RDC : pour exister demain (Tribune d'Ambroise V. Bukassa et Mukendi Kalhala)

Coronavirus
PAR Deskeco - 03 juil 2020 15:44, Dans Actualités

En actes ou en paroles, en un mot comme en mille, il est évident, tel le nez au milieu du visage, que la stratégie dite de dé-confinement que les pays avancés mettent en œuvre pour faire repartir leurs économies, a vocation à prévaloir, sous toutes les altitudes et sous toutes les latitudes, en spéciale stratégie de relance de leurs économies peut servir chez nous en stratégie d’amorçage du développement économique. 

Au terme de 60 ans de tâtonnements et d’égarements délétères, cette stratégie peut donc être la nôtre, selon la sagesse du dicton selon lequel un bon conseil prodigué à un fils à papa peut profiter à un attentif enfant orphelin, 

Le propos de ces lignes est d’abord d’attirer l’attention de notre nation sur le fait que malgré toutes ses fabuleuses richesses le pays ne décolle toujours pas, au contraire il est devenu un refuge de doute, un objet d’interrogation et un ailleurs inconnu de ses propres fils ; une République ayant su démocratiser la corruption, et qui a fait de celle-ci, la chose la mieux partagée du pays. Notre deuxième préoccupation est de voir comment procède la stratégie de faire repartir l’économie et de décrire le bouclier de souveraineté sur la résilience duquel s’arc-bouter, car nous estimons que le Congo doit se battre pour vaincre l’absurde équilibre de l’impuissance et par la voie de cette stratégie retrouver le chemin du décollage économique et de la défense de notre dignité.

 A quelque chose, malheur est bon : nous voyons dans ce dicton séculaire, la désormais bouée de notre propre sauvetage. Il nous dicte de prendre la grande peur, soulevée sous toute la planète, par la pandémie de coronavirus, tel un promontoire d’où nous avons à embrasser des stratégies de conjuration des dévastations semblables, le plus affligeant étant de buter à la restauration du ronron ante, de s’accommoder des endémies de malaria, de VIH, de délestages de la Snel, de robinets arides de la Regideso, de société guerrière, de ses hécatombes, de sa cohorte de pénuries en tout genre, de la pauvreté et de la misère, par une culture des incapacités apprises et du déni de nous-mêmes, dans un grand pays d’un grand peuple et qui regorge de ressources humaines de toutes sortes, géré jusqu’ici comme un pays pauvre où la paix est introuvable.

La dignité humaine à laquelle nous aspirons est celle de nous atteler à un travail assidu qui, de proche en proche, a parcouru le monde entier et, pour nous lance, à corps perdu, dans le développement intégral porteur de paix civile et de sécurité nationale.

Le préalable immédiat de cette réussite est la foi dans ce que nous allons entreprendre, la confiance en nous-mêmes, la révision de notre rêve à la hausse en abandonnant de faire preuve d’un désir indifférencié de vivre. Notre futur credo doit être d’élever notre conscience au point de donner la priorité à la vie de la nation, à la vie de chacun de nous et opter pour le slogan : sauver une vie c’est sauver l’humanité sans oublier de souscrire à la charte qui prescrit de bannir toute entente qui incite à des tueries.

A travers le monde, beaucoup d’affirmations sont faites sur la République Démocratique du Congo. Et chaque observateur y va de sa petite idée. A part celles hypocrites de certains hommes politiques de l’Union européenne, lorsqu’elles sont traduites en déclarations, les opinions de beaucoup de responsables dans le concert des nations se rejoignent. Elles aboutissent toujours à la même affirmation : « le mal congolais est plus grave que ce qu’on connaît dans d’autres pays » sur tous les continents. 

Les fonctionnaires de l’Organisation de l’Unité Africaine, rencontrés dans les tribunes continentales soutiennent avec certitude que c’est le Congo Kinshasa qui tire l’Afrique vers le bas. Si on se réfère au rapport, résumant les travaux de huit professeurs Prix Nobel d’économie demandé par le G8 et portant sur la comparaison de Performance économique et Progrès social, on voit que ce document sans le citer nommément clôture ses analyses en mettant la République Démocratique du Congo et la Somalie sur la même échèle d’inexistence d’Etat.

 

Élevons donc notre conscience jusqu’au point de nous guérir de l’émotion, éprouvée devant des métropoles coloniales, qui canalise chez l’homme, blanc comme noir, l’esprit de se mettre au service du transfert des ressources et liquidités, de chez nous, hors de nos frontières.

