Depuis 72 heures, les députés nationaux, élus légitimes du peuple congolais ont déposé sur la table du Président du Bureau d’âge une motion de censure contre le Gouvernement de la République conformément aux dispositions des articles 146 de la Constitution et 198 du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale.
Le dépôt de cette motion intervient alors qu’il y a un Bureau d’âge qui, à la suite de la chute du bureau définitif de l’Assemblée Nationale installée au lendemain de l’ouverture de la présente législature, assure le fonctionnement de la deuxième institution du pays.
Le contexte est tout particulier dans un environnement politique en pleine mutation.
Rappelons-le, le développement d’un pays est tributaire de la stabilité de ses institutions. Les textes, les règles établies pour la stabilité et le fonctionnement harmonieux d’une institution, en l’occurrence l’Assemblée Nationale pour le cas d’espèce, jouent un rôle capital.
L’Assemblée Nationale tire l’essence même de son existence dans la Constitution et est soutenue par son Règlement Intérieur pour son organisation et son fonctionnement ; ce dernier ayant préalablement reçu un avis de conformité à la Constitution par la Cour Constitutionnelle avant son entrée en vigueur.
La question sur les lèvres des Congolais qui scrutent de près l’évolution politique de notre pays et les analystes scientifiques et/ou juridiques est celle de savoir si le Bureau d’âge est habilité à présider une plénière débattant d’une motion de censure à l’encontre du Gouvernement de la République.
Nous avons bien dit : « présider une plénière et non traiter de la motion de censure… » car cette précision est de taille.
Il est certes vrai que les dispositions légales ou encore les textes de droit appellent une analyse objective pour une interprétation correcte. Il faut cependant considérer que dans une disposition légale, il y a la lettre et l’esprit.
Les dispositions difficilement ou contradictoirement comprises de la lettre appellent le recours à l’esprit de la Loi que l’on peut notamment retrouver dans les travaux parlementaires.
Au regard des dispositions de l’article 161 de la constitution, seule la Cour Constitutionnelle est compétente pour connaître des recours en interprétation de la Constitution et le Président de l’Assemblée Nationale est habilité à la saisir.
L’expression « Bureau d’âge » n’existe ni dans la Constitution, moins encore dans le règlement intérieur de l’Assemblée Nationale.
L’article 31 al.6 du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale stipule que « Lorsque tous les membres du Bureau sont individuellement mis en cause, l’Assemblée plénière délibère au cas par cas. La séance est présidée par le doyen d’âge de l’Assemblée nationale assisté par les deux députés nationaux les moins âgés. »
Nonobstant la déduction faite du contenu du mandat de ce bureau de fait, à savoir le traitement et la suite à donner à ces pétitions, aucune prérogative n’est précisée et ce, y compris celle d’organiser les élections du Bureau définitif généralement lui reconnue.
Par son arrêt N°1438 du 16 décembre 2020, la Cour constitutionnelle fait remarquer avec pertinence que le cas sous examen est nouveau et non expressément prévu par la Constitution, moins encore par le règlement intérieur de l’Assemblée nationale.
La Cour établit de ce fait un parallélisme entre le Bureau d’âge et le Bureau provisoire installé au début de la législature (art. 114 de la Cons.) et in fine le Bureau définitif (art. 116 de la Const.) en consacrant l’application mutatis mutandis des compétences dévolues à ces bureaux sur pieds des articles précités de la Constitution.
La Cour précise également que l’Assemblée nationale ne perd aucune de ses prérogatives constitutionnelles du fait de la déchéance des membres de son Bureau.
Au regard des dispositions de l’article 214 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, l’examen et le vote de la motion de censure relèvent de la compétence de la plénière et non du Bureau qui ne fait que transmettre au Gouvernement cette dernière.
Le Gouvernement est investi sur la base de la confiance exprimée par la majorité parlementaire lors de son investiture cristallisée par l’approbation de son programme. Le Premier Ministre étant lui-même issu de cette majorité.
L’éthique et l’élégance politique recommande une démission lorsque cette dernière n’existe plus.
Dans le cas d’espèce, 301 députés nationaux, représentant légitimes du peuple se sont prononcé.
Maître GUY MAFUTA KABONGO
Député National