La crise sanitaire de la pandémie au Coronavirus est venue bousculer davantage le cadre macroéconomique de la République démocratique du Congo qui était déjà fragile au début de l'année 2020, suite aux pressions exercées sur le marché des biens et services et celui des changes.
La faible mobilisation des recettes publiques avec son corollaire, les avances monétaires de la Banque centrale du Congo pour financer les déficits budgétaires, ont occasionné une expansion de la masse monétaire sur le marché de change avec comme conséquence le décrochage du franc Congolais dès novembre 2019 et l'inflation des prix des biens et services.
Et depuis, la monnaie nationale ne cesse de se déprécier face au dollar américain. La Banque centrale du Congo (BCC) indique que le Franc Congolais a perdu 6,8% de sa valeur durant les quatre premiers mois de l'année contre 2,3% sur l'ensemble de l'année 2019.
Le Franc Congolais se change sur le marché de Kinshasa autour de 1850 le dollar américain. Une situation qui met en mal les opérateurs économiques, tous secteurs confondus en cette période de Coronavirus.
DESKECO.COM a approché un opérateur économique, Jean Baptiste Okonda. Il est entrepreneur et chef d'entreprise. Il tient plusieurs établissements "KinTacos", spécialisés dans le fast-food, dans la ville de Kinshasa. Cet entrepreneur ne cache pas que la dépréciation du franc Congolais impacte directement le business.
"La dépréciation du franc congolais face au dollar Impacte directement les revenus du business, sous plusieurs optiques. Il y a d'abord l'optique sociale dans laquelle on prend en considération la crise. Les employés ne sont pas payés ou plutôt ils voient leurs salaires ou pouvoir d'achat diminuer. Les consommateurs orientent immédiatement leurs choix vers ce qui est essentiel et vital. Cela a un lien direct avec le volume de nos ventes. Les corollaires sont principalement l'accroissement du taux de chômage. Plusieurs personnes qui travaillent dans les PME perdent leurs emplois. D'autre part, il faut considérer que notre économie est totalement extravertie et nous avons besoin de devises étrangères pour importer des biens et autres intrants qui ne sont malheureusement pas produits localement. Cette quête de trouver des devises nous oblige à réunir plus de francs congolais pour moins de dollars par exemple", a confié Jean Baptiste Okonda à DESKECO.COM.
Avec la dépréciation du Franc Congolais tout opérateur économique est tenté d'augmenter les prix de vente pour ne pas perdre de l'argent. Cependant, à l'ère de cette pandémie, le pouvoir d'achat de la population est aussi frappé.
"Nous sommes normalement obligés d'augmenter les prix mais face à un pouvoir d'achat de plus en plus réduit des consommateurs, on ne peut se le permettre. La fatalité est que soit nos bénéfices diminuent sensiblement soit carrément on enregistre des pertes qui occasionneraient la fermeture complète des activités", se désole cet entrepreneur.
La Banque centrale, dans le cadre des solutions pour stabiliser le Franc Congolais, a conseillé le gouvernement de mettre fin aux déficits budgétaires successifs et d'aligner ses dépenses aux recettes disponibles. Durant les quatre premiers mois de l'année, le Trésor public a enregistré 620 milliards FC de déficit, en cumul, financé en partie par la planche à billets.
Pour autant, cet opérateur économique attend principalement du gouvernement la maîtrise de cette crise sanitaire afin de permettre une reprise normale des activités.
"Les solutions que nous attendons sont premièrement la maîtrise de cette situation de covid-19 qui handicape réellement les activités. Le plus grand moteur de la croissance à mon avis est la croissance et la diversification de la production intérieure, une décision qui relève de la politique économique du gouvernement", soutient Jean Baptiste Okonda.
La RDC a connu son premier cas de contamination au Coronavirus le 10 mars. A ce jour, soit deux mois après, le pays a franchi le cap de 1000 cas confirmés. Face aux effets néfastes de la covid-19, le gouvernement de la République a pris, le 27 mars dernier, un train de mesures pour soutenir les sociétés et les ménages par des exonérations et autres suspension des impôts et taxes. Visiblement, ces mesures ne sont pas suffisantes pour assurer une bonne marche des activités économiques surtout quand il y a une forte dépréciation de la monnaie nationale.
Stany Bujakera