Le peuple, à la fois acteur et victime de cette tragédie, fait preuve d’un désir indifférencié de vivre. Il montre beaucoup de patience dans l’adversité. Le monde humain de notre temps n’adapte cependant pas son rythme d’évolution au tempérament indolent et insouciant de l’homme congolais. Aussi le Congo est-il douloureusement affecté par les événements du dedans et du dehors que lui suscitent des forces étrangères en lutte pour s’accaparer de ses richesses minières, maritimes et forestières.

 Élever notre conscience au point de ne plus croire que, là où Dieu a placé le Berceau de l’humanité, nous ayons bonne vocation d’en faire l’Enfer pour la part de l’humanité que nous sommes.

L’histoire de la République Démocratique du Congo est l’histoire du cycle répété de l’exploitation du peuple. Les Congolais n’ont-ils pas combattu village par village les conquêtes des hommes de Léopold II pour l’invasion de leur sol, puis assisté à l’occupation de leur territoire pour enfin, subir l’asservissement non interrompu jusqu’aujourd’hui ! Pourtant nous baignons dans le troisième millénaire !

 Divisée en provinces fragiles, en une multitude d’ethnies, à la conscience nationale non encore ébauchée, la République véhicule une cosmogonie politique hétéro déterminée : classe politique rudimentaire, armée appelée nationale mais composée des milices éparses, Etat théorique, pseudo nation précarisée par les tueries et l’apprêté de la lutte pour la survie. Le Congo s’identifie plus que jamais à la pirogue du poète qui tournant et tournant ne sait plus si le vent voulait rire ou pleurer. Avec humilité et sans honte, nous soutenons que notre pays est une nation en devenir, marquée par une diversité ethnique, composée des minorités dans toutes les provinces et dont l’histoire est jonchée de plusieurs rébellions en réaction aux pouvoirs tyranniques subis depuis Léopold II jusqu’à une date récente.

 Élever notre conscience jusqu’à la compréhension de l’opposition viscérale des exploitants miniers à tout prélèvement fiscal de 10%, alors qu’il est de 25 à 45%, dans leur pays d’origine, opposition fondée sur l’observation que, chez nous, dans nos institutions, il y a de la démesure ; un chef de corps est rémunéré, chaque mois, à la hauteur de 100.000 USD, contre 16 à 20.000 USD, chez eux, et que la pension d’un président à la retraite s’élève, chez nous, à 680.000 USD, par mois, contre 16.000 USD, chez eux. 

Élevons notre conscience jusqu’à nous souvenir que le Prix Nobel d’Économie, Paul Samuelson, a affirmé et signé que la banque centrale est la plus grande invention de l’homme, après la roue, et observons bien sa mobilisation dans la restauration post-coronavirus en Occident.

La dureté de la vie au Congo, nous rappelle que tout au long de notre passé nous avons pris des plis qu’il va falloir guérir un jour si nous voulons exister. L’histoire nous témoigne que tout au long de notre passé, nous avons pris des plis qu’il va falloir guérir un jour, si nous voulons exister. Nous devons nous déprogrammer si nous voulons extirper la colonisation intériorisée depuis des lustres et le mobutisme que nous avons accepté sans rechigner.

Dans l’exploitation du caoutchouc, le pétrole du dixième neuvième siècle, nous avons été réduits à l’état d’esclaves ; nous avons payé un lourd tribut de sang, environ 10.000.000 de morts en vingt ans entre 1885 et 1905 sous la férule de Léopold II. En réaction à la mauvaise traitance et aux pouvoirs tyranniques qui se sont succédés dès l’aube de la colonisation, les rébellions sont devenues un sport national, avec la cohorte de destruction et de débilisation de la cohésion nationale et du report de toute idée de progrès social.

Élevons notre conscience jusqu’à nous débarrasser des illusions de la mappemonde ; celle-ci nous place au sud, en bas, au point de nous pousser à penser et à croire que les sources d’en haut coulent, comme des grâces, vers nous. 

Depuis qu’il a été martyrisé au XIXe siècle par les aventuriers de genre Stanley, meurtri dans le Royaume indépendant de Léopold II, calciné par la colonisation brutale et dépouillé de ses fils et de ses biens pendant la deuxième guerre mondiale, le pays est resté malade pendant longtemps.

Ce déclin s’accentua après l’indépendance nominale obtenue par la pseudo élite de 1960. Par suite des erreurs de ses dirigeants il sera à nouveau colonisé, cette fois de l’intérieur. Ecartelé entre les diverses influences créées par la guerre froide, il connaîtra l’incohérence de ses dirigeants, et sera incapable de forcer son propre destin. Il acceptera la résignation sous le despotisme de Mobutu, oublie de se tracer une voie du salut lors de sa conquête par Laurent Kabila, s’engage avec légèreté dans la voie du désastre par l’acceptation de la formule d’un Président plus quatre vice-présidents concoctée par le sud-africain Tabo-Mbeki et n’a pas suivi l’exemple du Japon de 1946 qui avait compris « Qu’on peut réaliser des merveilles pour peu qu’on y réfléchisse avec la volonté de réussir ».

