L'évolution de l'économie congolaise sur ces derniers mois est marquée par la stabilité du cadre macroéconomique à travers une croissance économique forte avec des taux de croissance en perpétuelle augmentation, une stabilité de change et un taux d'inflation maitrisé. Paradoxalement, selon les données issues du FMI et de la Banque mondiale, la République Démocratique du Congo demeure dans le top 10 des pays dont la densité de la pauvreté est la plus élevée au monde.
Autopsie de quelques effets réfractaires de l'économie congolaise qui empêchent le développement du social des congolais. Florimond Muteba, Professeur en Économie et PCA de l'Observatoire de la dépense publique (ODEP) répond à nos questions.
Dans quel état se trouve la situation économique de la RDC ? C'est quoi son plus grand défaut ?
L'économie congolaise demeure extravertie. C'est son plus grand défaut. Elle continue à reposer sur les secteurs exportateurs, les mines et l'agriculture. L'économie congolaise est dépendante de l'extérieur par la contribution de ses secteurs exportateurs de PIB. Les produits miniers sont restés irrémédiablement la base de l'économie congolaise. Les produits miniers constituent la source principale de nos recettes en devise et de financement du pays en matières premières et des biens de première nécessité. Ils sont également la garantie de notre endettement extérieur et du service de la dette. C'est aussi la source la plus importante de la dette publique.
L'économie congolaise présente quels risques en demeurant extravertie et attachée à ses matières premières depuis 1960 ?
Dans une telle situation l'économie est très vulnérable. La chute de cours des produits primaires exploités et exportés par le Congo peut bloquer toute l'économie. Donc, c'est un peu lié au néocolonialisme. C'est-à-dire que le pays est resté dans les orientations économiques données par la Belgique lors de la colonisation. Nous n'avons pas jusqu'ici à restructurer complètement les défauts originels de notre économie. Il faut vite repenser l'économie congolaise. Le Congo qui exporter les riz dans les anciens temps, aujourd'hui ce pays importe tout. Le Congo connait même le problème d'insuffisance alimentaire parce qu'on ne cherche pas à construire une économie auto-centrée et auto-déterminée.
Quelle est la place du secteur agricole dans l'économie de la RDC ?
Le secteur agricole est l'activité du travail principal de la population congolaise. Ce secteur est maintenu dans un rôle d'accompagnement d'autres secteurs. Ce qui l'a plongé dans une crise chronique qui se traduit par l'insuffisance de la production alimentaire et l'insuffisance de l'approvisionnement industriel. Au-delà, il y a des problèmes non-résolus par les dirigeants publics. D'abord sur le plan économique, il faut noter que l'on a souvent connu la détérioration des termes de change des produits agricoles exportés parce que les prix sont fixés à l'extérieur. Il y a également la baisse de la production de l'agro-industrie qui est consommatrice des produits agricoles.
Quelles sont les contraintes qui caractérisent le secteur agricole congolais?
Il existe plusieurs contraintes dans le secteur agricole. Par exemple sur le plan institutionnel, il faut noter la croissance des fonctions bureaucratiques au détriment de l'appui technique, la multiplication des mécanismes fiscaux, l'absence des politiques cohérents d'encadrement, de formation et des recherches. D'autres problèmes dans le secteur agricole congolais sont liés aux contraintes techniques. Il y a par exemple, l'insuffisance des coopératives; le niveau insuffisant des formations ; la dimension réduite des exploitations ; le manque d'outils et des moyens de préparation du sol ; les difficultés de commercialisation et de stockage ; une main d'oeuvre essentiellement féminine ; un faiblement rendement en hectare... Or le secteur agricole est très important pour le développement de la RDC. Mais il reste le secteur le moins appuyé au pays.
Le secteur industriel congolais est-il en état de favoriser le développement économique du pays ?
Le pays doit aborder le diagnostic de ce secteur qui est inadapté. Il faut noter que l'industrie n'est pas mis au service de l'agriculture. Les diverses interventions de l'Etat dans le secteur industriel relève des divers ministères et organismes mal coordonnés entre eux. Ces diverses structures sont sans moyens humains qui correspondent à leur responsabilité. Ils engagent des actions fragmentaires sans chercher à oeuvrer en faveur d'une solution aux problèmes structurels du secteurs industriels. Les sources de financement de l'industrie sont quasi-inexistant.
Le programme national supérieur d'enseignement également n'est pas adapté aux besoins du pays qui a besoin des créateurs et des promoteurs nationaux d'entreprises. Un jeune qui sort de l'université congolaise souffre de la culture de la création d'entreprise. Il y a aussi les mauvaises liaisons de télécommunications, les mauvais états des réseaux routiers qui font supporter à l'industrie des coûts élevés en raison de délai d'acheminement, des taxes, de vol, de détérioration et de la mauvaise politique énergétique qui empêche le développement de l'industrie.
L'insuffisance d'énergie empêche également le développement de l'industrie congolaise.
Quelles sont les conséquences de la mauvaise politique économique en RDC ?
Le manque de la bonne politique économique créé une grande disparité entre les revenus des entreprises et les salaires de la population ; l'étroitesse du marché de la consommation locale ; des graves problèmes sociaux notamment l'exode rural des jeunes ; la malnutrition et des maladies endémiques...
Le président de la République ne jure que par un développement extravertie. Alors que le développement pour nous n'est possible que si les congolais deviennent le moteur, les acteurs et les bénéficiaires de ce développement.
Pour redresser l'économie, quelles sont les solutions à engager pour un développement endogène ?
Nous devons nous interroger sur les directions sur lesquelles il faudra agir notamment sur l'ordre mondial afin de favoriser la réalisation des objectifs du développement. Le développement endogène est avant tout populaire et donc national.
L'industrie doit être mise au service de la production agricole. Il faut abandonner la production de luxe pour les marchés locales et à l'exportation qui est fondé sur la reproduction d'une forme de travail bon marché. Il faut mieux servir les masses urbaines. Il nous faut une révolution industrielle. Nous devons articuler un secteur moderne de l'industrie, rénové dans ces orientations des bases aux secteurs des petites industries rurales qui peuvent permettre de mobiliser les forces latentes des progrès.
Propos recueillis par Jordan MAYENIKINI