RDC : nécessité de maintenir l'élan de l'artenance politique pour la relance économique (Tribune de Mukoko Samba)

Daniel Mukoko
PAR Deskeco - 02 juin 2020 19:43, Dans Actualités

Le 24 janvier 2019, la RDC a vécu sa première alternance politique. Ce jour là, un Président de la République sortant cédait le fauteuil à un Président entrant. L’événement avait une signification historique indéniable. Il symbolisait la primauté du dialogue sur le bruit des armes. Il illustrait aussi de la manière la plus éclatante le sacro-saint principe de la continuité des affaires de l’État.

Le Président Félix Antoine TSHISEKEDI Tshilombo reprenait là où son prédécesseur Joseph KABILA Kabange avait laissé. Il lui revenait d’infléchir la marche du pays, d’en modifier le rythme et la cadence. L’alternance appelle donc le mouvement. Faire mieux qu’hier sans casser la chaîne. Donner un coup d’accélérateur sans emballer la machine. Négocier une pente plus raide en évitant tout mouvement de recul.

Une année après les réjouissances du 24 janvier 2019, force est de constater que les dissensions politiques ont pris le dessus sur le débat républicain. La polémique enfle de toutes parts. Chaque action, chaque décision, chaque hésitation est analysée exclusivement du point de vue politicien.

L’alternance politique avait aussi libéré une énorme charge émotionnelle et, comme il fallait s’y attendre, les aspirations sont élevées et le degré de patience est faible. Dans une situation d’impatience généralisée, l’attention de l’opinion est facilement focalisée sur les menus détails si les dirigeants politiques ne tracent pas et/ou ne communiquent pas de manière claire un cadre d’action précis et vérifiable.

Il y avait très peu de chance possible d’obtenir une telle clarté de la coalition FCC-CACH naissante.

D’abord, en constituant un ticket commun à quelques jours du début de la campagne électorale fin 2018, l’UDPS et l’UNC n’avaient pas eu le temps de mettre en place un programme commun de gouvernement. Ensuite, l’accord de Nairobi (entre l’UDPS et l’UNC) avait été vidé d’une bonne partie de sa substance par les résultats des élections proclamés par la CENI. Enfin, la méfiance ayant caractérisé les premiers pas de la coalition FCC-CACH n’a pas permis de répondre à temps aux questions essentielles d’un accord de gouvernement.

Ce climat chargé de demi-vérités a creusé le lit de la politisation à outrance. Attisée par les réseaux sociaux, la suspicion a fini par étouffer la parole officielle. Pourtant, celle-ci est déterminante en des moments aussi cruciaux. En effet, l’action transformatrice a besoin d’être soutenue par une parole claire et mobilisatrice.

Dans ces lignes, mon intention est de relater le chemin parcouru depuis cette mémorable journée du 24 janvier 2019 en jetant sur les faits majeurs l’éclairage nécessaire pour les rendre intelligibles.

L’entame…

Le Président Félix Antoine TSHISEKEDI Tshilombo avait annoncé les couleurs de ses ambitions dans son discours d’investiture. Lutter contre la pauvreté et la corruption et faire émerger l’État de droit étaient ses grandes priorités. Il s’était lancé dès février 2019 dans une véritable valse diplomatique pour, disait-il, remettre la RDC dans le concert des nations et consolider les relations avec nos neuf voisins.

Concernant la lutte contre la pauvreté, le Président de la République misait sur de meilleures relations avec les institutions financières internationales pour desserrer l’étreinte financière. Par la consolidation des relations avec les États voisins, le Président cherchait à stabiliser les régions troubles de l’Est du pays, plus particulièrement Beni (Nord-Kivu) et l’Ituri. Le Président annonça le 2 mars 2019 un Programme des 100 premiers jours.

Convaincu que la Banque mondiale apporterait un soutien financier conséquent à son programme de gratuité de l’enseignement de base, il décréta le report sur le Trésor de la contribution des parents au financement de l’éducation primaire (400 millions US$ l’an selon certaines estimations).

Aux 422 millions du Programme des 100 jours, la disposition constitutionnelle de la « gratuité de l’enseignement de base » ajoutait une ardoise de 2,7 milliards US$ l’an selon les estimations du Ministère de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Technique.