Fi ! Donc de tradition d’hommes mâtés. Il ne faut pas que cela continue. Il ne faut pas accepter un tel sort, un tel état de fait, se complaire dans pareil défaitisme ou se résigner à une sorte d’abdication collective.

Non. Il nous faut et ceci est un appel à ouvrir les yeux. Il faut que le Congolais réfléchisse sur l’avenir de son pays et de lui-même. Car on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Ceci est une démarche décisive à laquelle tout citoyen de bonne foi doit souscrire et se sentir mobilisé.

Pour que le compatriote mutilé, privé de la claire conscience de sa plénitude, donc de sa liberté par tant d’années de dictatures diverses, il faut que l’ancien champ d’asservissement, soit détruit pierre par pierre, car le raccourci auquel on a habitué les politiciens ne peut être détruit que par une totalité de volontés alternatives.

N’oublions pas que dans ce pays dominé par la houle des intérêts, l’arbitraire des agents de l’ordre, la volonté de puissance de quiconque détient une parcelle de pouvoir, que les forces morales et la sagesse de nos ancêtres n’arrivent plus à contenir, beaucoup de facteurs convergent pour que dans le cœur de chaque patriote brillent les raisons d’espérer.

En effet,  que l’on interroge ses habitants de villes ou de brousse, son potentiel hydroélectrique, que l’on se réfère à ses fantastiques paysages naturels, à ses parcs de bêtes sauvages, et à ses incommensurables richesses pétrolifères  et naturelles que les tueries et les désordres d’aujourd’hui ne sauraient oblitérer, qu’il soit fait appel à sa culture d’hospitalité et à sa philosophie de convivialité, le Congolais doit se dire, que son pays, terre de contrastes, de lumière et de clair-obscur, deviendra demain quand ses fils se réveilleront, un pays ciselé dans la moule qui fait les grandes nations, capable de nourrir huit cents millions d’êtres humains comme aimait à le répéter  le Président Massamba-Débat de Brazzaville.

Il nous faut renaître, il nous faut une réelle rédemption, un changement de vision, d’attitude et de perspectives ; il nous faut de l’intelligence, en tant que stratégies de survie, de survivre dignes et libres ; donnons-nous toute la priorité, nous-mêmes, car nous ne sommes venus accompagner personne d’autre ici-bas. La formation étant l’alpha et l’oméga du développement, il faut une éducation nationale de buter au développement pour amorcer le développement et produire la culture d’accélération du développement. 

Cependant comment justifier les gouvernements dictatoriaux qui se succèdent au Congo depuis le dix-neuvième siècle avec Léopold II en passant par les Kasa-Vubu, les Mobutu et les autres ? Alors que nous avons un peuple parmi les plus patients et les plus tolérants d’Afrique ?  N’existe-t-il pas dans la crise congolaise actuelle un mal congolais, marquée par une faiblesse dramatique et causée par l’absence de tout esprit d’évaluation et de détermination ?

Que faire pour pousser l’homme congolais, jadis conscient, jadis grand agent de sa décolonisation, ce peuple qui a emmené Lumumba au pouvoir, ces hommes qui ont dicté la nationalisation de l’Union Minière à Mobutu, ont maudit ce dernier après l’avoir chassé du pouvoir ? Que faire pour emmener le Congolais à se réveiller et à prendre en mains son propre destin, à se défendre contre les acteurs de haut vol, assurant ainsi sa régénérescence par une démarche hardie de sens d’union et de responsabilité.

Dispersés au vent de querelles fratricides, divisés en clans, en tribus, en ethnies, en classes, en homme du Nord, homme du sud, en kassayens, en katangais ou en grand-kassayens, en swahili phones, nos compatriotes ne comprennent-ils pas qu’ils s’adonnent à des activités stériles ?

N’ont-ils pas intérêt à lever les yeux sur le pays aux dimensions continentales. A dépasser le petit cadre de province dans lequel on veut les confiner. A aller au-delà de virtuelles structures que l’on veut créer pour satisfaire l’égoïsme d’aventuriers politiques sans projet de société et sans détermination. Des gens qui changent d’idéologie et de doctrine comme des girouettes à la brise matinale de tropiques ; des hommes sans dessein national, envers et contre tout par une myopie sans base ressourcée dans l’intransigeance des uns et l’irrésolution des autres qui croient connaître seuls les règles de la démocratie !

