Depuis quelques temps on a tendance à s’exprimer sur la gestion de la chose publique par des comparaisons d’époques. Cette orientation du débat national est parfois sous tendue par une pensée partisane.
Précisons une chose : ce n’est pas cette comparaison qui est la plus choquante, ce qui nous met particulièrement mal à l’aise dans cette orientation du débat public c’est de ne pas toucher le problème, le défis, la difficulté, l’insuffisance…
Ici, je veux me permettre de ne pas verser dans les comparaisons mais d’analyser dans le sens de la recherche de l’efficacité dans les résolutions des problèmes. Il y a une noblesse dans la gestion d’une entreprise publique comme la SNEL lorsqu’on vise l’amélioration des conditions de vie de la population.
Parce que nous parlons de la SNEL, on se pose la question de savoir : Allons-nous continuer à perdre le temps sans même commencer à améliorer ce qui est améliorable ? Allons-nous accepter la nouvelle normalité que l’on nous impose tout en sachant qu’il y a moyen de faire mieux ?
C’est une chose de ne pas avoir suffisamment de l’énergie électrique à distribuer mais c’est une autre que de creuser chaque jour pour réparer les câbles électriques avec des solutions très éphémères. Tenez, avec une bonne gestion, il est possible ne fût-ce que de commencer à assainir le réseau mais pas seulement. Il y a des choses tout à fait améliorables. L’entreprise peine à remplacer les câbles défectueux et autres matériels même en basse tension. La SNEL devait et doit avoir une dotation aux amortissements.
Comment expliquer que l’on vous donne un réseau dans un certain état, vous êtes incapable ne fût-ce que de le maintenir dans l’état ou vous l’avait reçu et on vous garde à la tête de cette entreprise ? Sauf si votre nomination est une prime à quelque chose d’autre.
La qualité de la gestion technique sur beaucoup de cas laisse à désirer surtout en basse tension : on pose mal les câbles, de mauvaises jonctions faites par des mains moins expertes, parfois on a affaire à des journaliers qui ne sont électricien que par le bon vouloir de leur recruteur mais pire les câbles, les protections… sont mal calibrés conséquence des transfos qui grillent en une semaine des disjoncteurs qui explosent …
Une gestion financière de l’entreprise qui ne convainc pas. La SNEL perçoit l’argent pour ses factures et pour l’Etat en termes de TVA tout ça ne peut pas amener à des arrangements pour améliorer le réseau ?
Un personnel qui évolue dans un modèle d’agence exacerbé : Beaucoup de directeurs ont des sociétés de sous-traitance dont la qualité de prestation ne peut être contrôlée exactement parce qu’il y a conflit d’intérêts.
Beaucoup de techniciens prestent pour des tiers moyennent une rétribution, des travaux à la hâte et mal faits et couverts, des travaux qui sont déjà payés à SNEL et non exécutés.
Une utilisation abusive des journaliers, inefficace et évoluant dans un modèle d’agence : les intérêts du journalier ne sont pas ceux de l’entreprise, pour l’entreprise moins il y a des pannes mieux ça vaut, mais pour le journalier plus il y a des pannes mieux ça vaut. Leur rétribution non seulement est insuffisante mais aussi vient en retard, les journaliers monnayent leur prestation. Et les abonnés en voient de toutes les couleurs. L’usage des journaliers enfreints la loi en la matière d’où beaucoup des revendications.
Des projets qui stagnent de façon presque atemporelle pour des intérêts privés.
Je devais moi-même construire en sous-traitance des cabines électriques à Kinshasa en 2007, non seulement on n’approuvait pas la mise en service de mes cabines en tirant les choses en longueur mais aussi le responsable de l’époque avait essayé d’entrer en contact avec mon client pour me ravir le marché. Il avait suffi de son congé de 18 jours pour que nous arrivions à mettre en service 2 transfos. Les démarches avaient déjà duré 4 mois, tout était déjà construit.
Depuis un certain temps, surtout dans de grandes villes, on assiste à un phénomène de morcèlement des parcelles ce qui conduit à l’augmentation des charges sur les lignes basse tension existantes au lieu d’anticiper, redessiner les lignes basse tension en fonction de la nouvelle configuration : On continue à rafistoler les vielles lignes, par moment on voit des petits gestes en moyenne tension avec des cabines de décharges mais de manière aléatoire pas un nouveau design.
On se demande si la gestion de la SNEL manque tout simplement d’initiative pour faire face aux défis.
Tout doit être redessiné à partir de la configuration des postes (leurs nombres et emplacements). Il faut aider l’Etat, il faut aider notre pays, ça s’appelle l’amour de la patrie c’est une vertu. Il y a des gens qui essayent de passer un message comme quoi ça va se résoudre avec le grand Inga, non ne faisons pas de l’amalgame.