Fin janvier 2019, le Président TSHISEKEDI avait hérité d’un Trésor public certes capable de payer dans le mois les dépenses les plus exigibles, mais l’espace budgétaire était étroit et ne laissait que peu de marge de manœuvre à des augmentations soudaines des dépenses.

Rappelons que l’économie nationale était entrée dans une zone de turbulence à partir de 2015. Les prix des principaux produits d’exportation étaient à la baisse depuis 2012, grignotant inexorablement sur une croissance économique tirée par le seul secteur minier (le prix du cuivre avait chuté de 20% en 2015 et de 12% en 2016 par rapport à l’année précédente).

La transition politique de 2016 à 2018 avait également négativement impacté les transactions commerciales avec l’extérieur (les importations s’étaient écroulées, reculant de près de 25% par rapport à leur niveau de 2015).

Les contingences politiques (notamment la décision du gouvernement de financer seul les élections de 2018) avaient poussé le gouvernement à pratiquer un ajustement budgétaire sans financement extérieur (on se rappellera des 28 mesures d’urgence prises le 27 janvier 2016).

Cet ajustement budgétaire sec avait permis d’arrêter la dépréciation du Franc congolais début 2017 et la chute des réserves officielles de change. Mais, les réserves de change sont restées en deçà du plafond de 1,7 milliard USD depuis 2013. Malgré la forte croissance économique enregistrée entre 2012 et 2015, l’économie congolaise a été incapable de briser ce plafond.

Pendant trois ans, de 2016 à 2018, la stabilité des agrégats macroéconomiques était donc maintenue au prix d’un ajustement budgétaire sec. Les recettes publiques ont stagné à partir de 2016. Elles représentaient 7,4% du PIB en 2016, 6,6% en 2017 et 8,1% en 2017 contre 10,7% en 2014. Même si en 2018 la proportion s’était relevée à 10%, elle demeurait trop faible, se situant à 7,2 points en dessous de la moyenne de l’Afrique subsaharienne.

Tenter un changement brusque de la structure des dépenses publiques comportait donc un risque majeur que l’appui des institutions financières internationales ne pouvait pas atténuer de manière durable.

Le Président TSHISEKEDI devait aussi conduire la mise en place  du cadre institutionnel. Les élections de décembre 2018 avaient fait du FCC dont le Président sortant Joseph KABILA est le chef de file le regroupement politique majoritaire à l’Assemblée Nationale, au Sénat et dans toutes les assemblées provinciales.

Les deux présidents entrant et sortant ayant convenu d’une coalition entre les deux regroupements FCC et CACH, il revenait au nouveau Chef de l’État de conduire ce processus délicat qui consiste à construire des équilibres variés, mais aussi à imprimer le rythme aux différentes institutions pour que celles-ci fonctionnent selon l’horloge constitutionnelle tout en tenant compte des urgences politiques liées aux engagements politiques du nouveau Président et aux priorités nationales.

L’horloge constitutionnelle imposait la constitution du Gouvernement, le dépôt devant le Parlement d’un collectif budgétaire pour tenir compte des engagements du Président (programme des 100 jours, gratuité de l’enseignement de base, pacification des Kivus et de l’Ituri), sans oublier l’organisation interne du gouvernement, ainsi que l’installation des deux chambres du Parlement, des assemblées provinciales et des exécutifs provinciaux, etc.

Ce lourd programme découle de l’organisation simultanée des élections présidentielles, législatives et provinciales. Il devait en principe être mené au pas de charge parce que le peuple piaffait d’impatience. Malheureusement, l’expérience de 2007 n’a pas servi. En lieu et place de la célérité, on a plutôt observé les mêmes retards, les mêmes hésitations, les mêmes ratés.

De longs mois se sont écoulés avant la nomination d’un Premier Ministre (20 mai 2019), la formation du Gouvernement (26 août 2019), et son investiture par l’Assemblée Nationale (6 septembre 2019). Le Programme des 100 jours fut exécuté sans une loi rectificative des finances.

Pendant ce temps, sevrés par le pouvoir central qui avait cessé d’effectuer les transferts mensuels des frais de fonctionnement des assemblées et des exécutifs provinciaux, les provinces languissaient, excepté celles qui bénéficient de la redevance minière. La montée de l’insécurité urbaine dans le Haut Katanga, le Nord Kivu, et à Kinshasa est venue s’ajouter à la résurgence des affrontements intercommunautaires dans l’Ituri et les tueries sauvages dans le territoire de Beni.