Car nous continuons à penser que c’est dans l’ensemble unitaire et fédéré du Congo que ce pays peut prendre à bras-le-corps pour tenter de le résoudre, le lancinant problème de son développement économique et social.

Le jeune compatriote devra réaliser que la philosophie de nos concitoyens transpose encore à l’échelle du monde du troisième millénaire la mentalité propre aux exigences de la solidarité familiale bantoue de siècles passés. Pourtant, le monde d’aujourd’hui n’est pas un monde familial encore moins un monde congolais ; c’est un monde de manipulation, de calcul et d’intérêt. Le Congolais n’en peut rien hélas ! Le colonialisme, le néo-colonialisme africain ou extra africain, les échanges internationaux, les pillages des ressources sont des œuvres de calcul politique, économique et de l’occupation de l’espace.

C’est pourquoi pour nous intégrer au monde du vingt et unième siècle et y rester valablement accroché, nous devons engager une lutte soutenue contre une série des concepts et d’habitudes séculaires en ce qui concerne la vision du monde et de la société. Il faut au congolais une nouvelle définition de l’homme, un autre genre d’interprétation de l’univers et de ses lois, une transhumance au cœur de l’Afrique.

Il faut une autre prise de forme de nos mythes. Acceptons l’urgence d’excommunier en nous l’attitude attentiste faite de patience et d’apathie qui caractérise le Congolais  et qui a fait de lui un esclave docile qui a été considéré tantôt comme l’homme à envahir et à occuper pour toujours son territoire, tantôt comme petit fonctionnaire ou comme ouvrier mal payé et nourri à l’instar du bétail productif par son gouvernement ou par son maître, ou comme un troupeau qu’on dirige grâce au fouet de quelques bergers africains en sous traitance au service de transnationales occidentales.

Ce sont ces pénibles réalités qui font dire à certains pays qualifiés d’amis que les Congolais regrettent l’indépendance qu’on leur a donnée le 30 juin 1960, comme si un pays digne et dirigé par un Gouvernement apte pouvait soutenir de telles inepties. Si ces propos sont réels, alors ceux qui se disent hommes politiques au Congo devraient s’enterrer.

De la République du Congo à la République Démocratique du Congo, en passant par la République du Zaïre, nous avons réussi l'extraordinaire performance de tourner en rond et de plonger le pays dans le gouffre, en rasant tout sur notre passage : l'armée, l'administration, l'enseignement, la monnaie, la justice, la morale et nous-mêmes. Bref, l'indépendance que le colonisateur belge nous a jetée, nous a sauté au visage, alors que nous avions un pays béni et promis à un bel avenir.

Dans l'intervalle, le pays avait connu dès le 11 juillet 1960 sa première propension sécessionniste au Katanga, suivie de près le 9 août par "l'Etat autonome du sud Kasaï », pour finir pendant deux ans par la rébellion de Mulele de 1964 dans le Kwilu. Il s'agissait en réalité de la traduction de l'incapacité des différentes forces politiques et armées de se doter des fondements autres qu’égocentriques. Mais il y a plus : les ambitions démesurées des politiciens qui sans sens de la République et sans idéologie particulière qui les différencient fondamentalement les uns des autres, instaurent la politique de "ôte-toi de là que je m'y mette"

En examinant le résultat obtenu, cela nous amène à nous interroger à quelle nécessité politique obéissait, par exemple, la révocation du Premier ministre Lumumba par le Président Kasa-Vubu en septembre 1960. Le même Kasa-Vubu qui récidive le 13 octobre 1965 face à Moïse Tshombe parce que Premier ministre, donc un adversaire dangereux pour les présidentielles prévues pour décembre 1965. Il nomma à la place Evariste Kimba pour former   un nouveau gouvernement. Devant la chambre des Députés qui refuse d'accorder sa confiance à Kimba, Monsieur Kasa-Vubu trompé par Mobutu, s'obstine à le reconduire dans son rôle de formateur.

L'histoire révélera un jour par quel hasard le Président Kasa-Vubu avait ainsi multiplié des actes désastreux dont l'effet paradoxal était qu'à chaque raté Mobutu pouvait ramasser aisément le pouvoir tombé par terre. Ayant ainsi "capturé sans effort la Présidence de la République, l’ex-sergent commissionné maréchal bâtit pendant 32 ans une dictature du Parti-Etat en organisant des pseudo élections où il était seul candidat dans le but à chaque fois de pérenniser son pouvoir fondé sur la force des armes mais sans aucune moindre légitimité populaire, jusqu'au moment où Kabila et l'Afdl décident, à leur tour, de le chasser et de s'y installer par la même force des armes.

