Le cardinal Fridolin Ambongo a ouvert une brèche qui sera difficilement fermée en laissant entendre que si les parents n’interviennent pas dans la prise en charge des enseignants, cette année scolaire risque d’être perdue. Bien avant cette intervention du prélat, dans plusieurs écoles conventionnées catholiques, des arrangements avaient déjà été conclus, à l’initiative des parents, pour assurer « les frais de transport » aux enseignants. Entretemps, cette même initiative a échoué dans d’autres écoles conventionnées catholiques. Visiblement, la gratuité de l’enseignement de base fait face au retour en force de la prise en charge des enseignants par les parents.
La gratuité de l’enseignement de base bat sérieusement de l’aile dans les écoles publiques en République démocratique du Congo. Lancée officiellement le 12 octobre, l’année scolaire 2020-2021 a du mal à démarrer effectivement dans plusieurs écoles publiques à cause de la grève des enseignants.
Ces derniers réclament, à travers le syndicat des enseignants du Congo (SYECO) et le syndicat national des écoles catholiques (SYNECAT), non seulement « l’annulation de tous les arrêtés et commissions d’affectations » signés par le ministre de l’EPST, sur les effectifs des enseignants nouvelles unités (NU) mais aussi le paiement par palier. Ce sont les applications du deuxième et troisième paliers qui sont attendues, la paie des Nouvelles Unités (N.U) ainsi que la dotation des frais de fonctionnement conséquents aux gestionnaires des écoles.
Si le gouvernement de la République a fait un grand effort en prenant une grande partie des enseignants NU aussi bien dans le Budget 2020 que celui de 2021, il se trouve que l’Exécutif national, face à un budget modique de 2021, ne peut pas assurer ses promesses quant à l’application des deux paliers réclamés.
Face à cette situation où la solution n’est aucunement au bout du tunnel, l’église catholique semble opter pour des arrangements, entre les parents et les enseignants, dans ses écoles conventionnées en vue de la prise en charge de ce qu’on appelle « les frais de transport » des enseignants. C’est une brèche que le cardinal Fridolin Ambongo a ouvert le dimanche 22 novembre au cours d’une célébration eucharistique à la paroisse Saint Clément dans la commune de Makala.
« Si les enseignants estiment que les promesses qui leur ont été faites ne sont pas tenues, si les nouvelles unités estiment que depuis une année elles n’ont jamais été payées et qu’ils ne peuvent pas continuer et qu’ils veulent aller en grève, c’est leur droit. Ça devient un conflit de travail entre un employeur et un employé. L’employeur, c’est l’Etat, l’employé, ce sont les enseignants. Et l’Eglise n’entre pas dans ce conflit. L’Eglise catholique n’encourage pas les enseignants à faire la grève tout comme l’Eglise catholique n’interdit pas les enseignants de faire la grève. C’est à eux d’évaluer. S’ils vont en grève, nous observons, s’ils veulent reprendre, nous observons », a dit le cardinal Fridolin Ambongo.
Dans son positionnement, le prélat catholique semble plaider la cause des écoliers qui risque de perdre cette année scolaire si les parents ne contribuent pas à améliorer un tant soit peu le traitement des enseignants.
« Au milieu de ce conflit de travail, il n’y a pas que l'Etat, l'employeur, il n’y a pas que les enseignants, les employés, il y a aussi nos enfants. Si nous allons en grève, que deviendront nos enfants ? Si nous voulons reprendre l’enseignement, que deviendront les nouvelles unités qui n’ont pas de salaire ? C’est là que nous disons que les parents doivent entrer dans la danse (…). Si nos enfants ne sont pas enseignés cette année, c’est qu’ils ont perdu cette année, ils ne vont jamais récupérer ça l’année prochaine (…) », a ajouté le chef de l’église catholique romaine en RDC.
Bien avant cette déclaration de Fridolin Ambongo, dans plusieurs écoles conventionnées catholiques, des arrangements, à l'initiative des parents, ont été trouvés pour prendre en charge le fameux "frais de transport" des enseignants. C'est notamment le cas au Lycée Bosangani ou encore au Collège Boboto.
Par contre, cette initiative a échoué au Collège Don Bosco de Mont Ngafula où le dimanche 22 novembre une réunion des parents, convoquée par un groupe de parents et non par le Comité des parents, s'est terminée en queue de poisson. Ici, le Comité de parents et l'école n'ont pas voulu s'assumer pour proposer directement aux parents cette solution palliative. N'étant pas en face d'un interlocuteur valable, les parents ont rejeté la proposition exigeant la présence du Comité des parents.
A voir de près cette situation, les mêmes causes qui ont conduit, dans la décennie 1990, à l’instauration de la prise en charge des enseignants par les parents, sont en train de plaider pour le retour en force de cette contribution des parents pour sauver l’école publique en RDC, plombant ainsi la gratuité de l’enseignement de base, programme phare du président de la République, Félix Tshisekedi.
Amédée Mwarabu