Resource Matters plaide pour une issue équitable et transparente au conflit qui oppose depuis plus de six mois le Congo à l’un de ses plus grands investisseurs, China Molybdenum, sur la compensation financière pour les réserves de cuivre-cobalt de Tenke Fungurume Mining.
En début de semaine passée, un tribunal congolais a nommé un administrateur par intérim pour diriger Tenke Fungurume Mining (TFM) pour les six prochains mois, selon le New York Times et des documents judiciaires consultés par Resource Matters. TFM est l'un des projets miniers les plus importants de la République démocratique du Congo et le deuxième producteur mondial de cobalt, ce qui en fait un projet stratégique pour le marché des batteries rechargeables et la transition énergétique mondiale.
Ce jugement constitue le dernier développement de négociations tendues entre les actionnaires du projet, notamment l’investisseur China Molybdenum et la société minière étatique Gécamines, sur la compensation financière pour les réserves minérales du projet.
S'il semble que cette compensation soit effectivement due aux parties congolaises, les méthodes appliquées pour l’obtenir rappellent des précédents qui ont fini par servir des intérêts politiques plutôt que l'intérêt public général congolais. Resource Matters appelle les actionnaires de TFM à parvenir à une résolution équitable et transparente qui garde à cœur les intérêts de la population congolaise.
Réserves contestées
Il y a près d'un an, la Gécamines a découvert que l'opérateur China Molybdenum aurait sous-estimé les réserves minérales de TFM pour échapper à certaines obligations de paiement. La Gécamines a contractuellement droit à une prime pour les réserves de cuivre qu'elle transfère à des entreprises de partenariat comme TFM. La dissimulation de la taille réelle des réserves a un impact sur le bonus de la Gécamines. Elle affecte également le Trésor congolais, qui a droit à la moitié de cette prime.
De plus, le taux de bonus que TFM paie pour ses réserves est faible comparé à ses concurrents. Au cours de la dernière décennie, presque toutes les entreprises de partenariat ont payé $35 par tonne de réserves de cuivre. En comparaison, TFM a payé $52 dollars la tonne pour les 2 premiers millions de tonnes de cuivre, mais seulement $12 pour tout tonnage découvert au-delà. Ce faible taux contraste encore plus fortement avec les taux récemment renégociés allant de $80 à $160 que certains autres grands concurrents opérant au Congo ont acceptés de verser. Plusieurs d'entre eux paient également des bonus supplémentaires pour les réserves de cobalt, un sous produit associé au cuivre précédemment exclu de la formule de bonus, et ce malgré son importance stratégique.
En d'autres termes, ce processus de renégociation a le potentiel de corriger certaines pratiques et normes douteuses chez TFM. CMOC devrait immédiatement partager toutes les informations techniques sur les réserves actuelles de TFM et payer les bonus dûs. Les déséquilibres contractuels doivent être corrigés en toute équité.
Leçons à tirer du passé
Cependant, les négociateurs de la RDC doivent s'assurer que le processus actuel reste équitable et que le résultat soit bénéfique pour la population congolaise.
Premièrement, une détérioration du conflit pourrait entraîner l'expropriation ou la suspension des opérations de TFM, ce qui risque de causer plus de tort que de bien. L'histoire des rejets de Kolwezi situés environ 100 km à l'ouest de TFM en est un exemple révélateur. Insatisfait de l'indemnisation pour la Gécamines dans ce projet, le gouvernement avait annulé le contrat en 2009. Le projet a été revendu à de nouveaux investisseurs dans des circonstances hautement suspectes, trois procédures d'arbitrage et une importante enquête anti-corruption ont suivi, et le projet est resté inactif pendant plus de cinq ans. Des centaines de travailleurs ont perdu leur emploi, les recettes fiscales ont stagné et la réputation du pays a14 mars / 8.00 Embargo été durement touchée.
Deuxièmement, le résultat de ce processus devrait bénéficier aux opérations de la Gécamines et au recettes publiques du pays, plutôt qu'à son élite politique. Ici, l’histoire de TFM elle-même est édifiante. Lorsque China Molybdenum a annoncé son intention d'acheter TFM à la société américaine Freeport McMoRan en 2016, la Gécamines a bloqué la vente.
Après six mois de pourparlers ardus, la Gécamines a demandé au même tribunal de Lubumbashi de nommer, là encore, un administrateur intérimaire pour gérer TFM. Cela a finalement conduit à un paiement de 100,2 millions de dollars à la Gécamines, au moment même où l'ancien président Kabila a négocié une année supplémentaire au pouvoir au-delà de son mandat constitutionnel. Le paiement a été instantanément transféré sur un compte bancaire opaque intitulé "Banque Centrale du Congo Spécial," géré en dehors des procédures propres à la Gécamines mais aussi en dehors du trésor public. En six semaines, 70 % ont été répartis sur d'autres comptes, dont $12 millions à des sociétés affiliées à Dan Gertler, depuis
lors sanctionné pour corruption, près de $10 millions aux avocats de la Gécamines et $20 millions dans des “avances fiscales” que l’Inspection Générale des Finances ne parvient pas à retrouver dans les comptes du Trésor Public.
Il faut espérer que la nouvelle direction à la Gécamines ne succombera pas à de telles pressions politiques qui ont entaché l'histoire de la Gécamines et l'ont empêchée de devenir rentable. Or le processus actuel semble suggérer le contraire. Les négociations sont étroitement contrôlées à la présidence de la RDC ; le gouvernement de la RDC semble tenu à distance et une proposition ministérielle de nommer un expert indépendant par consensus pour examiner les réserves – une résolution typique de ce type de conflit – a été traitée comme un acte de trahison.
Pour toutes ces raisons, Resource Matters exhorte toutes les parties à parvenir à un accord équitable et transparent. Nous appelons CMOC, l'opérateur de TFM, à respecter son contrat, à divulguer toutes les informations techniques sur ses réserves de cuivre et de cobalt et à aligner ses taux de bonus sur ceux applicables dans le secteur. Nous appelons également la présidence de la RDC et la Gécamines à maintenir l'équité du processus, à éviter de mettre en péril des emplois et des recettes fiscales rares et à assurer une transparence totale des résultats de ce processus. Sinon, le jugement du tribunal Lubumbashi ne serait finalement qu'une manœuvre de plus au profit de quelques politiciens.
Analyse de Resource Matters