A partir de juin 2019, les réserves de change avaient amorcé une tendance baissière. Et dès le dernier trimestre 2019, l’équilibre financier du Trésor était rompu. Les dépenses contraignantes (salaires, frais de fonctionnement, service de la dette) consommaient mois après mois l’essentiel des recettes publiques.

Le déficit budgétaire structurel était régulièrement financé par des avances de la Banque centrale, alimentant la dépréciation de la monnaie nationale. Il est évident que pour un bon démarrage de la « gratuité de l’enseignement de base », le Président de la République comptait sur un appui conséquent de la Banque mondiale. Le chiffre de 1,5 milliard USD avait été cité.

La Banque mondiale avait dépêché à Kinshasa une mission d’identification du projet. Mais, un tel apport financier de la Banque nécessitait le retour en programme avec le FMI. Le niveau alarmant des réserves de change au dernier trimestre 2019 nécessitait aussi un appui financier du FMI.

Un programme de référence (suivi par les services techniques du FMI sans être un programme formel) fut conclu permettant le décaissement en décembre 2019 de 368 millions USD au titre d’appui à la balance des paiements.

Cet appui était soumis à l’observance de plusieurs conditions, notamment : (1) la mobilisation de plus de recettes (rétablissement intégral de la TVA, suppression des exonérations, interdiction de la compensation des crédits d’impôts, retenue à la source de l’impôt professionnel (15%) sur la totalité des rémunérations des fonctionnaires, membres de cabinets ministériels et institutions politiques, le transfert au Trésor des fonds excédentaires des comptes spéciaux) ; (2) un  contrôle plus strict des dépenses publiques (plafonnement des dépenses des ministères et des institutions politiques, respect sans faille de la chaîne de la dépense publique, ajustement des dépenses relatives à la gratuité de l’éducation de base et au programme des 100 jours en fonction des ressources disponibles) ; (3) l’arrêt des avances de la BCC au Trésor et le remboursement d’une partie des avances déjà reçues ; (4) le renforcement de la stabilité financière (via la recapitalisation de la BCC et la révision de la loi bancaire) ; (5) l’augmentation conséquente des réserves en devises de la BCC (le FMI exigea même le « transfert des dépôts de change de la BCC non grevés dans des banques commerciales nationales sur des comptes bancaires de la BCC à l’étranger » ; (6) l’amélioration du climat des affaires.

La mise en œuvre d’un tel programme suppose l’existence d’un gouvernement fort, assisté par une administration publique dépositaire et championne des réformes. Il faut surtout un compromis politique solide. Ces conditions permissives ont toujours fait défaut en RDC, ce qui explique d’ailleurs la faiblesse des programmes macroéconomiques soutenus par les Institutions financières internationales depuis les années 1970.

Par ailleurs, d’importantes opérations militaires furent lancées dans le Nord Kivu, dans le but évident de pacifier Beni Ville et le territoire de Beni et annihiler les ADF et les autres groupes armés qui leur sont associés. Pourtant, l’instabilité à l’Est du pays est antérieure aux deux guerres que notre pays a connues entre 1996 et 2002.

Elle puise ses racines dans de vieilles frustrations de divers ordres que la présence des réfugiés rwandais et l’occupation armée du Nord Kivu, Sud Kivu, l’ex-province Orientale par les États voisins ont amplifiées. Les programmes Amani (résultant de la conférence de Goma de janvier 2008), STAREC (résultat de l’accord du 23 mars 2009), et l’initiative menée par la MONUSCO depuis 2009 n’ont eu que des effets éphémères.

S’il est vrai qu’il y a une dimension régionale à cette question (consacrée dans l’Accord-Cadre d’Addis Abeba de février 2013), il n’en demeure pas moins que cette question est d’abord une affaire nationale et elle n’est pas exclusivement militaire.

Au contraire, elle touche à plusieurs aspects liés aux contradictions entre le pouvoir coutumier et le pouvoir d’État, à la question de la nationalité congolaise, et à l’organisation administrative du pays (plus particulièrement la manière dont le pouvoir central et les provinces vivent la décentralisation).

