Le gouvernement de Sylvestre Ilunkamba parait ne pas prendre la mesure de la situation que traverse la RDC, et même le monde, en cette période de la pandémie du coronavirus. L’heure est « grave » comme l’ont dit les députés Lubaya, Muyaya, Munubo et la sénatrice Muyumba, dans leur déclaration commune faite ce lundi 23 mars. Les 13 mesures annoncées le 18 mars par le président de la République c’est le minimum qu’un gouvernement peut prendre en pareille situation.
Pourtant, en situation exceptionnel, des mesures exceptionnelles. Ce qui n’est pas le cas avec l’Exécutif national qui agit à minima. Selon le ministre de la Santé, le gouvernement a débloqué 1,8 million USD pour la lutte contre le coronavirus. « Ce montant est insuffisant. Le Gouvernement a promis d’ajouter de l’argent afin que nous luttions efficacement contre la propagation du COVID-19. Plusieurs partenaires ont promis de nous aider financièrement. Cet argent est géré de manière transparente », a indiqué le ministre de la Santé, Eteni Longonda, la semaine passée sur la radio Top Congo.
On le voit bien que le RDC n’est pas préparée à cette crise sanitaire. Pire, le pays n’a pas les moyens, au niveau de son dispositif du système de santé, pour faire face à une contagion massive du coronavirus aussi bien dans la capitale Kinshasa encore moins dans aucune province du pays. Si déjà en Espagne et en France on manque de respirateurs, qu’en sera-t-il de la RDC ?
Il est temps d’isoler Kinshasa des provinces
Avec l’allure des contaminations dans la capitale, l’Exécutif national devrait concentrer tous les moyens à sa disposition pour endiguer la propagation du virus sur le territoire national. Il s’observe que non seulement le gouvernement Ilunkamba ne veut pas mettre le paquet nécessaire pour constituer un Fonds destiné à financer la lutte contre le coronavirus sur le plan sanitaire, social et économique, il traine même à prendre des mesures d’endiguement notamment l’isolement de Kinshasa par rapport aux autres provinces du pays. Alors que Kinshasa enregistre une trentaine de cas confirmés et deux morts, il est impératif d’isoler la capital du reste du pays.
Déjà, deux cas sont signalés à Lubumbashi, des passagers en provenance de Kinshasa. Certes, le ministre de la santé attend les résultats de l’INRB pour confirmer ou infirmer les deux cas de Lubumbashi, c’est déjà la panique dans le Haut-Katanga où les commerçants n’ont pas attendu le premier cas confirmé pour spéculer sur les prix des denrées de première nécessité. Le sac de maïs de 25kg est passé de 35 000 FC à 80 000 dès l’annonce des 13 mesures du gouvernement. Le pire c’est que pour des cas de Lubumbashi, les tests doivent se faire à Kinshasa pour avoir une certitude des résultats. C’est dire qu’en province on n’a pas les outils nécessaires pour diagnostiquer le coronavirus.
Qu’à cela ne tienne, le gouvernement central pointe aux abonnés absents dans cette lutte contre le coronavirus. Pire, la RDC ne tire même pas les leçons de ce qui s’est passé dans les autres pays africains ou européens ou même en Chine.
Tirer les leçons de l’expérience chinoise
En effet, les experts du Fonds monétaire international ont étudié la façon dont la Chine s’est prise pour maitriser la propagation du coronavirus dans l’empire du milieu. Une première leçon tirée par les experts du FMI est que la Chine a pris très tôt des mesures appropriées pour endiguer la propagation du virus. « L'expérience vécue en Chine jusqu'à présent montre que la prise de mesures appropriées fait la différence dans la lutte contre la maladie et l'atténuation de ses répercussions», notent les experts du FMI dans un article intitulé « Atténuation des effets et choix délicats : premiers enseignements tirés de la situation en Chine ».
L’expérience chinoise l’a démontré : « L'endiguement du virus se fait au prix d'un ralentissement de l'activité économique, que la distanciation sociale et la mobilité réduite soient volontaires ou imposées ». Dans le cas de la Chine, les dirigeants ont instauré des contraintes de mobilité rigoureuses, tant au niveau national que local. Par exemple, au plus fort de l'épidémie, de nombreuses villes ont imposé un couvre-feu absolu à leurs habitants. Nulle part ailleurs cependant, la situation n'a été aussi dévastatrice que dans la province de Hubei qui, malgré l'aide du reste de la Chine, a beaucoup souffert tout en contribuant à ralentir la propagation de la maladie dans le pays.
« Il est donc clair que, à mesure que la pandémie gagne du terrain à l’échelle mondiale, les plus durement touchés, au niveau national mais aussi international, auront besoin d'aide pour contenir le virus et retarder sa propagation », écrivent les experts du FMI.
Selon ces experts, le choc du coronavirus est particulièrement grave, même comparé à la grande crise financière de 2007-08, car il touche les ménages, les entreprises, les institutions financières et les marchés en même temps, d'abord ça été en Chine et maintenant dans le monde entier.
« Pour atténuer les répercussions de ce grave choc, il faut venir en aide aux plus vulnérables. Les dirigeants chinois ont ciblé les ménages vulnérables et ont cherché de nouveaux moyens pour soutenir les petites entreprises, notamment en les exonérant des charges sociales et des factures de services publics et en faisant en sorte que des crédits leur soient accordés par l'intermédiaire d'entreprises de technologie financière. D’autres mesures peuvent également se révéler utiles. Les autorités ont rapidement octroyé des crédits subventionnés pour soutenir l'augmentation de la production de matériel sanitaire et appuyer d'autres activités essentielles dans le cadre de la lutte contre l'épidémie ».
La RDC bien que n’ayant pas des moyens financiers comme la Chine peut, mutatis mutandis, appliquer des mesures économiques aussi bien sur les PME touchées par les suspensions d’activités et même les ménages vulnérables. Pourquoi les ménages, simplement parce qu’il ne faudrait pas que les Congolais meurent de faim durant la pandémie ou que le banditisme ne s’aggrave suite à la crise créée par le coronavirus. Plusieurs ménages aujourd’hui qui détenaient des bars et bistrots sont fermés et n’ont aucune alternative pour subvenir aux besoins vitaux de leur famille.
« Pour préserver la stabilité financière, il faut prendre des mesures énergiques et assurer une bonne communication. Les dernières semaines ont illustré la manière dont une crise sanitaire, même temporaire, peut se muer en un choc économique à la suite duquel les pénuries de liquidités et les perturbations des marchés peuvent s'amplifier et se perpétuer. En Chine, les autorités sont intervenues très tôt pour soutenir les marchés interbancaires et apporter un appui financier aux entreprises sous pression, tout en laissant le renminbi s'adapter aux tensions extérieures. Entre autres mesures, elles ont notamment encouragé les banques à coopérer avec les emprunteurs touchés par l'épidémie, incité les banques à accorder des prêts aux petites entreprises dans le cadre d'un financement spécial de la banque centrale chinoise et réduit de manière ciblée le niveau des réserves obligatoires des banques. Les grandes entreprises, y compris les entreprises publiques, ont bénéficié d'un accès relativement stable au crédit, en grande partie parce que les grandes banques publiques chinoises ont continué de leur accorder généreusement des prêts ».
Voilà autant des mesures auxquelles le gouvernement peut s’inspirer pour tenter de sauver l’économie nationale car la pandémie en cours est source de risques économiques.
Amédée Mwarabu