Adhésion de la RDC à la Communauté de l’Afrique de l’Est: ce qu’il faut savoir

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Photo d'illustration
PAR Deskeco - 31 mar 2022 09:24, Dans Actualités

Enfin, la République démocratique du Congo – RDC est membre effectif de la Communauté de l’Afrique de l’Est – East African Community (EAC). C’est ce qui ressort du communiqué rendu publique ce mardi 29 mars 2022 à l’issu du 19e sommet des chefs d’états de la Communauté de l’Afrique de l’Est réuni en vidéo-conférence. La République démocratique du Congo devient ainsi le 7eétat après le Rwanda et le Burundi en 2007 et le Soudan du Sud en 2016. La RDC qui partage ses frontières avec neuf états dont la Tanzanie, le Burundi, le Rwanda, l’Ouganda et le Soudan du Sud est d’un atout incommensurable pour la CAE. 

Des critères d’adhésion

En raison de son bilan passé en matière de droits de l’homme, la République démocratique du Congo a connu une opposition à son projet d’accession à la Communauté de l’Afrique de l’Est quelques années plus tôt. Cependant avec les avancées diplomatiques amorcées sur terrain par l’actuel gouvernement, cette accession est effective en ce jour. 

En effet, le traité instituant la Communauté de l’Afrique de l’Est signé en 1999 consacre en son article 3 les critères d’admission d’un nouveau membre auxquels critères la RDC a favorablement répondu. Il s’agit notamment de :

• l’acceptation de la Communauté telle qu’elle est définie dans le traité instituant la Communauté de l’Afrique de l’Est;

• l’accession à des principes universellement acceptables de bonne gouvernance, de démocratie, d’état de droit, de respect des droits de l’homme et de justice sociale;

• la contribution potentielle au renforcement de l’intégration dans la région de l’Afrique de l’Est;

• la proximité géographique et l’interdépendance entre elle et les états partenaires;

• la mise en place et le maintien d’une économie de marché; et

• les politiques sociales et économiques étant compatibles avec celles de la Communauté.

Quid de l’état de l’intégration à la Communauté de l’Afrique de l’Est ?

Selon l’indice d’intégration régionale de l’Afrique, la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est est l’un des blocs les plus dynamiques et les plus performants d’Afrique. L’indice d’intégration régionale de l’Afrique classe les blocs en fonction de cinq aspects de l’intégration à savoir le commerce (trading), la production, la macroéconomie, les infrastructures et la libre circulation des personnes.

Cette intégration est envisagée sous quatre piliers. Il s’agit de l’union douanière, du marché commun, de l’union monétaire et de la fédération politique. Jusqu’à présent, le bloc a mis en œuvre des protocoles sur une union douanière et un marché commun. Celles-ci ont contribué à améliorer le commerce et les investissements dans la région. 

En vertu du protocole d’union douanière, les taxes sur les marchandises produites dans la région ont été abolies. L’Afrique de l’Est applique également un tarif extérieur commun sur les importations en provenance d’autres région.

Il est envisagé à long terme, une union douanière opérationnelle qui devrait ainsi ouvrir l’économie régionale afin de permettre aux petites économies d’accéder à des industries qui seraient autrement hors de leur portée.

L’objectif d’un marché commun étant de faciliter la circulation transfrontalière des marchandises, des personnes ainsi que des travailleurs. Sa mise en œuvre a vu les gouvernements d’Afrique de l’Est harmoniser les procédures d’immigration et ordonner aux postes frontières de fonctionner pendant 24 heures. Certains gouvernements de la région, notamment le Rwanda et le Kenya, ont également renoncé aux frais de permis de travail pour les citoyens de la région.

Le bloc prépare maintenant le terrain pour son troisième pilier qui est l’union monétaire. Cette dernière a été amorcée avec l’adoption et la signature du Protocole de l’Union monétaire de l’Afrique de l’Est le 30 novembre 2013. Ce protocole fixe un délai de 10 ans dans lequel les États partenaires doivent disposer d’une monnaie commune. C’est en 2023, une échéance qui a peu de chances d’être respectée. Il faut dire que sur ce front des progrès mitigés ont tant bien que mal été accomplis dans sa mise en œuvre. 

Que gagne la Communauté de l’Afrique de l’Est ?