L’équipe hétéroclite du Gouvernement de coalition, son travail n’est pas seulement d’organiser le confinement et le deconfinement pour lutter contre la pandémie de corona virus, mais il est avant tout de définir par consensus une approche lucide d’analyse des préalables du développement, en adoptant une démarche rationnelle vers la modernité qui prend en compte les ressources humaines du pays, la culture du terroir, le rôle de la science moderne, le respect intériorisé de droits de l’homme et la participation active de la femme congolaise à la détermination de son avenir fécond.

Pour faire simple : à la limite, auto-centrons nos efforts, pour le moins, même dans le mimétisme qui nous polarise vers l’Occident ; convainquons-nous que le modèle de restauration qu’il met en œuvre n’est autre que le schéma du développement susceptible de prévaloir sous toutes les altitudes et toutes les latitudes. Il ne s’agit de rien moins que d’aller au-delà du mimétisme du discours, de réaliser que toute vraie volonté politique se traduit par une ligne budgétaire qui se traduit, à son tour, sur le terrain, par des actes concrets, accompagnés d’un contrôle minutieux. Quel est donc la stratégie de restauration mise en œuvre, en Occident ?

L’Occident qui, selon l’éloquent et bouleversant témoignage d’Émile Zola, a sacrifié la vie des femmes et la vie des enfants, dans des mines de charbon, dans des coups de grisou, Occident qui a noyé, dans le sang, des manifestations des grévistes, l’Occident que le patriotisme a poussé à enrôler des enfants dans des « infanteries », chair à canon sur des champs de bataille, pour sauver des paternels restés dans des lits douillets, l’Occident qui a provoqué des hécatombes au cours des guerres de conquêtes territoriales et des conquêtes d’accaparement des ressources, l’0ccident, ce lieu de la Terre le plus ensanglanté au km carré, l’Occident a changé son fusil d’épaule ; il s’est résolu, désormais, à défendre, chez lui, les droits humains. 

De fil en aiguille, devant le coronavirus, l’Occident a pris le parti de la sauvegarde de la vie, à un coût inouï, avec la foi que sauver un citoyen c’est sauver la nation. 

Il s’en est suivi que ses décisions de confiner les populations ont mis à l’arrêt ses moyens de transport, ses usines et ses services et que sa prise en charge des urgences et du chômage imposé, a creusé des trous dans la caisse publique, les autres conséquences étant la dégradation des équipements peu entretenus, l’abandon des investissements alors en cours, des manques à gagner, l’embargo pour cause de force majeure sur des importations et des exportations, des faillites des indépendants, des conversions de plus d’une filière de production, et, au bout de tout, la chute de la croissance.

De ce fait, le dé-confinement des populations est le coup d’envoi de la reprise du bourdonnement social, de faire repartir les activités jusque-là mises à l’arrêt ou en veilleuse. Cette remise en ordre de marche de l’ensemble de la machinerie requiert une lubrification préalable, c’est-à-dire des moyens financiers, préservés et à créer librement, sous le bouclier de la souveraineté nationale.

L’État se charge de ladite lubrification, appuyé par sa banque centrale, celle-ci secondée par l’ensemble du système bancaire. La cascade est que la banque centrale débloque des fonds, l’État y puise, en bon père de famille, sous le contrôle du Parlement, pour renforcer son budget amoindri ; il fait aussi appel à des emprunts publics ; il fait sauter en l’air les normes de gestion ante-corona. L’État pourvoit alors à la création des fonds de subventions, à des fonds de garantie des crédits bancaires destinés à des fonds de roulement et d’assurances salariales, à des extensions d’entreprises et à des investissements nouveaux et d’innovations diverses, à des transferts sociaux en soutien à la consommation ; pendant ce temps, sur le marché boursier arrive l’épargne forcée par le confinement et des actions changent de mains.

La banque centrale tient les manettes du système : tel un gendarme au carrefour des affaires, elle règle, à travers le système bancaire, la circulation des liquidités vers tel ou tel profile d’entreprise ou de consommateur ; elle joue au pilote qui contrôle la vitesse et l’adhérence à l’économie réelle, par l’ajustement des taux : taux directeur, taux de prêt, taux de rendement, taux de croissance, taux d’émission et le coup de fouet anti-thésaurisation ; ce faisant, elle s’arc-boute sur la formule qu’il n’y a pas d’inflation monétaire quand on se tient sur la ligne de crête tracée par l’égalité entre le taux d’émission et le taux de croissance du PIB, l’ajustement des taux étant, dans un État autoritaire, l’œuvre de seuls calculateurs tandis que, dans un État démocratique, il résulte des débats au sein des comités ad hoc, en respect du principe de l’économie politique, pendant que les masses de différentes sortes de monnaie se régulent au gré des préférences des usagers.

