"Sous ma direction, la DGRK a augmenté ses recettes de 59 milliards à 65 milliards FC" (Raoul Elenge) 

PAR Deskeco - 02 juil 2019 12:28, Dans Actualités

Pour commencer, quel est votre parcours et qu’est-ce qui vous a amené à intégrer la DGRK ? 

Raoul ELENGE : J’ai grandi à Kinshasa, où mon père était magistrat, et où j’ai fait tout mon parcours scolaire : Jardin d’enfant de Limete (Actuelle Ecole Massamba), Collège Boboto et ITI Gombe (Diplôme d’Etat). J’ai poursuivi mes études dans différents pays : en Suède, dans le cadre du programme européen « ERASMUS », où j’ai été diplômé en Total Quality Management par l’Université de Trollhâttan-Uddevallà, puis en France, à l’Ecole Centrale de Lille, l’une des grandes écoles françaises d’ingénieur, où j’ai obtenu un diplôme d’ingénieur en Génie Industriel, enfin j’ai terminé mon cursus universitaire par un Executive MBA (Master 2) de l’Ecole Supérieure de Commerce de Lille en partenariat avec University of Texas at Dallas, aux USA. Après mes études j’ai travaillé plusieurs années en Europe dans des grandes entreprises, notamment comme chef de projet dans le groupe VOLVO, qui m’a confié des missions en Suède, en France, en Allemagne, en Pologne et en Belgique. J’ai ensuite voulu mettre le savoir-faire acquis en Europe et aux USA au service de la République Démocratique du Congo et je suis rentré à Kinshasa, où j’ai d’abord rejoint la Primature en 2009, comme conseiller chargé de la coordination des projets informatiques pendant 3 ans et demi, puis j’ai intégré la DGRK comme directeur informatique, durant 7 ans et demi. C’est le 28 février 2018 que l’honneur m’a été donné d’être nommé Directeur Général de la DGRK, poste dont j’ai démissionné depuis le 1er juin 2019, après seulement 15 mois.

Pourquoi avez-vous démissionné d’un poste aussi prestigieux ?

Début mai 2019, après les élections provinciales, j’ai été invité à répondre à une question orale devant l’Assemblée Provinciale de Kinshasa (APK en sigle). Certains nouveaux députés provinciaux avaient en effet quelques préoccupations sur un soi-disant coulage des recettes et sur des protocoles d’accord de taxation forfaitaire conclus avec des sociétés de la place. Mais j’ai rapidement constaté une étonnante hostilité à mon encontre, car les questions des parlementaires se sont transformées en un véritable interrogatoire voire en réquisitoire, avec même des menaces, puisque, comme tout le monde peut le constater en regardant les vidéos de cette séance à l’APK, Monsieur le Président de l’APK s’est permis à plusieurs reprises de m’interrompre en me disant que si je ne répondais pas bien, j’irai, je cite, rejoindre mon ministre de tutelle (M. MATONDO)... Ensuite j’ai compris que l’objectif de cette mise en scène était clairement de me « dégager » de mon poste, visiblement très envié, de Directeur Général de la DGRK, et ce par quelque moyen que ce soit, quitte à lancer contre moi de fausses accusations. Dans ce contexte, par honneur et dignité, j’ai choisi de remettre ma démission à Monsieur le Gouverneur provincial le 1er juin 2019, non pas pour faire un mea culpa sur les accusations infondées de certains membres de l’APK, mais pour pouvoir me défendre en toute liberté, sans empiéter sur mes obligations professionnelles. Vous noterez que ma lettre de démission a été reçue le 3 juin 2019 au cabinet de Monsieur le Gouverneur et que, dès le 3 juin, mon successeur a été nommé…

Parlons justement des reproches qui ont été formulés à votre encontre. Qu’avez-vous à dire à ceux qui parlent de coulage des recettes, de protocoles d’accord, d’acquisition immobilière sans respect des procédures, de mégestion et d’insubordination au Président de la République ?