D’abord il faut reconnaitre que la superficie ainsi que la démographie de la RDC restent des atouts majeurs pour la communauté. A elle seule, la RDC représente 2,4 millions de kilomètres carrés contre 1,8 million de kilomètres carrés que fait la taille des six Etats d’Afrique de l’Est mis ensemble.

Ensuite, le défi de la piraterie intermittente au large des côtes somaliennes a mis en évidence la nécessité d’une autre voie commerciale. C’est ainsi que pour plus d’un observateur averti, l’accession de la RDC donnera à la communauté son premier port sur la côte atlantique, à savoir le port de Matadi. 

Pour l’heure, la région dépend des ports maritimes du Kenya et de la Tanzanie basés dans l’océan Indien pour le commerce avec le reste du monde. 

La zone géographique supplémentaire - connue uniquement pour son cuivre, son coltan, son cobalt, son étain et d’autres minéraux - devrait renforcer le profil de l’Afrique de l’Est en tant que destination d’investissement.

Sur la scène mondiale, la Communauté de l’Afrique de l’Est gagne en influence avec l’énorme population (base de consommateurs) de la RDC d’environ 90 millions de personnes et une économie de près de 50 milliards de dollars. Onestime que la communauté a une population de 177 millions d’habitants et une économie de 193,7 milliards de dollars.

Quel bénéfice pour la RDC ?

La RDC fait déjà des échanges commerciaux substantiels et informels avec la Communauté de l’Afrique de l’Est qui pourrait bénéficier de droits de douane au rabais ou carrément supprimés. Les marchandises produites en RDC ne seront plus soumises à des taxes douanières à aucun des points frontaliers de la région. Donc un commerçant qui désire écouler ses produits agricoles par exemple ne paiera aucun frais en traversant les frontières de Bunagana, de Kasindi et au-delà. 

Pour les importations, certaines parties de la RDC dépendent du corridor commercial qui part du port de Mombasa en passant par l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi. Ces connexions devraient se renforcer à mesure que les agences nationales des gouvernements d’Afrique de l’Est assoupliront les droits de douane et les obstacles administratifs sur le nouveau membre de la communauté. 

Il importe d’ajouter aussi que la libre circulation des personnes est aussi consacrée dans le cadre de cette accession. Ce qui revient à dire que les citoyens des états membres sont d’ores et déjà exemptés de visa d’entrée dans les pays concernés.

Que dire des autres traités conclus dans les cadres d’autres communautés comme la SADC ? 

En règle générale, l’accession à plus d’une union douanière est techniquement impossible. Premièrement, un pays ne peut pas appliquer des tarifs extérieurs communs différents. Deuxièmement, le programme d’intégration diffère d’un bloc à l’autre, ce qui signifie que le chevauchement des membres peut conduire un pays à des obligations contradictoires. Selon l’Organisation mondiale du commerce, cette pratique nuit à la libéralisation du commerce mondial, en particulier lorsque les commerçants concernés doivent respecter plusieurs ensembles de règles.

Mais l’analyse des traités de la Communauté de développement de l’Afrique australe, de la Communauté de l’Afrique de l’Est et du Marché commun de l’Afrique orientale et australe montre qu’ils n’empêchent pas les Membres de maintenir des accords commerciaux antérieurs ou d’en conclure de nouveaux.

La RDC est déjà membre de la Communauté de développement de l’Afrique australe et du Marché commun de l’Afrique orientale et australe. Mais ce ne sera pas le seul pays de la Communauté d’Afrique de l’Est dont l’appartenance à des blocs régionaux se chevauche. Le Kenya, l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi sont membres du Marché commun de l’Afrique orientale et australe, tandis que la Tanzanie est membre de la Communauté de développement de l’Afrique australe.

La Communauté de l’Afrique de l’Est, par exemple, n’a pas été en mesure d’établir une union douanière complète depuis qu’elle a dû permettre à la Tanzanie d’accorder des préférences à ses partenaires d’Afrique australe.

Les trois blocs harmonisent actuellement leur programme et leurs lois dans le but d’intégrer leurs économies et leurs marchés. Cela s’inscrit dans l’objectif plus large de l’Union africaine qui est celui d’accélérer l’intégration économique du continent.

Franck Tatu

 

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