Une plus large concertation nationale est indispensable pour emboiter les pièces du puzzle de l’Est du pays et un programme complet est indispensable car le seul pilier militaire est insuffisant.

Pour faire décoller une société, il faut veiller à la solidité et à la qualité de la rampe de lancement. Les ressorts internes doivent être capables de soutenir l’effort requis par le mouvement envisagé. Dans un ouvrage à paraître, je défends l’idée que c’est la capacité de l’État qui détermine le rythme et l’intensité du développement économique.

Je suis convaincu que c’est dans le processus de formation de l’État (qui implique l’évolution historique des institutions et la dynamique des relations entre les élites et les masses) que l’on appréhende mieux la relation entre la capacité de l’État et le développement économique.

Les Congolais se rappelleront de l’homélie du Pasteur François-David Ekofo le 16 janvier 2018. Du haut de sa chaire dans la Cathédrale du Centenaire Protestant, il s’était exclamé : « j’ai l’impression que [dans notre pays] l’État n’existe pas vraiment. » Pour l’opinion publique, cette critique acerbe était adressée au régime du Président Joseph KABILA.

A mon avis, Pasteur Ekofo dénonçait le caractère imparfait et discontinu de la formation de l’État congolais depuis l’accession du pays à l’indépendance. Il n’y a rien de mieux qu’une grosse crise pour statuer sur la capacité d’un État. La pandémie de la Covid-19 est une de ces grosses crises.

Le choc Covid-19…

Cette pandémie est un véritable test d’efficacité pour tous les États du monde. Face à l’incertitude et à la gravité de la situation, les États ont dû imaginer, créer, réagir, réorganiser, prévenir. Ce qu’un État est capable de faire face à l’incertitude et au danger dépend de la manière dont il est organisé, il fonctionne, et il mobilise l’attention des citoyens et leurs énergies.

La Covid-19 a montré son nez en RDC le 10 mars 2020. Le 18 mars, le Président TSHISEKEDI a annoncé les premières mesures. Le 30 mai 2020, la RDC comptait 3049 cas confirmés dans sept provinces. Le choc de la Covid-19 a mis à nu les défaillances institutionnelles qui caractérisent la RDC. Les factions politiques se sont déchirées sur la mise en œuvre des dispositions constitutionnelles relatives à l’état d’urgence.

La complexité de l’équipe de riposte mise en place en dehors du cadre administratif permanent n’a pas permis jusqu’à ce jour d’apporter l’éclairage nécessaire sur les questions principales qui se posent : (1) comment, quand, et à quel coût sera-t-il possible de décentraliser les cellules de dépistage afin d’accroître la capacité des tests et d’avoir ainsi une meilleure connaissance sur l’étendue des contaminations et leur répartition géographique ?; (2) quelles sont les dispositions prises pour la prise en charge efficace des cas graves devant être hospitalisés ?; (3) quand sera-t-il possible de desserrer les mesures restrictives qui ont paralysé l’enseignement, les cultes religieux, les déplacements entre les provinces, l’organisation des manifestations, les secteurs productifs ?

Selon les estimations de la Banque mondiale, le taux de croissance moyen des pays subsahariens devrait passer de 2,4% en 2019 à entre -2,1 et -5,1% en 2020. Pour la RDC, le taux de croissance économique pour 2020 a été revu à la baisse, passant de 3,2% à –2,2% (contre 4,4% en 2019).

Cette perte de près de 5 points de croissance est le résultat de la baisse brutale de la croissance dans les pays acheteurs de nos produits d’exportation (la Chine plus particulièrement), la baisse des cours des matières premières, la perturbation des circuits d’approvisionnement à cause de la fermeture des ports et de l’arrêt du transport aérien, et les effets des mesures de confinement sur la demande et l’offre intérieures.

Les effets sur la situation économique des ménages seront d’autant plus importants que la RDC est malheureusement dépendante de l’importation des produits alimentaires. Or, plusieurs pays ont déjà annoncé l’interdiction de l’exportation des produits alimentaires ou imposé des quotas. C’est le cas de la Russie (céréales) et du Vietnam (riz).

Même si ces mesures sont temporaires, elles auront un impact sur les marchés des produits alimentaires. Par ailleurs, les mesures de confinement actuellement en vigueur vont certainement perturber l’approvisionnement des agriculteurs en intrants. Par ailleurs, la combinaison de la dépréciation du Franc congolais et de l’augmentation subséquente des prix des produits de première nécessité affectera sensiblement les ménages les plus vulnérables.

