Dans sa déclaration du 20 avril portant sur la critique sur l’ordonnance n°23/013 du 17 avril portant création de l’Agence de prévention et de lutte contre la corruption, le député national Delly Sesanga, après avoir démontré que cette structure était en réalité un « parquet extraordinaire » sous la tutelle de la présidence de la République en violation de la constitution, a demandé carrément au chef de l’Etat de « rapporter » cette ordonnance.
En revanche, le président de l’Envol opte plutôt pour le renforcement du pouvoir judiciaire dans la lutte générale contre la corruption. Ce fléau, à en croire Delly Sesanga, n’épargne aucune institution même la présidence de la République. Une raison de plus de ne pas mettre sous la tutelle du cabinet du président de la République une agence de lutte contre la corruption.
« La Présidence de la République n'échappe pas à la règle. Plusieurs scandales de corruption y trouvent le théâtre d'opération. L'affaire des 32 millions USD de la SNEL en 2006, les obstructions récentes des enquêtes de l'Inspection générale des finances (IGF) par le Cabinet du Président de la République dans l'affaire dite des 15 millions USD sur la structure des prix des produits pétroliers (2019) ainsi que les affaires en cours d'instruction démontrent que la Présidence de la République est loin d'être le temple de la vertu, elle est comme toutes les autres institutions frappées par ce fléau », rappelle Delly Sesanga dans sa déclaration.
Dès lors, il suggère de tirer les leçons des expériences passées « pour définir une politique plus large, conforme à la constitution dans un cadre législatif exhaustif, cohérent et évolutif, au carrefour de tous les enjeux juridiques et techniques de la lutte contre la criminalité financière ».
C’est dans cet ordre d’idées qu’il propose 4 réformes majeures pour renforcer le pouvoir judiciaire dans la lutte contre la corruption, tout en sachant que la justice congolaise est elle-même rongée par la corruption.
Ainsi, il propose :
1. La première réforme consiste dans la spécialisation des magistrats dans la traque de la corruption et la criminalité économique et financière. L'option d'un parquet financier pourrait s'avérer lourde à déployer directement. Dans l'immédiat, je suis favorable, à la création au sein du parquet général de la République près la Cour de cassation, avec des relais dans les parquets généraux, d'un Pôle financier composé des magistrats spécialisés et dédiés à traquer cette délinquance subtile et complexe. Progressivement, avec l'expérience, ce pôle peut évoluer vers la constitution d'un parquet financier stricto sensu. A la spécialisation des magistrats, il y a lieu de joindre des experts recrutés et placés auprès d'eux, dans les conditions prévues par la loi, pour appuyer leur action.
2. La deuxième réforme concerne la modernisation des procédures de poursuite en les rendant plus rapides et dissuasives. II y a lieu d'envisager des mécanismes spécifiques d'enquête, de jugement jusqu'à l'exécution des peines prononcées. Les garanties juridictionnelles des justiciables conçues dans les matières spéciales telles que la procédure fiscale, douanière, la réglementation de change doivent être préservées. L'objectif de la lutte contre la corruption ne devrait pas devenir le prétexte à l'anéantissement des garanties conçues dans le cadre de l'amélioration du climat des affaires, sujet sur lequel il reste encore d'importants efforts à accomplir.
3. La troisième réforme concerne le spectre des Infractions visées dans la lutte contre la corruption. Notre loi pénale saisit-elle tous les comportements assimilables à la corruption et les sanctionne-t-elle justement ? A cet égard, il y a lieu d'examiner la situation des infractions de corruption, du trafic d'influence, du détournement des deniers publics et des organismes publics, de la fraude fiscale, à la réglementation de change, le blanchiment des capitaux ainsi que le recel de ces infractions.
4. La dernière réforme porte sur la création du statut de lanceur d'alerte et sa protection légale ainsi que du statut de repenti pour mieux assoir la dissuasion ainsi qu'une politique efficace de recouvrement et de récupération des actifs issus de la Corruption.
Delly Sesanga est député national de la circonscription de Luiza dans la province du Kasaï Central. Il est président de l'Envol, un parti politique de l'Opposition.
Amédée Mwarabu