Des considérations juridiques de la détention provisoire de Vital Kamerhe (Tribune de Me Pathy Kembo)

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PAR Deskeco - 21 avr 2020 16:06, Dans Actualités

CONSIDERATIONS JURIDIQUES

A.      DE LA PROCEDURE PENALE MENEE PAR LE PARQUET.

Le Vice-premier Ministre, Ministre de la Justice et Garde des Sceaux, alors que toutes les institutions et entreprises publiques et privées ont leurs sièges sociaux dans la commune de la Gombe, a choisi le Parquet Général près la Cour d’Appel de Kinshasa/Matete qui a ouvert directement un dossier sous le n° RMP (Registre du Ministère Public) au lieu du n° R.I (Réquisition d’Information).

Ouvert sous le n° RMP 2538/PG.023.b/KAM/2020, le magistrat en charge de l’instruction du dossier, après avoir mandé certaines personnes à se présenter aux actes d’instruction, lancera une 1ère invitation à destination de Monsieur Vital KAMERHE LWA KANYIGINYI NKINGI en sa qualité de Directeur du Chef de l’Etat en date du 04 avril 2020 pour se présenter le 06 mars 2020. Cette invitation renseignait que le directeur de Cabinet du Chef de l’Etat était invité pour une communication relative à l’instruction du dossier judiciaire RMP 2538/PG023.b/2020/KAM ouvert au sujet des travaux de 100 jours du Chef de l’Etat.

Suite à l’erreur matérielle contenue dans l’invitation pré rappelée, le même Parquet cette fois-ci, sous la signature du Procureur Général titulaire, Monsieur KISULA BETIKA Adler, émettra une 2ème invitation en date du 06 avril 2020 pour la comparution en date du 08 avril 2020, l’objet de l’invitation demeurant le même.

Cette invitation a été déposée à la Présidence de la République mais non à la résidence de Monsieur Vital KAMERHE LWA KANYIGINYI NKINGI comme pour dire que c’est l’institution Président de la République qu’il représente, qui faisait l’objet des enquêtes.

Reçue à la Présidence en date du 07 avril 2020, l’invitation a été exécutée par le Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat qui se présenta à l’Office du Procureur Général le 08 avril 2020 à 13 heures comme lui indiqué dans l’invitation.

Mais devant le magistrat instructeur en lieu et place de la communication qu’il devrait recevoir, le Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat a été transformé en inculpé sur le champ sans que sa hiérarchie, le Chef de l’Etat ne soit informé.

Non seulement qu’il a été transformé en inculpé sur le champ, le Parquet est allé plus loin en plaçant le Directeur de Cabinet du chef de l’Etat sous mandat d’Arrêt provisoire privant ainsi le Chef de l’Etat des services de son collaborateur n°1. Au motif de ce mandat d’arrêt provisoire, le parquet évoque les raisons de confrontation avec d’autres personnes et qu’il existerait des indices sérieux de culpabilité.

Il sera noté que ce motif est étranger aux articles 27 et 28 du code de procédure pénale qui disposent respectivement :

Article 27 : « L'inculpé ne peut être mis en état de détention préventive que s'il existe  contre lui des indices sérieux de culpabilité et qu'en outre le fait paraisse  constituer une infraction que la loi réprime d'une peine de six mois de servitude pénale au moins. Néanmoins, l'inculpé contre qui il existe des indices sérieux de culpabilité peut être mis en état de détention préventive lorsque le fait paraît constituer une infraction que la loi punit d'une peine inférieure à  six mois de servitude pénale, mais supérieure à sept jours, s'il a lieu de craindre la fuite de l'inculpé, ou si son identité est inconnue ou douteuse ou si, eu égard à des circonstances graves et exceptionnelles, la détention préventive est impérieusement réclamée par l'intérêt de la «sécurité publique. » ;

Article 28 : « La détention préventive est une mesure exceptionnelle. Lorsqu'elle est appliquée, les règles ci-après doivent être respectées.  Lorsque les conditions de la mise en état de détention préventive sont réunies, l'officier du ministère public peut, après avoir interrogé l'inculpé, le placer sous mandat d'arrêt provisoire, à charge de le faire conduire devant le juge le plus proche compétent pour statuer sur la détention préventive. Si le juge se trouve dans la même localité que l'officier du ministère public, la comparution  devant le juge doit avoir lieu, au plus tard dans les cinq jours de la délivrance du mandat d'arrêt provisoire.