Il faut donc juguler la crise économique que la pandémie est en train d’intensifier. Il est d’autant plus urgent de le faire que cette crise vient se superposer sur la crise sécuritaire dans les provinces du Nord Kivu, Sud Kivu, Ituri, Haut Uélé, et Tanganyika.

Et la crise sécuritaire cache une crise alimentaire aigüe. Selon les analyses du Programme Alimentaire Mondial, 15,6 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire sévère, critique ou catastrophique. C’est dans les provinces de l’Est et dans les Kasaï que l’on dénombre le plus grand nombre de ces personnes.

Pour faire face aux effets négatifs de la pandémie à Coronavirus et maintenir l’élan de l’alternance, il faut agir, agir vite, agir efficacement. Le champ pour l’action est toutefois fort rétréci. Sur le plan économique, l’espace budgétaire est quasi inexistant et le champ d’application de la politique monétaire rétréci. La situation financière de l’État s’est davantage détériorée à cause des effets négatifs de la Covid-19.

Dans le Rapport soumis par les services du FMI au Conseil d’administration de cette institution pour l’octroi d’une assistance financière urgente dans le cadre de la Facilité de Crédit Rapide (FCR), la baisse des recettes publiques a été estimée à 749 milliards CDF, l’augmentation des dépenses publiques à 166 milliards CDF, et la baisse des ressources via les bons de Trésor à 57 milliards CDF, soit un trou dans le budget de l’équivalent de 531 millions USD.

L’appui du FMI sous la FCR (363,27 millions USD) va certainement aider mais, dans la durée, la réussite repose sur l’amélioration de la collecte des recettes publiques. Si les délais de mise en œuvre des réformes attendues pour ce faire sont longs, le statu quo demeurera la règle.

Maintenir l’élan…

Toute tentative d’accélération se bute en RDC à un mur. C’est sur ce mur que viennent se fracasser tous les plans et toutes les intentions de plans. Les ambitions devraient avoir pour socle un corpus administratif veillant jalousement sur la bonne santé de l’économie, un appareil judiciaire dressé pour rappeler sans cesse l’ordonnancement régulier de la société, et une société civile engagée pour transformer le bon potentiel en richesses.

Or, décapitée depuis des décennies, l’administration publique a perdu ses caractères de méritocratie et de technocratie. L’appareil judiciaire doit encore retrouver ses marques. La société civile doit se dégager de l’emprise des bailleurs de fonds extérieurs et des intérêts politiques.

Quant à l’économie nationale, pour paraphraser les experts de la Banque Chinoise de Développement, elle «  ressemble à une voiture en panne qui compte sur des forces externes pour redémarrer. »

 Le mur qui assassine les ambitions politiques en RDC est constitué de deux couches qui sont les principaux maux de l’économie et de la société congolaise : (1) la très faible capacité de l’Etat à prélever les ressources publiques (avec une administration fiscale dispersée et à faible rendement, une base fiscale trop étroite, la pression fiscale est restée dans la fourchette de 5 à 13% du PIB au cours des deux dernières décennies) ; et (2) la très faible propension du Gouvernement à la planification stratégique à long terme (aucun plan stratégique de développement depuis 1960).

Ces deux couches concernent à la fois la relation entre l’État et la société et la manière dont l’État est organisé pour assumer les charges d’organisation de la société. Les ressorts d’une croissance économique durable sont cassés depuis les années 1960.

Les structures économiques héritées de la colonisation sont restées inchangées : un secteur industriel produisant pour le marché extérieur  et un secteur manufacturier produisant des biens de consommation pour le marché intérieur mais dépendant des matières premières importées.

Un grand effort de normalisation de l’État est donc nécessaire. Il n’y aura point de salut en dehors de ce grand chantier.

Dans l’immédiat, travaillons pour sortir le plus tôt possible des tenailles de la Covid-19. Le Gouvernement devrait déjà se munir d’un plan pour : (1) redémarrer l’économie nationale ; (2) consolider la stabilité des institutions, la sécurité nationale, et la cohésion nationale ; et (3) jeter les bases d’un nouveau processus de développement socioéconomique.

Prof. Daniel MUKOKO Samba, économiste 

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