Tous les signaux sont au rouge. Point n’est besoin d’être expert pour en admettre l’évidence.
Premier signal majeur – la dilapidation de la masse budgétaire trouvée dans le Trésor public et héritée du régime sortant, masse affectée en priorité au financement des programmes plutôt consommateurs que générateurs des recettes budgétaires. Cas de la gratuité généralisée de l’éducation, du programme de couverture sanitaire universelle et de la construction mal planifiée des sauts-de-mouton. Tous ces programmes sont mis en bémol face à la réalité du terrain. En plus de cela, force est de constater que les voyages effectués en Europe et en Amérique, qui devraient rapporter des milliards qui seraient injectés dans l’économie gardent plutôt un contenu touristique.
Conséquence : pour faire face à tous les besoins qu’il s’est volontairement et inutilement créés, le président de la République est obligé, bien malgré lui, à miser sur la planche à billets, pratique réputée inflationniste.
Deuxième signal majeur : création des structures budgétivores au cabinet du président de la République. Agences, cellules, etc. fonctionnant dans des ministères y sont carrément dédoublés.
Troisième signal majeur : baisse drastique des réserves de change garantissant les importations. Au moment de la passation des pouvoirs entre le président entrant et le président sortant, elles couvraient un mois. Fin 2019, elles ne couvraient plus que deux semaines.
Quatrième signal majeur : rétrécissement des recettes budgétaires. Avant même l’apparition du Coronavirus, le Gouvernement tire la sonnette d’alarme, et avec lui la société civile. Lorsque, d’ailleurs, le ministre des finances publie le plan de trésorerie, il est pris à partie par les proches du chef de l’État qui l’accusent ouvertement de sabotage. Pourtant, José Sele Yalaghuli ne fait rien d’autre qu’appliquer les recommandations du Fmi dont le concours a été sollicité formellement par le président Tshisekedi lors de son premier séjour à Washington. En témoigne, cette déclaration de Philippe Egoume, représentant résident du FMI en RDC selon laquelle « Pour ne pas arriver à une situation où les dépenses sont plus élevées que les recettes collectées, le FMI souhaite que le Gouvernement prépare un Plan de trésorerie et que le Plan d’engagements soit calé sur le plan de trésorerie. Cela a l’avantage de s’assurer que les dépenses soient effectuées en fonction des recettes disponibles ».
Cinquième signal majeur : collectif budgétaire. Dès l’annonce du budget de USD 10 milliards pour l’année 2020 majorés même d’un milliard pour atteindre USD 11 milliards, experts congolais et étrangers sont unanimes quant à l’impossibilité d’atteindre ce résultat dans le contexte particulier d’une RDCongo dont l’économie, depuis 60 ans, reste non seulement extravertie, mais de plus en plus exsangue, et encore avec une population déconnectée des obligations fiscales par Mobutu alors que la Constitution l’oblige, à son article 65, de s’en acquitter.
L’informel ayant pris le dessus sur le formel, les recettes fiscales et douanières ne sont pas faciles à collecter. Le contexte est aggravé par deux phénomènes : la corruption rampante d’un côté, et l’insécurité ambiante de l’autre, l’une favorisant l’autre au point d’affecter tous les compartiments de la vie politique, économique et sociale.
Pris à son propre piège?
Dans ma vie de journaliste au début des années 1990, j’ai eu à couvrir les événements du Zaïre de l’époque, lorsque le vent de la démocratisation soufflait sur le continent africain.
L’Udps, Parti d’opposition, a fondé sa lutte politique sur l’arme redoutable de la paralysie de l’économie impliquant l’industrie, le commerce, la monnaie et les finances. Sa politique de non-violence, elle l’a circonscrite dans le non-recours à la voie armée. Il l’a substituée à celle de la crise économique impactant directement la crise sociale : grèves sauvages sous couvert des journées villes mortes, thésaurisation de la monnaie nationale, appel à la suspension de la coopération structurelle, appel à l’isolement diplomatique, soutien ouvert à des rapports des ONG des droits de l’homme au détriment des autorités en place, incitation des « combattants » à rendre le pays ingouvernable avec pour finalité la détérioration continue du climat des affaires.
L’Udps/Parti d’opposition a adopté une forme de lutte politique ayant consisté à tirer tout par le bas, comme si sa vocation était de rester éternellement à l’opposition. Et d’ailleurs, la base ne s’est toujours pas réalisé que leur Parti est désormais au pouvoir.
Ces quelques exemples parlent : en 1993, le parti décide de saboter la réforme monétaire initiée par un de ses cadres devenu Premier ministre sous Mobutu au détriment d’Étienne Tshisekedi : Faustin Birindwa. A peine lancé, le Nouveau Zaïre sombre.
En 1998, Laurent-Désiré Kabila lance le Franc congolais. L’Udps participe au sabotage.
En 2016 et en 2017, ce parti tourne en dérision les Premiers ministres issus de ses rangs, en l’occurrence Samy Badibanga et Bruno Tshibala. Sous le premier, le dollar va de 900 Francs à 1.350 Francs. Sous le second, il atteint la barre de 1.720 Fc.
Effet boomerang?
A la date du 25 janvier 2019, lorsque Joseph Kabila quitte le Palais de la Nation après la cérémonie de remise-reprise avec son successeur Félix Tshisekedi, le dollar s’échange autour de 1.640 franc congolais avant de chuter brusquement à 1.300 fc, puis de se livrer à cette étrange « remontada » l’amenant à frôler, 16 mois après, 1.900 fc ! Dans le contexte politique, économique et social actuel, peu sont les chances d’une appréciation pouvant le ramener à son niveau de janvier 2019. Au contraire, le cap de 2.000 francs pour 1 USD sera bientôt atteint. Voire dépassé. Cela aura comme conséquence, la perte du pouvoir d’achat dans un pays où tout est coté en dollars US, du prix des denrées alimentaires au loyer locatif en passant par le transport en commun. Il y a lieu de craindre que la rentrée scolaire de Septembre ne se fasse dans la douleur comme jamais auparavant.
Ironie du sort : à la base de la dollarisation de l’économie nationale depuis les années 1990, le pouvoir assiste aujourd’hui, impuissant à la dépréciation continue du dollar.
Ainsi, longtemps manipulé par l’Udps/Opposition, le « roi » dollar se venge de l’Udps/Pouvoir au grand dam de la population.
Prof. Barnabé Kikaya Bin Karubi