Dans le cas contraire, ce délai est augmenté du temps strictement «nécessaire pour effectuer le voyage, sauf le cas de force majeure 01 celui de retards rendus nécessaires par les devoirs de l'instruction. À l'expiration de ces délais, l'inculpé peut demander au juge compétent sa mise en liberté ou sa mise en liberté provisoire. Dans les cas prévus à l'article 27, alinéa 2, le mandat d'arrêt provisoire spécifie les  circonstances qui le justifient ».

1- De la violation des lois par le Parquet.

En considération du statut politique de Monsieur Vital KAMERHE, le Parquet n’aurait pas procéder comme il l’a fait.

a)      De la ruse dans le chef des magistrats KUSULA et KALUILA pour contourner certains obstacles juridiques.

Sachant très bien que Monsieur Vital KAMERHE est à la fois Député National élu de Walungu dont le mandat a été déjà validé par l’Assemblée Nationale et dont l’exercice est suspendu à la suite de sa nomination aux fonctions de Directeur de cabinet du Chef de l’Etat conformément à l’article 110 de la Constitution, les magistrats ont usé de la ruse pour attirer l’inculpé à leur office au moyen d’une invitation ayant pour objet de lui communiquer les renseignements relatifs au dossier de 100 jours du Chef de l’Etat.

En sa qualité de Député National et bien plus du collaborateur n° 1 du Chef de l’Etat, Monsieur Vital KAMERHE jouit des privilèges des poursuites et de juridiction conformément aux articles 107 de la Constitution et 93 de la loi organique sur les juridictions de l’ordre judiciaire.

En effet, suivant ces dispositions, ce qui est suspendu en vertu de l’article 110 de la Constitution, c’est l’exercice du mandat mais non les privilèges des poursuites et de juridiction. Le sens de cette disposition constitutionnelle est le même que celui contenu dans les articles 96 alinéa 2 et 97 alinéa 2 du même texte qui interdit au Président de la République et aux Membres du Gouvernement de ne pas respectivement exercer des responsabilité au sein d’un parti politique alors qu’ils demeurent membres de leurs partis politiques respectifs. Donc, Monsieur Vital KAMERHE relève de la compétence de la Cour de Cassation et les poursuites à son encontre auraient dû être autorisées sinon par l’Assemblée Nationale, par le Président de la République.

a)  De l’absence des conditions de mise sous mandat d’arrêt provisoire.

Pour décider du placement sous mandat d’arrêt provisoire, le Parquet a évoqué comme motif, le besoin de poursuivre l’enquête et qu’il y aurait indice sérieux de culpabilité. Je remarque que le parquet invoque les conditions étrangères à l’article 28 du code de procédure pénale. En effet, la raison d’enquête n’est pas au regard de la loi une raison de placer quelqu’un sous mandat d’arrêt provisoire.

S’agissant d’indice sérieux de culpabilité, le Parquet est dans l’impossibilité totale de fournir une seule trace d’implication de Vital KAMERHE dans les faits de détournement des deniers publics.

Quoiqu’il en soit, l’ayant placé sous mandat d’arrêt provisoire pour des raisons étrangères à la  justice, en date du 10 avril courant, le Parquet a présenté le Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat en Chambre du Conseil devant le Tribunal de Paix de Kinshasa/Matete pour obtenir sa mise en détention préventive au motif qu’il existerait des indices sérieux de culpabilité de détournement des deniers publics à charge du Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat et qu’il y avait nécessité de poursuivre l’instruction du dossier.

En la même date et devant le même Tribunal, le Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat avait aussi sollicité sa mise en liberté provisoire.

b) L’infraction de détournement des deniers publics ne peut justifier le placement sous mandat d’arrêt provisoire de l’inculpé.

