Vivement un Congrès pour aborder les vrais problèmes socioéconomiques des Congolais (Tribune de Jo Sekimonyo)

Congrès
PAR Deskeco - 21 avr 2020 10:40, Dans Analyses

Le Congrès indique une réunion d'adversaires qui, à travers des débats, fait des lois qui influencent notre quotidien. Le pouvoir de cette institution repose sur sa capacité à mener des enquêtes et études pour surveiller le pouvoir exécutif. Sa noblesse est dans son devoir de faire entendre la voix du peuple et des provinces au sein du gouvernement central. Dans un pays où toutes les politiques et mesures sociales et économiques sont toutes importées, et les très mauvaises sont aveuglément bien mises en œuvre, tandis que les bonnes sont récupérées tardivement et mal déployées, le Congrès est de surcroit le gardien politique du bon sens dans l'exécution des aspirations sociales et des besoins économiques des gens. Pourquoi le ciel n'est-il pas tombé lorsque la Cour constitutionnelle a mis fin au profit du président de la République à la nouvelle vague de querelles politiques déclenchée par le Congrès ?

Il y a deux facteurs importants qui poussent les congolais à se soucier le moins des perspectives d'objections du Congrès à l'état d'urgence et des limites qu’il imposerait aux mesures prises par le président de la République.

Tout d'abord, d'un point de vue social, autant le vote par liste a éloigné l’Assemblée nationale de plusieurs couches de la population, autant le vote indirect a rendu le Sénat complètement  détaché du peuple. Comment pouvez-vous faire confiance à quelqu'un pour légiférer, représenter le peuple, superviser l'exécutif, aider les électeurs et éduquer le public lorsqu'ils obtiennent cette noble responsabilité de l'une des manières les plus vagues et indirectes ? Et ensuite, le prétexte du Congrès pour se réunir était vide de toute tentative de créer ou de prendre des mesures sociales et économiques qui allègeraient les chocs financiers que les congolais endurent et subiront plus indignement. La passivité du gouvernement reste constante en raison que les implications de la crise mondiale de Covid-19 sont multisectorielles.

Et ensuite, le côté économique ; le Front Commun pour le Congo semble n’avoir pas compris que la validité de l'état d'urgence actuel ne repose pas sur la légalité judiciaire. Plutôt, cette dynamique est assurée par le consensus national selon lequel le peuple en a marre des négociations entre cliques politiques sur l'accès aux caisses de l’état pour des gains personnels. En vérité, c’est une accord national implicite de tolérer la mise de côté de nombreuses limites légales à l'autorité présidentielle pour mettre le président Felix Tshisekedi à l'épreuve après ses plaintes répétées de manière explicite soi-disant que son équipe serait entrain de produire bien plus des miracles économiques pour le peuple si Le Front Commun pour le Congo qui contrôle le Congrès ne se mettait pas constamment sur son chemin pour bloquer ses initiatives. De ce fait, le président doit être prudent ; l'état d'urgence est un couteau politique à double tranchant.

Concernant ma contribution à son succès, comme tout citoyen congolais dégoûté par l'état actuel de la nation et l'humiliante routine des congolais, l'une des premières étapes devrait être de confisquer tous les badges de Covid-19 que brandissent des créatures sans aucune indication de comprendre l'implication de leurs actions au niveau national et international. Faut-il constamment rappeler qu’il ne s'agit pas seulement de lancer une offensive pour diluer le risque sanitaire de Covid-19 à Kinshasa ? Il y a d'autres aspects à ce monstre.

Les Congolais attendent depuis des mesures économiques et sociales mûrement réfléchies qui briseraient l'humiliation quotidienne et transformeraient la nation en une économie de  haute valeur. Il faut remettre à la page la RDC en ce qui concerne comment faire la politique. La conquête du pouvoir vise à enrichir les habitants de votre circonscription ou vos concitoyens au lieu de mentir, tricher, menacer les gens de votre circonscription ou nation enfin d'acquérir ou de préserver une illusion d'opulence.

La taille géographique et la population de la Chine signifient que les analystes du tiers monde perdent le fil de leurs pensées en disséquant son énorme bond économique. A juste titre, une nation comme la RDC devrait plutôt tourner son attention sur le Vietnam. En 1986, cette nation a lancé une campagne de renouveau politique et économique « Doi Moi » qui a introduit des réformes qui combinaient des projets stratégiques dans le secteur public avec des encouragements d’entreprenariats dans le secteur privé. Le Vietnam avait misé avec d'importants investissements publics sur la qualité à tous les niveaux de leurs systèmes d’enseignement. Leurs gouvernants l'ont compris, car une population croissante signifie également un besoin croissant d'emplois. Toutefois, il s'agissait d'efforts concertés pour accroître les produits et services exportables plutôt que de se concentrer sur l'agriculture.

