La stabilité du cadre macroéconomique doit être le leitmotiv du gouvernement au moment où les activités économiques sont relancées et que la pandémie de covid-19 tend à être maitrisée. Pour autant, la Banque centrale attire l’attention du gouvernement sur quelques facteurs de risque susceptibles de perturber la stabilité du cadre macroéconomique.
Le gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC), Déogratias Mutombo, a alerté le gouvernement sur quelques facteurs susceptibles de perturber la stabilité du cadre macroéconomique en ce moment où les activités économiques sont relancées dans le pays et que la covid-19 tend à être maitrisée.
Au cours de la traditionnelle conférence de presse à l’issue de la réunion du Comité de politique monétaire, le patron de l’Institut d’émission a listé quelques facteurs de risque à surveiller, tant au niveau international qu’intérieur, pour la stabilité du cadre macroéconomique.
Selon Déogratias Mutombo, la récession mondiale ou plus particulièrement américaine et européenne est un facteur de risque pour l’économie congolaise tant la RDC dépend de ses exportations notamment minières. Mieux l’économie mondiale se porte, mieux se porte la RDC. Dès lors, si les cours des matières premières baissent au niveau international, cela a un impact sur l’économie nationale et donc sur la stabilité du cadre macroéconomique.
Cependant, si le gouvernement Congolais ne peut contrôler les facteurs de risque au niveau international, il peut au moins gérer ceux au niveau national. Parmi les facteurs de risque au niveau interne qui peuvent perturber la stabilité du cadre macroéconomique, Déogratias Mutombo a cité les revendications sociales qui accompagnent en ce moment la reprise des cours aussi bien au niveau de l’Enseignement primaire et secondaire qu’à celui de l’Enseignement supérieur et universitaire.
Pour le gouverneur de la Banque centrale, l’Exécutif national doit continuer à gérer ses dépenses publiques en fonction des maigres recettes récoltées présentement. Et qu’il ne faudrait pas que les revendications d’ordre salarial ou autres avantages sociaux poussent le gouvernement à exploser ses dépenses alors que les recettes ne suivent pas encore.
« Les revendications salariales sont un facteur de risque pour la stabilité du cadre macroéconomique. Je dis c’est un facteur de risque parce que si nous subissons la dictature de fonctionnaires ou de tous ceux qui réclament, l’Etat peut céder. Et ça sera l’ouverture de la brèche. La stabilité monétaire, la stabilité macroéconomique, c’est comme l’air qu’on respire. C’est le bien le plus important. Quand on respire, on ne fournit aucun effort parce qu’on se dit l’air est gratuit. Mais, quand on te prive l’aire, tu étouffes et c’est la mort. La stabilité du cadre macroéconomique, il faut l’assurer mais on a l’impression qu’elle est gratuite. Elle a un prix…Travaillons d’abord pour consolider cette stabilité. C’est pourquoi nous faisons ce suivi étroit du Plan de trésorerie ensemble avec le gouvernement pour financer les dépenses publiques. Tout en espérant que la covid-19 pourra s’estomper d’ici là mais personne ne maitrise ça », a soutenu le vendredi 15 août Déogratias Mutombo, faisant le point sur les discussions du Comité de politique monétaire.
Et d’ajouter : « Nous sommes dans une situation de stagnation de baisse des recettes publiques. Nous faisons attention. La base d’imposition fiscale s’est tellement réduite avec les exonérations accordées aux opérateurs économiques pendant l’état d’urgence. On a demandé aux régies de multiplier des efforts. On a demandé au service d’assiettes et même aux institutions de participer dans les réformes structurelles plus approfondies pour améliorer la mobilisation des recettes. Mais quand on parle des réformes structurelles, ce n’est pas à un mois ou deux mois qu’on peut changer les cours de recettes du budget. Essayons d’accompagner le gouvernement. Je peux vous dire que moi ici à la Banque, je traine beaucoup de titres de paiement de fois parce qu’il n’y a pas de marge de trésorerie pour payer. Et les bénéficiaires comprennent cette situation. Donc, nous devons tous comprendre que nous devons tenir le coup pour consolider la stabilité pendant cette période de crise parce que la crise n’est pas finie. Après la normalisation, les réformes vont s’appliquer pour connaitre des recettes qu’il faut pour dégager de marge pour investir. Aujourd’hui, c’est difficile de dégager les marges pour investir ».