Comme dit plus haut, ne peut justifier le placement sous mandat d’arrêt provisoire ou en état de détention préventive qu’une infraction punissable d’au moins six (6) mois de servitude pénale principale. Sont ainsi exclues du champ d’application des articles 27 et 28 du Code de procédure pénale, toutes les infractions punissables de moins de six (6) de servitude pénale et toutes celles punissables d’amende, des travaux forcés, de confiscation ou de l’obligation de résider ou de s’éloigner.

C’est donc par mauvaise foi que le Parquet a décerné le mandat d’arrêt provisoire au Directeur  de Cabinet du Chef de l'État alors qu’il est poursuivi pour un présumé détournement des deniers publics, infraction punie des travaux forcés mais non de la servitude pénale principale.

2.DE LA PROCEDURE DEVANT LES JUGES EN CHAMBRE DU CONSEIL.

a).      De la mauvaise application de la loi par les juges.

Les juges de 1er degré ont épousé les opinions du parquet et ont décidé de placer Monsieur Vital KAMERHE en détention préventive, en ce qu’en date du 11 avril 2020 sous son ordonnance n° 1575, ils ont  au Ministère Public la mise en état de  détention préventive et refusa à l’inculpé la mise en liberté provisoire.

En effet, Ces juges prennent pour motif, l’existence des indices sérieux de culpabilité et la nécessité de poursuivre l’instruction.

Mais le Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat par le biais de ses Conseils, releva en date du 11 avril 2020 appel en ce qu’il trouva l’ordonnance de sa mise en état de détention préventive comme contenant un mal jugé. Cet appel enregistré sous l’acte d’appel n° 025/2020 fut fait devant le Tribunal de Grande Instance de Kinshasa/Matete qui se trouva de ce fait, saisi dudit appel.

Depuis sa saisine jusqu’à ce jour le Tribunal de Grande Instance de Kinshasa/Matete n’a pas encore vidé quant à ce, dépassant ainsi le délai légal lui imparti pour se prononcer.

Mais en date du 15 avril 2020, le Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat reçut en sa cellule de la prison de Makala, un acte de signification d’une ordonnance ne renseignant ni le numéro, ni le Tribunal qui l’avait rendue, laquelle ordonnance  confirmait celle du 1er juge sans autres détails. Or, pour valoir une décision d’une juridiction, toute décision doit indiquer la juridiction qui l’a rendue suivie des noms des juges ayant siégé ( MUKADI B. et KATUALA K. , Procédure civile, éd. Batena Ntambua 1999, P. 116).

En analysant les actes tant du Parquet que ceux du 1er juge ainsi celui d’appel, les Conseils de l’inculpé considèrent que la privation de liberté dont souffre le Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat n’est en réalité qu’un acharnement politique doublé de la convoitise du poste de Directeur par ses détracteurs.  

a)      De l’absence d’indice sérieux de culpabilité de détournement des deniers publics.

Les Conseils de l’inculpé Vital KAMERHE relèvent aux faits dont le Parquet Général de Kinshasa/Matete est saisi au moyen d’une injonction du Vice-premier Ministre, Ministre de la Justice, sont le fruit d’une imagination des détracteurs du Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat.

Pour preuve, le Parquet ne produit au dossier judiciaire aucune preuve c’est-à-dire aucune pièce comptable, un écrit attestant l’implication du Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat dans la réception des fonds ou dans les dépenses relatives aux travaux de 100 jours du Président de la République.

Il n’a pas été démontré l’ouverture d’un compte sous/compte ayant logé des fonds, lequel aurait été mis en mouvement par la signature de Monsieur Vital KAMERHE ou un certain virement dudit compte ou sous/compte vers le compte de ce dernier.

Mais pour asseoir leurs accusations contre l’inculpé et obtenir in fine, le poste qu’il occupe, les Magistrats ont mis à charge de Vital KAMERHE deux dossiers, à savoir celui des produits pharmaceutiques et celui des maisons préfabriquées pour militaires et policiers.

Le parquet a imputé premièrement à l’inculpé le fait que s’agissant de la société SAMIBO SARL et qu’il y aurait indice sérieux de culpabilité quant à ce en ce que cette société aurait été payée en une fois. Mais après la version des faits sur ces allégations, avait changé quand il y a preuve que ladite société n’était pas payée en une tranche.