Pour illustrer un contraste, au début des années 1990, le Vietnam avait accepté certains avis de réforme de la Banque mondiale pour la libéralisation du marché, mais avais catégoriquement rejeté les programmes d'ajustement structurel et le financement d'aides conditionnelles nécessitant la privatisation des entreprises publiques. De notre côté, nous avons accepté les deux. Où nous en sommes maintenant ?

Aujourd'hui, le Vietnam est une économie émergente avec une population de 97 338 578 habitants, un PIB de 261,637 milliards de dollars (nominal, est 2019) et 770,227 milliards de dollars PPA (est 2019). Pendant qu’en RDC les fonds de connexion à la fibre optique ont été détournés, le Vietnam a investi massivement dans les infrastructures, garantissant un accès de masse bon marché à Internet. Et la mise en place d'une infrastructure informatique solide est une préparation essentielle pour le monde post-capitaliste. Son PIB par habitant était à peine de 230 dollars en 1985, il était rapporté à 2 739,82 dollars (plus de dix fois) en 2019.

La clé pour comprendre le mécanisme de croissance économique du Vietnam est en ce qui est importé le plus. En 2019, ses principales importations sont les circuits intégrés (15,6 milliards de dollars), les téléphones (10,2 milliards de dollars), le pétrole raffiné (7,23 milliards de dollars), les pièces électriques (4,69 milliards de dollars) et les tissus tricotés caoutchoutés légers (4,51 milliards de dollars). C’est ainsi que son économie a pu cracher des machines électriques - 117,2 milliards de dollars (40,4% des exportations totales), des vêtements - 22,7 milliards de dollars (7,8%), des machines, y compris des ordinateurs - 15,9 milliards (5,5%), meubles, literie, éclairage, enseignes, bâtiments préfabriqués - 9,8 milliards de dollars (3,4%) et appareils optiques, techniques et médicaux - 6,2 milliards de dollars (2,2%). A vous de faire le tableau de ce que la RDC importe le plus pour avoir une certaine idée de l’inaptitude ou l’impertinence du congolais (je dis bien congolais et non la RDC) dans le commerce mondial.

Plus que l'agitation romantique des petites boutiques et des scooters, j'apprécie que le Vietnam ait particulièrement réussi à rendre son processus de croissance économique plus inclusif et de ce fait durable. Pendant que le Vietnam sera certainement touché par la crise mondiale de Covid-19, contrairement à la RDC, il peut toujours compter sur sa propre classe moyenne croissante pour donner le prochain coup de pouce à la croissance. La RDC peut-elle devenir le prochain Vietnam ? Eh bien, on doit le devenir ; on n’en a pas le choix.

Une suggestion extrême mais qui mérite d'être examinée devrait être, le président de la République devrait être en mesure de ne pas autoriser le Congrès à se réunir sans lui présenter a priori un agenda qui regorge de sujets abordant de vrais problèmes sociaux et économiques congolais comme la réforme de notre système bancaire, redéfinir les prérogatives du FPI, limiter la taille du pouvoir exécutif, le démantèlement de la moitié des agences publiques existantes, etc.

Dès à présent, les politiques sociales et économiques tiennent compte ou visent des secteurs à haute valeur d'expansion nationale et internationale. Ceci sera un écosystème qui engendrent des rôles et des opportunités qui permettent à de plus en plus de congolais d'acquérir le pouvoir d'achat pour consommer des biens et des services de haute valeur. Au lieu d'embrasser un diktat venant de l'extérieur ou se maquiller pour être séduit par des gangs des malfrats internationaux, les congolais doivent accepter et embrasser le tourment du processus de murir, à un rythme et de manière en constante augmentation pour que les générations à venir jouissent pleinement de tous les privilèges d’être humain : un salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) universellement décent, les moyens de participation de haute qualité dans une entreprise moderne, l'incertitude de l'emploi quasi inexistante, et surtout, une retraite financièrement louable.

Pour des raisons au-delà de l’état d’esprit malsain de la plupart des femmes et hommes qui entourent le président de la République et dans l’Exécutif, il en va de même pour le Congrès, sans même y ajouter l’idéologie de politique économique à adopter par tous, il est utopique de penser que le président Felix Tshisekedi peut nous y faire arriver. Il faudra une génération entière pour réaliser cette transformation sociale et économique. Cependant, tout comme le plus long voyage commence par le premier pas dans la bonne direction, le président devrait user de l'état d'urgence pour le démarrer, dans la bonne direction, sans se compromettre. Sans quoi, pire que le FCC et LAMUKA qui sont à ce jour étourdis, le ciel va bientôt lui tomber sur la tête.

Jo M. Sekimonyo

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