Dans leur rapport publié ce mardi, le Groupe d’étude sur le Congo (GEC) de l’Université de New York et son partenaire de recherche Ebuteli donnent quelques clés pour comprendre les enjeux du lancement de l’opération conjointe FARDC-UPDF.
Les chercheurs expliquent par exemple que l’Ouganda tient à protéger les gisements de pétrole sur les rives congolaise et ougandaise du lac Albert. Le rapport note que « la sécurisation des champs pétrolifères constitue une raison importante de l'opération militaire en cours. Les investissements de plusieurs milliards de dollars sont la pierre angulaire de la stratégie économique et politique de Museveni ».
GEC et Ebuteli rappellent qu’un accord d'investissement a été finalisé sur le projet pétrolier, d'une valeur de plus de 10 milliards de dollars, par le président Museveni, la présidente tanzanienne Samia Suluhu Hassan, la China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) et TotalEnergies le février 2022, au milieu de l'opération Shujaa. Selon des estimations, la région du lac Albert contient entre 1 et 1,4 milliard de barils. Ce qui fait de l'Ouganda le pays détenant les cinquièmes plus grandes réserves d'Afrique subsaharienne, explique le rapport qui précise que la région accueille le projet Tilenga, opéré par TotalEnergies, et Kingfisher par CNOOC.
Ces projets sont une urgence pour les différents acteurs. D’abord pour le président ougandais, eu égard au fait que le pétrole étant censé com- mencer à couler en 2025 et que les élections sont prévues en 2026.
TotalEnergies, le principal investisseur de Tilenga, et l'East Africa Crude Oil Pipeline (EACOP) qui acheminera le pétrole par un oléoduc de 1 443 kilomètres jusqu'au port tanzanien de Tanga, sont également sous pression. Le gouvernement français s'est engagé à réduire sa dépendance aux énergies fossiles et s'est engagé à supprimer progressivement toute exploration et production de pétrole et de gaz sur son territoire métropolitain et outre mer d'ici 2040.
Ces différents acteurs veulent avancer rapidement, ce rapport note que le 11 avril 2021, une série d'accords ont été signés entre l'Ouganda, la Tanzanie et Total pour la construction du pipeline de 3,5 milliards de dollars. En septembre 2021, le gouvernement ougandais a introduit une loi –la loi EACOP – afin de définir les réglementations fiscales et économiques du gazoduc, notamment une série d'exonérations fiscales.
« Les investisseurs sont particulièrement nerveux à l'idée d'attaques contre les infrastructures pétrolières ; il y a un investissement de plusieurs milliards en jeu (...) Une attaque de pipeline serait catastrophique, comme le serait un cas de force majeure sur les puits », explique un analyste cité par le rapport. Tout serait donc fait pour sécuriser ces investissements massifs et éviter un scénario comme celui de Cabo Delgado, au Mozambique, où une insurrection a suspendu l'investissement de plusieurs milliards de dollars de TotalEnergies ».