Pour autant, le gouverneur de la BCC pense que la RDC s’en sort plutôt bien par rapport à cette crise comparativement à plusieurs autres pays. De l’avis de Déogratias Mutombo, la récession économique sera atténuée cette année au regard des dernières projections et il existe d'autres facteurs susceptibles de concourir à la stabilité du cadre macro économique.
« Nous avons une bonne nouvelle : la commission d’études statistique et des comptes nationaux qui fait le cadrage macroéconomique vient de produire les chiffres du taux de croissance sur base des réalisations de production à fin juin 2020. Ces chiffres donnent un taux de croissance encore négatif mais supérieure à -2,4%. Donc nous sommes à -1,7%. Ça signifie que la récession est atténuée. Ce qui est bon. Je dois vous dire que la crise Covid continue à sévir. La croissance mondiale est à -4,9%. La croissance américaine est à -8%. La croissance européenne est à -10%. La chine qui était habituée aux taux de croissance à deux chiffres pendant 3 décennies est à 1%. L’Afrique subsaharienne est à -3,2%. Mais nous, nous avons quitté -2,4% pour remonter à -1,7%. Il faut poursuivre avec les fondamentaux. Dieu merci, le taux de contamination à la covid-19 ne s’accélère pas. On a déconfiné. On a levé l’état d’urgence. Les avions vont reprendre. Je crois que la situation des biens et services des personnes va encore consolider l’activité. En novembre quand nous aurons les réalisations de production afin septembre, nous allons voir si on va passer à une croissance positive. Nous croisons les doigt. Donc, c’est un facteur de stabilité à prendre avec optimise mais avec beaucoup de prudence. Mais, si nous lâchons, nous allons rechuter », a expliqué le patron de la BCC.
Bien qu’encore négatif, le taux de croissance économique de la RDC de -1,7% est principalement tiré par le secteur extractif. Selon les chiffres de la Banque centrale, dans le -1,7%, l’extractif contribue à 0,45%, le secteur secondaire à -0,65%, le secteur tertiaire à -1,08%, les taxes sur la production à -0,38%. Ce qui donne -1,66 que la BCC a arrondi à -1,7%.
« C’est une croissance du côté minier qui peut encourager le secondaire parce qu’on trouve la construction là-dedans et le BTP. Ça peut influencer positivement la croissance. Nous savons également que le solde d’opinion des chefs d’entreprises (confiance dans la conjoncture économique à court terme) est passé de -20% à -15%. C’est une bonne nouvelle mais il faut que ça quitte la zone négative pour la zone positive. Lorsqu’on regarde également le secteur minier, nous avons produit à fin juin 2020, plus que ce que nous avons produit à fin juin 2019 en termes de cuivre et le cobalt. Et les prix nous encouragent parce que le cuivre est à 6.300 USD la tonne contre 6.100 USD en décembre 2019. Le cobalt est encore en dessous du prix de décembre 2019 qui était à 36.000 USD la tonne et est maintenant à 32.000 USD voire 33.000 USD la tonne venant de 28000 USD. Mais, il faut faire attention. Le prix du cuivre est monté parce que l’offre est restée baissière étant donné que la partie du cuivre produite en Amérique latine (chili, Pérou) ne répare pas encore à cause de la Covid. Mais chez nous, pendant que la Covid sévissait, les miniers ont cotonné leurs travailleurs sur des sites de production. C’est vrai que sur le plan social, ça a privé ces travailleurs de leurs familles. Je crois que les compensations ont eu lieu. C’est dire que si la Covid tempère en Amérique latine, il faut craindre le fléchissement des cours. C’est pourquoi, il faut prendre ça avec bémol », a-t-il ajouté, parlant des facteurs qui pourraient concourir à la stabilité du cadre macroéconomique en RDC.
Amédée Mwarabu