Treize organisations (RECIC, ODEP, OCIDC, UNIS Congo, CDC, LUCHA, FILIMBI, OEARSE, Ressource Matters, Congo Nouveau, PPLAAF, ACIDH, Afrewatch), agissant sous le Collectif « Le Congo n’est pas à vendre », demandent au chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, de « confirmer » que le contrat de passeport avec la firme Belge Semlex « ne sera pas renouvelé et de publier sans délais les informations sur la procédure de passation de marché ».
« La campagne “Le Congo n’est pas à vendre” demande au Président de la République ainsi qu’au Ministère des Affaires Étrangères de la RDC de confirmer que le contrat ne sera pas renouvelé et de publier sans délais les informations sur la procédure de passation de marché. Par ailleurs, nous demandons à la justice congolaise d’ouvrir une enquête pour corruption, abus de pouvoir ou autres délits envers les personnes impliquées dans les négociations du contrat de 2015 », rapporte le communiqué signé ce mercredi 13 mai par ces organisations.
Cet appel intervient alors que, dans le cadre de la campagne de lutte contre la corruption, 51 citoyens congolais se sont constitués partie civile le vendredi 8 mai 2020 dans l’enquête judiciaire en cours en Belgique contre la société SA Semlex Europe. Le Réseau Panafricain pour la Lutte contre la Corruption (UNIS), la Fédération Internationale pour les Droits Humains et la Ligue des droits humains ont également déposé plainte dans le cadre de la même affaire.
SA Semlex Europe est sous enquête en Belgique pour le deal controversé concernant la fabrication de passeports biométriques congolais. Selon l’agence de presse Reuters, l’enquête porte sur d’éventuels faits de corruption et de blanchiment d’argent.
« ‘’Le Congo n’est pas à vendre’’ exhorte la justice belge à poursuivre l’enquête jusqu’au bout afin que les éventuelles pratiques de corruption soient sanctionnées. Elle demande au gouvernement congolais de ne renouveler sous aucun prétexte ce contrat qui arrive bientôt à expiration », ajoute le communiqué.
Rappelons qu’à $185, le passeport congolais est parmi les plus chers au monde. Sur ce montant, $60 sont réservés à une société écran dénommée LRPS, qui serait détenue par un membre de la famille de l’ex-Président Joseph Kabila, selon des documents consultés « Le Congo n’est pas à vendre » et des sources proches du dossier. Par ailleurs, selon Reuters, $700.000 auraient été versés par des sociétés proches de Semlex sur des comptes d’Emmanuel Adrupiako, l’assistant financier de Joseph Kabila, et ce dans les mois suivants la signature du contrat en 2015. A ceci s’ajoutent toutes les tracasseries auxquelles les congolais font face lorsqu’ils souhaitent obtenir leur document de voyage dans les délais raisonnables. Ainsi, la somme effectivement payée pour un passeport peut largement dépasser les 185 dollars prévus par la loi.
« Ce sont nous, les citoyens congolais, qui payons le prix de ces négociations secrètes au sommet de l’État, » dit Fred Bauma, un des citoyens congolais qui s’est constitué partie civile. “Nous dépensons bien plus que tous les pays limitrophes de la RDC pour notre passeport. Nous voulons que la justice belge lève le voile sur ce dossier et sanctionne tout individu ou entreprise qui s’avère coupable de corruption.”
« Avec plus de 600.000 passeports vendus depuis l’entrée en vigueur du contrat Semlex, la société écran suspecte pourrait avoir encaissé plus de $36 millions de dollars », selon ces organisations.
Le président de la République avait promis qu’il reverrait à la baisse le prix du passeport,” rappelle Floribert Anzuluni, coordonnateur du mouvement citoyen Filimbi dont plusieurs membres se trouvent sur la liste des parties civiles. “Nous y tenons. Or jusque-là, nous attendons toujours,” souligne-t-il.
Du côté de Semlex, l’on qualifie ces allégations de “dénigrement calomnieux” et l’on soutient que le contrat est bénéfique pour le pays car “les infrastructures locales sont données gratuitement au pays concerné.”
La RDC avait conclu le 11 juin 2015 un contrat avec Semlex pour la fourniture des passeports biométriques. Ce contrat de 5 ans arrive à échéance le 11 juin 2020. Etant un contrat BOT, la RDC devra bénéficier de toutes les infrastructures de production des passeports au terme de ce deal.
Amédée Mwarabu