Tout d’abord, je rappelle que, à l’APK, suite à la présentation de mes explications détaillées lors de la séance du 31 mai 2019, la conclusion de l’honorable député interpellateur a été de parler d’insubordination au Président de la République, d’une part, et de dire qu’il faudrait effectuer des vérifications sur les annexes que j’avais produites pour voir s’il y avait eu « mégestion » (pour reprendre son expression, vérifiable sur vidéo). Et à cet instant Monsieur le Président de l’APK s’est permis d’ajouter, en contrariété avec les règles applicables à l’APK, que le rapport explicatif que j’ai produit et ses annexes n’étaient pas cohérents et qu’il était donc inutile de faire de plus amples vérifications sur des faits de « mégestion », qui étaient déjà avérés selon lui ! Ce qui est tout à fait inexact car le rapport et ses annexes sont précis et transparents et son examen attentif aurait permis de démentir de telles accusations à mon encontre. Mais ça ne les intéressait visiblement pas. Tout le monde a ainsi compris qu’il s’agissait simplement de stratégies politiciennes, car on ne peut pas sérieusement accuser de « mégestion » un mandataire de régie financière sans brandir une seule preuve justificative lors de la plénière. Ce rapport sera remis à qui de droit le cas échéant. S’agissant du grief d’insubordination et outrage au Président de la République, il visait le fait qu’il y aurait eu mise en place des agents de la DGRK nonobstant un communiqué de Son Excellence, Monsieur le Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat mentionnant la suspension du recrutement et de la mise en place au gouvernement, dans les entreprises publiques et dans les établissements et services publics de l’Etat. Or, d’une part la suspension précitée ne concernait pas les services provinciaux, d’autre part il est connu de tous que ce n’est pas le Directeur Général de la DGRK qui a procédé à la mise en place des agents et cadres de la DGRK car seule l’autorité provinciale a la compétence, sur proposition du ministre provincial en charge de la fonction publique, pour nommer des agents et cadres de la fonction publique provinciale. En outre, la mise en place fait partie de la stratégie managériale pour atteindre les assignations reçues. On est donc là dans un cas particulier et le résultat est éloquent.

Concernant l’allégation de coulage des recettes, c’est encore une fois sans fondement : comme je l’ai rappelé à l’APK, sans être démenti depuis car les chiffres sont là, sous ma direction, la DGRK a augmenté les recettes de 59 Milliards de Francs Congolais à 65 milliards de Francs congolais. De plus, j’ai moi-même, du fait de mon ancienne qualité de directeur informatique de la DGRK, effectué un audit informatique qui a permis de constater que de nombreux avis de mise en recouvrement avaient été anormalement supprimés de la base de données active. En les réintégrant dans cette base de données active, la DGRK a pu récupérer l’équivalent d’environ 5 millions de Dollars américains. Où est donc le prétendu coulage de recettes que certains veulent m’imputer, comme si j’avais dirigé la DGRK pendant des années ?

Quant aux protocoles d’accord mettant en cause les recettes de la ville de Kinshasa, je n’en ai signé aucun. Il s’agit là de la gestion antérieure et les signataires sont tous connus.

Je veux enfin revenir sur la question posée de l’acquisition, que j’ai en effet décidée, de l’immeuble abritant aujourd’hui le siège de la DGRK (au 76 avenue Colonel Ebeya, à la Gombe). Arrivant à la tête de la DGRK, nous avions constaté un loyer mensuel de 29.000 Dollars américains. Plus de 10 ans après sa création, une réflexion a donc été menée et a abouti au choix de l’acquisition de cet immeuble afin que la DGRK soit propriétaire, et non locataire, de son propre siège. C’était une question de rationalité économique et aussi de « souveraineté », si je puis dire. Cette acquisition immobilière a été faite dans des conditions normales et selon les procédures applicables pour ce type de contrat. Toutes les pièces relatives à cette opération sont traçables et transparentes. Il suffit de vouloir regarder la réalité des documents, le certificat d’enregistrement est bel et bien au nom de la DGRK et la mutation a été faite au niveau des services des cadastres, par la banque Afriland First Bank, conformément à la procédure.