La distribution n’a rien avoir avec le grand INGA. D’ailleurs c’est une illusion que de croire que grand Inga résolvera le problème énergétique de la RDC. La solution énergétique de la RDC passe par un mix énergétique sérieux.
A l’allure où est gérée la SNEL, nous pouvons tout dire sauf qu’elle est mieux gérée sauf si ceux qui laissent s’empirer la situation le font pour que l’on puisse nous traiter tous d’incapables. Je suis sûr qu’il y a des capables, moi-même y compris. La situation est améliorable. A moins que l’on dise il faut tout détruire pour justifier la privatisation.
La faute est partagée : S’il y a un voyage pour représenter la RDC à un forum international, sur la normalisation on se précipite, du ministère en charge de la normalisation à la SNEL mais où sont les normes ? Dans les câbles mal dimensionnés parce que les mêmes jusque-là, même quand la charge a plus que doublé, dans des jonctions des câbles électriques qui tuent et paralysent l’économie du pays ? Tenez, il y a des quartiers où quand il pleut, c’est « off » juste à cause des jonctions électriques mal faites qui tuent dans la grande indifférence. C’est cela la nouvelle normalité que nous impose la SNEL.
La SNEL détruit l’économie Congolaise.
Pour favoriser la croissance, l’Etat devrait investir prioritairement dans les secteurs qui réduisent le coup de production. (l’énergie, les routes…). La SNEL c’est un investissement sérieux mais pas très bien géré et conséquence elle grève le coût de production et freine la productivité.
Depuis un certain temps, la SNEL a évincé du circuit de la production, beaucoup de PME et TPME congolaises, c’est rare de disponibiliser une ligne triphasée dans beaucoup de quartiers qui ont encore la chance d’être desservis en énergie électrique par la SNEL. La nouvelle normalité, c’est une (ou deux) phase, c’est qui n’est pas déjà bon pour la SNEL elle-même. On a tout intérêt d’avoir plus des lignes triphasées que monophasées. Les fréquentes pertes de phases obligent indûment des abonnés à faire faire des réparations quasi-quotidiennes sur le réseau BT. Ces charges supplémentaires se répercutent sur le coût de revient. Un pâtissier du coin est obligé de soudoyer régulièrement les agents qui lui fournissent du courant ou de fermer.
Outre cela les équipements de la SNEL sont des vieilleries telles que : le PS (Poste de sectionnement); TGBT (Tableau Général Basse tension) sont muets. Il faut y introduire de tester ou d’écouter le bruit des transfos. Non, il y a lieu d’avoir des armoires qui parlent avec des analyseurs des circuits : tension exacte, courant puissance consommée affichées ça ne demande pas des millions mais d’initiative.
Améliorer le réseau, ce n’est pas le grand Inga qui va le faire. Ce n’était pas un choix, c’était une nécessité.
On pourra être tenté de nous opposer des statistiques ou des chiffres pour dire que tout va mieux, Non messieurs, les réalités sont plus puissantes que les statistiques car elles demandent moins d’efforts à votre cerveau pour contextualiser des questions complexes.
C’est plus convaincant parce que l’écart entre ce qui fonctionne dans une feuille de calcul et ce qui est pratique dans la vie réelle peut être très large. Ce n’est généralement pas parce que nous ne connaissons pas les statistiques. C’est parce que les feuilles de calcul sont arrangées, en y enlevant ce que l’on trouve que ce n’est pas nécessaire mais que la vie réelle est désordonnée et implique toutes sortes de variables.
Nous disposons d’une main-d’œuvre énorme et instruite dans les domaines de l’électricité. Nous demandons à l’État juste à investir un peu au travers des patriotes compétents et dévoués.
C’est presque clair pour tous ceux qui veulent voir la vérité en face que la SNEL utilise sa nouvelle normalité comme une gouvernance totalement assumée.
On n’est ni complotiste, ni paranoïaque, mais c’est difficile de faire confiance aux experts qui s’occupent de nos intérêts dans la SNEL actuellement.
Certes la berceuse continuera : Grand Inga, lampes économiques, compteur prépayé pour nous faire dormir tranquillement. Ce serait mieux en musique ou avant le match de foot de léopard.
Que faire ?
Nous suggérons la nomination des doublures des comités de gestion pour un temps relativement long avec au final le maintien au poste des meilleurs dirigeant sinon on nous doublera avec des Sénégalais qui viendront prouver notre incapacité ? (les deux comité devraient consentir à partager leurs rémunération pour le bien de l’entreprise ). En nommant une élite nationale à la tête de cette entreprise comme doublure pour chercher les réponses aux défis posés, on profitera des arbitrages sur des contradictions entre les deux équipes, on ne manquera pas de tirer des dividendes. Laisser la situation telle quelle c’est assister à la mort à pas feutré de l’économie Congolaise.
Walter KAILA (Ingénieur et Economiste)