent un rôle prépondérant dans la production de cobalt et de cuivre, essentiels non seulement pour l'économie congolaise, mais aussi pour la transition énergétique à travers le monde.
« Or, cette transition ne peut reposer sur l'exploitation d'une main-d'œuvre sous-payée », estiment RAID et CAJJ.
Plaidoyer pour un salaire décent
Ainsi, les deux organisations recommandent aux entreprises minières de recruter directement la majorité de leur main-d'œuvre en RDC ; de limiter le recours à la sous-traitance aux seuls besoins urgents ou temporaires ; de verser un salaire décent conformément au calcul de 2025 et de s'engager publiquement à rémunérer l'ensemble des travailleurs - qu'ils soient employés directement ou indirectement - à un niveau égal ou supérieur au salaire décent.
Bruno Nsaka