Dans toutes ces allégations, l’intervention du Directeur de cabinet du Chef de l’Etat dans la chaîne de dépenses n’est pas prouvée. En effet, le Ministère du Budget et celui des Finances contrôlent chacun en ce qui le concerne la régularité de la dépense à engager et ordonner le paiement.

On parle aussi à charge de l’inculpé des questions des exonérations des maisons préfabriquées mais tout en n’indiquant pas un seul acte imputable à l’inculpé et en ignorant que l’exonération concerne les produits importés mais non des frais de transport, de manutention, frais administratifs et autres.

Par ailleurs, on tente de chercher l’implication de l’inculpé dans les photos de son neveu qu’on aurait vu avec des sacs d’argent, mais on oublie le principe constitutionnel décrétant la responsabilité pénale individuelle. Si on a vu le neveu de l’inculpé, quelle est l’implication du Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat ?

Le parquet a tenté d’incriminer le Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat en alléguant que le marché de 1.500 maisons a été régularisé après par le Ministre honoraire. Mais on ignore que la régularisation est un acte admis en comptabilité et en droit administratif et que malgré cela, l’implication du Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat n’est pas démontrée. La violation de l’article 27 du code de procédure pénale disposant que  l'inculpé ne peut être mis en état de détention préventive que s'il existe contre lui des indices sérieux de culpabilité et qu'en outre le fait paraisse constituer une infraction que la loi réprime d'une peine de six mois de servitude pénale au moins.

Néanmoins, l'inculpé contre qui il existe des indices sérieux de culpabilité peut être mis en état de détention préventive lorsque le fait paraît constituer une infraction que la loi punit d'une peine inférieure à six mois de servitude pénale, mais supérieure à sept jours, s'il a lieu de craindre la fuite de l'inculpé, ou si son identité est inconnue ou douteuse ou si, eu égard à des circonstances graves et exceptionnelles, la détention préventive est impérieusement réclamée par l'intérêt de la sécurité publique. ».

Les Conseils de Monsieur Vital KAMERHE ont constaté avec grand regret une mauvaise application délibérée dans le chef des magistrats tant du Parquet que ceux du siège.

En effet, ces magistrats savent très bien que le droit pénal est de stricte interprétation et ne s’applique qu’aux seuls cas qu’il est expressément prévus.

Suivant ce principe, l’article 27 du code de procédure pénale ne peut s’appliquer aux infractions punies d’une peine de servitude pénale de six mois minimum. Nous notons que l’infraction de détournement des deniers publics n’est pas punie de servitude pénale, mais des travaux forcés. Donc la prévention de l’article 145 du code pénal livre II ne rentre pas dans les prescrits de l’article 27 du code de procédure pénale.

En outre, on a constaté que le Parquet ainsi que les juges de siège n’ont pas rapporté la preuve des indices sérieux de culpabilité de détournement des deniers publics, en ce qu’ils n’ont pas indiqué aucune trace de cette infraction pouvant être rattachée à la personne de Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat. En effet, en amont, ni en aval, les noms, signatures de Vital KAMERHE ne sont rapportés dans la conclusion de différents marchés. Nulle part il est démontré qu’il a été ouvert un compte ou sous/compte qui serait sous la gestion de Vital KAMERHE.

En fin, dans l'impossibilité de prouver les indices sérieux de culpabilité dans le Chef de Vital KAMERHE, le parquet change des versions des faits pour parler cette fois de complicité de détournement des deniers publics. Là la question à tous les juristes : peut-on être complice d'un particulier non agent de l'État ? Tantôt le parquet dit que Vital KAMERHE doit répondre des faits de son neveu ignorant que la Constitution dit que la responsabilité pénale est individuelle. 

En conclusion, Monsieur Vital KAMERHE est victime d’un acharnement politique visant à briser le climat de confiance qui règne entre lui et le Président de la République et partant, de s’octroyer les prérogatives de mener des investigations à la présidence de la République.

L’'affaire tirant son origine d’injonction du Vice-premier Ministre et Ministre de la Justice qui a choisi le Parquet de Matete en lieu et place du Parquet de la Gombe territorialement compétent, l'acharnement politique a bien trouvé le matelas. 

Me Pathy Kembo

 

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