En Occident, les moyens d’une banque centrale sont énormes ; dans ce sens qu’elle paie dans la même monnaie qu’elle commande à l’industrie. Ainsi la Fed américaine déclare qu’elle met à la disposition de l’économie des moyens illimités, la BCE y va pour 1000 milliards d’euros, l’UE pour 750 milliards d’euros, l’Allemagne pour 1000 milliards d’euros, etc. Avant la crise, ainsi que l’atteste les statistiques, depuis 20O8, la BCE finançait déjà le développement jusqu’à la hauteur de 30% du PIB, la Fed américaine, la Banque d’Angleterre et la Banque du Japon, jusqu’à 2O% du PIB, contre 0%, chez nous. Il s’agit de financements de plus d’un an.

La stratégie qu’emploie l’Occident pour faire repartir son économie n’est rien d’autre que celle que requiert notre pays pour placer sur des rails sûrs le train de notre envol. Elle fait, de la monnaie, dans cette conjoncture le fondement de l’économie, et de la banque centrale, l’acteur et le gendarme de la circulation de la monnaie ou l’un des pilotes à bord du système économique. Elle explique pourquoi dans tout pays, il y a un gouvernement et un gouverneur de la banque centrale ; l’un est chargé d’un programme budgété, l’autre de toutes les opportunités qui s’offrent au pays.

Chez nous, le budget de l’État est alimenté par un prélèvement fiscal de l’ordre de 9% du PIB. Environ 65% de ce budget sont voués aux institutions et le mince reste saupoudré au social, c’est-à-dire à la Justice, l’Enseignement, la Police, l’Armée, et aux hôpitaux. Le débat entre les options « le peuple d’abord » et « les institutions d’abord » ne porte que sur l’inversion ou le maintien desdites proportions qui, du reste, ne sont rien tant que, faute de financement bancaire, le PIB demeure chétif : quelque 47,2 milliards de dollars, pour 84 millions d’habitants, derrière les 78,4 milliards du Kenya pour une population de 47 millions et 581 milliards de dollars américains, du Nigéria pour une population de 200 millions.

Bien sûr, une banque centrale, confinée dans la seule régulation financière, est tel un pied de buffle dans les mains d’un chef avare et édenté ; car incapable de répondre à toutes les conditions nécessaires à la rampe de lancement du développement.

C’est certain, les moyens d’une banque centrale, chez nous, ne sont pas illimités car elle paie, en devises, les commandes à l’étranger, qu’elle en fait, mais ils sont suffisants pour permettre les premiers pas sûrs de notre développement. En fait, entre faire repartir l’économie, en Occident, et amorcer le développement, chez nous, il y a une nuance : la différence de vitesse. Chez nous, c’est en n’ayant pas de cesse de buter au développement que nous nous créons une culture d’accélération du développement car, comme chacun le sait, l’appétit vient en mangeant et le mouvement vient en marchant.

Il est clair que, dotés de la souveraineté, nous avons le droit de partir du même pas que l’Occident, mais les objectifs et l’allure diffèrent. 

À nous donc de choisir notre pas, à nous de déterminer le rythme car, comme on fait son lit on se couche. Il est entendu que ce que fait l’Occident dans l’immédiat, nous avons à le planifier sur un certain terme : l’important est d’avoir hâte à le démarrer. L’assurance de le faire démocratiquement est d’en organiser les débats au sein d’un Conseil Économique, Social et Environnemental représentatif de vraies forces vives du pays. 

La question importante est donc : qu’est-ce que c’est que la souveraineté, au juste ?

C’est à définir. En tout cas, c’est le contraire de la dépendance. Et celle-ci, les économistes congolais en donnent une certaine idée. Ils décrivent le citoyen de notre pays en quelqu’un qui, le matin, se réveille, sort de ses draps tissés en Inde, éteint son réveil fabriqué en Chine, enfile ses vêtements cousus au Bengladesh, chausse des souliers d’Italie, boit du jus d’orange d’Afrique du Sud, verse, dans son café produit en Angola, du lait made in France, saute dans sa voiture fabriquée au Japon pour se rendre à l’essencerie TOTAL, y fait le plein et prend son téléphone coréen, fabriqué à Taïwan, pour payer, avec Orange money, s’il ne le fait pas en dollars américains.  A plus d’un coup, il est une pompe qui aspire et refoule des liquidités hors des frontières du pays. Manifestement, le degré de dépendance est très élevé plus de 80%, dit-on. On voit ainsi que, chez nous, la souveraineté, qui nous est reconnue, est un principe sur lequel nous avons, encore et toujours, à construire sa concrétisation, son utilité. 