A vous écouter, aucun grief ne peut donc vous être fait ?

La perfection n’étant pas de ce monde, je n’aurais pas l’immodestie de prétendre que je n’aurais pas pu faire mieux et plus. Mais je vous rappelle que je n’ai passé que 15 mois en poste, avec une autorité de tutelle et avec de sérieux problèmes de trésorerie puisque nous avons subi un écart de nivellement de près de 5 milliards de Francs Congolais entre mars 2018 et avril 2019, c’est-à-dire l’absence de nivellement automatique (rétrocession) par le Budget de la Province de la quote-part des recettes devant revenir à la DGRK (30 %). J’ai dû me battre pour obtenir ce nivellement. Pour vous donner une idée, cet écart représente six mois de salaire des agents et cadres !

Hormis l’augmentation des recettes et l’acquisition de l’immeuble de son siège, il peut être aussi mis à l’actif de mon bilan de seulement 15 mois comme DG de la DGRK, l’amélioration de la situation des agents, à savoir le paiement, avec la paie de décembre 2018, des 4 mois d’arriérés de salaires dont j’avais hérités en arrivant en mars 2018, le paiement de 15 mois de salaires des agents durant mes 15 mois comme DG, la mise à disposition des agents de 2 bus pour faciliter leur mobilité, l’obtention pour les agents du statut (plus sécurisant) de fonctionnaire provincial. Pour atteindre une plus meilleure gouvernance et une plus grande performance, nous avons aussi procédé à la mise en place d’une Direction de l’Audit Interne, d’une Division Technique et d’une Brigade de Suivi des Recettes, nous avons lancé une application web de suivi des recettes en temps réel et nous avons apuré un reliquat de dette bancaire, antérieure à mon arrivée, de 2 millions de Dollars américains auprès de la BGFI Bank... Je profite de cette interview, d’ailleurs, pour saluer et remercier toutes les équipes de la DGRK, toutes catégories confondues, qui ont redoublé d’efforts pour atteindre ce bilan, qui est donc leur bilan autant que le mien en tant que DG.

Que voudriez-vous encore nous dire pour clore cet entretien ?

D’abord, pour revenir à la raison de cette interview (car je ne suis pas du genre à m’épancher dans la presse habituellement), je veux dire avec vigueur, mais sans animosité, que mes avocats et moi, nous ne laisserons pas me mettre sur le dos tous les actes que d’aucuns auraient pu poser depuis 10 ans que la DGRK existe, alors que je n’en ai été le DG que du 1er mars 2018 au 3 juin 2019. Ensuite, je tiens à ajouter que, sûr de mon honnêteté, j’avais invité l’autorité provinciale, lorsque des questions ont commencé à être posées, à lancer un audit sur ma gestion, malheureusement cela ne s’est pas fait à temps et certains étaient visiblement trop pressés de me voir partir de la DGRK. Il me semble par ailleurs aberrant que l’APK n’ait pas jugé opportun, à l’occasion de nos débats, de se pencher sur le problème, que j’ai évoqué précédemment, du défaut de nivellement automatique alors que c’est là un réel problème qui, s’il était réglé, pourrait permettre à la DGRK de jouir pleinement de son autonomie financière, telle que prévue par l’édit provincial portant création de la DGRK.

A l’heure actuelle, plus de 3 semaines après ma démission, je veux d’abord consacrer du temps pour ma femme et mes enfants, et ensuite je vais étudier différentes opportunités professionnelles, la DGRK étant derrière moi, même si j’ai toujours le statut de directeur dans l’administration. J’espère que, rapidement, la polémique inutile et infondée sera éteinte. Mais mes avocats et moi sommes prêts à faire triompher la Vérité et à obtenir Justice, si jamais certains poursuivaient leur stratégie de nuisance à mon encontre. J’espère que tout le monde saura entendre et respecter les appels du Chef de l’Etat, Son Excellence Monsieur le Président de la République, Félix Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO, à la cohésion nationale et au patriotisme.

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