Dorénavant, pour promouvoir une souveraineté porteuse de sécurités, il s’agit, de réduire le transnational au minimum nécessaire et de répercuter dans les États du monde, un développement fractal, c’est-à-dire des économies autocentrées et auto-entretenues, où les gens produisent ce qu’ils consomment et consomment ce qu’ils produisent, n’échangeant, par-dessus les frontières, que des surplus : pour compenser des manques résultant de la répartition inégale des ressources sur la Terre.

Cela étant, il est clair et de toute évidence que l’Occident ne fait rien tant que les montants colossaux annoncés sont encore dans ses caisses ; lesdits fonds ne se fructifient que sous la férule du cerveau et de l’âme, c’est-à-dire le capital humain, le savoir-faire : le développement tient d’une heureuse torsade du capital humain et des moyens financiers. Autrement dit, il est propulsé par un bimoteur, à savoir : l’éducation et le financement bancaire.

C’est là que le bât blesse, chez nous : ce sont nos faiblesses en utilisation des expertises locales et nos faiblesses en effectifs qui handicapent notre marche en avant et qui retardent ou qui handicapent le développement, outre que nous sommes l’un de ces quelques rares pays où le centile supérieur des rémunérations appartient, exclusivement, au secteur des institutions, alors que c’est l’inverse, dans les pays qui avancent.  

Comme on le sait, le développement, n’est pas un acteur qui vient de l’extérieur et qui monte en scène : tout bonheur est à chercher au fond de nous-mêmes, dans notre sagesse, dans notre génie d’assimilation des choses de la vie de chez nous et d’ailleurs.

A ce sujet, notre quête nous a révélé le secret de formation du capital humain de masse : par la réduction de la durée des cursus, par la réduction du coût de formation, le tout offrant des chances de carrières longues assumées avec compétences, tout au long de leurs déroulements.  

Le temps ne tolère pas ce qui se fait sans lui, ressasse-t-on tout le temps, mais il est à prendre en compte le fait que le temps s’est vu conféré une haute élasticité sous l’emprise des technologies de traitement de l’information, qui opèrent à l’échelle de la nanoseconde. Prenant appui là-dessus, le gain de temps est mis à contribution, notamment, dans des formations rapides.

Dans ce registre, des filières de formation à l’entrepreneuriat et à la conception et contrôle des projets de développement se préconisent comme accélérateurs du lancement du développement, chez nous. 

Cela étant, l’équation financière se résout avec le concours de la Banque centrale et des banques de développement qui la secondent, et cela, grâce à la souveraineté exercée sur la monnaie nationale.  

Bien sûr, rien n’est jamais facile, pour nous, congolais, du fait que nous avons, devant nous, des affameurs du peuple, nourris aux prébendes minières, le carburant de la société guerrière, la cause des hécatombes dans nos campagnes et dans nos cités. Ces messieurs poursuivent l’œuvre de Léopold II : ils se sélectionnent en happy few, ils se proclament seuls détenteurs du savoir-faire, ils s’érigent en propriétaires exclusifs du pays, ils s’allient à l’étranger, contre nous ; ils nous repoussent sur le bord du chemin du développement ; non seulement, ils nous défient, impunément, de leur faire tomber le masque, ils n’ont de cesse de remuer, en nous, le fonds animal mortifère pour nous dresser, les uns contre les autres, en nombre d’interminables luttes fratricides, au sein d’une close société guerrière à hécatombes endémiques.

Il est donc vrai que si l’émotion soulevée par le coronavirus ne canalise pas nos idées positives vers la marche en avant, par l’accélération de nos pas, alors une grande opportunité à saisir à pleines mains nous passera sous le nez et le doute sera très grand à notre endroit. 

N’oublions, à aucun moment, que les sous-développés d’aujourd’hui sont ceux qui ont raté, avant-hier, le train de l’industrialisation et ceux qui ont manqué, hier, le train de l’informatisation. Soyons sûrs que les sous-développés de demain sont ceux qui, adoptant, aujourd’hui, le coronavirus, comme une endémie parmi d’autres endémies domestiques, se complaisent, dans la continuité de leur ronron d’hier et d’avant-hier et se gardent de monter dans le train du développement souverain : autocentré et auto-entretenu, le train dont les gares d’embarquement sont nos écoles de qualité, nos banques de développement et nos entreprises de production de services, de culture et de connaissances.

Ainsi, comme l’on n’aime que ce que l’on connaît et qu’on ne développe que ce que l’on aime, voilà pourquoi, face aux défis du moment, nous en appelons, très ardemment, à tous ceux d’entre nous, du Levant et du Couchant, du Septentrion et du Midi, du Centre et de la Diaspora, convaincus de notre droit à revoir notre rêve à la hausse et habités par la foi que nous ne sommes pas des médiocres gens, venus dans ce monde pour y rabougrir, de comprendre et de réaliser que, jamais, d’un bois ripou, personne n’a fait bonne flèche et, par conséquent, de partager le combat de notre propre sauvetage.

Les Etats-Unis d’Amérique sont aujourd’hui un pays contesté par l’Europe mais craint par elle, jalousé par la Russie mais admiré par elle, critiqué par la Chine mais respectée, pôle d’attraction de plusieurs nations de la terre, n’ont-ils pas été bâtis par des hommes et des femmes sachant ce qu’ils voulaient. »

Pourquoi. Parce que dès l’aube de l’histoire de ce pays, Alexander Hamilton avait préconisé la politique de développement économique comme instrument de l’unification territorial et de la grandeur nationale. Ces idées de base sont défendues avec fougue et acharnement aujourd’hui par tout dirigeant américain qu’il soit démocrate ou républicain, libéral ou conservateur. 

Ne nous contentons pas du gouvernement de cohabitation mis au point par les parrains de négociations trompeuses. Réfléchir nous-mêmes sur nos problèmes est une urgence d’une impérieuse nécessité.

Ayant accepté la solution de l’extérieur, l’élite congolaise qui a assimilé la culture d’autrui doit la dépasser. Adossée à ses propres valeurs, elle doit apprendre à se passer du père dans la définition de l’avenir du pays, dans l’élaboration de la politique à mettre en place et dans l’exécution de ses cogitations.

Je ne suggère pas au pays de rompre avec l’extérieur ou vouer au feu les dirigeants de gouvernements passés, qu’on nous comprenne bien, il n’est pas utile et intelligent de prôner l’isolationnisme du pays. Evitons les erreurs du passé. Rester enfermés sur nous-même ne nous amènera que retard et faiblesse envers les voisins, les pays africains et le monde.

Faut-il rappeler, une fois de plus, la démonstration de Ki-Zerbo et de Cheik Anta Diop ? Selon ces savants africains, le niveau scientifique et technique de l’Afrique était comparable à celui des pays d’Europe jusqu’au XVIème siècle, époque où se produisit une faille historique, résultant d’un repli sur soi dont les conséquences allaient se révéler désastreuses. 

La volonté politique a toujours précédé dans l’histoire la réalisation de grandes œuvres économiques et sociales. Faute de ne l’avoir pas compris le pays périclite aujourd’hui. Le Congo attend de ses dirigeants élus qu’ils manifestent la volonté de changer la situation actuelle qui ne peut que mener à la balkanisation du pays aux conséquences incalculables.

Le Congo n’a le choix que de prendre à bras le corps son utopie fédérale, la malaxer pour la traduire en acte, pour la réaliser et la concrétiser, tomber sept fois, se relever huit fois, lutter, agir, agir, persévérer pour vaincre « l’absurde équilibre de l’impuissance » et, par le chemin de l’unité, retrouver le développement, la dignité, la grandeur et la puissance. 

Le congolais qui a été colonisé par la Belgique doit se rappeler que le pays le plus voisin de la même Belgique avec lequel celle-ci n’a pas des frontières c’est la Hollande. Pourtant celle-ci n’a pas hésité de coloniser et d’exploiter la Belgique. Cela est politique. Il n’est pas exclu que ça se passe chez nous avec nos voisins.

Je ne crois pas à l’intégrité du pays dans ses frontières de 1960 sans idéal librement encouragé de vivre ensemble, mais je crois sincèrement à l’avenir d’un Congo où ses fils ont appris à chacun qu’il est son propre dieu, responsable personnel du bonheur et du malheur pour lui et en conséquence, pour le pays tout entier.

Il nous faut donc travailler, encore travailler, toujours travailler, travailler dur et souscrire au train des mesures post – covid19 pour que nous devenions notre propre soleil afin de nous permettre de sauvegarder nos chances de progrès et de prospérité.

                L’histoire est là pour nous apprendre que les attardés risquent à chaque instant l’élimination et l’homme a ajouté au processus de sélection une impitoyable cruauté. Le congolais est le remède du congolais.

Ambroise V. Bukassa, Mukendi Kalhala. Citoyens ​​​​​​​congolais.

 

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