RDC: les vraies raisons de la grogne sociale à la société de transport TRANSCO

PAR Deskeco - 30 jan 2019 13:01, Dans Actualités

Le Gouvernement  congolais a décidé, en 2012, de créer une nouvelle société dénommée « Transport au Congo (TRANSCO) » en vue de faire face aux difficultés de transport en commun en RD-Congo et plus particulièrement à Kinshasa. C’est en 2013 que l’idée a été matérialisée avec l’acquisition de 500 bus. Cette société sera inaugurée en grande pompe, le 30 juin 2013, jour de la célébration de l’indépendance de la RD-Congo. Le coût global d’investissement est estimé à 27 millions USD. Un projet pour son expansion en province a été aussi conçu.

Pour garantir la bonne gestion de la société, le Gouvernement a décidé de confier la direction de TRANSCO d’abord à des experts de la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP). Recevant leurs ordres et instructions souvent de Paris, les deux directions d’Exploitation et Technique sont rapidement contestés.

Quelques mois après son lancement, le Parlement dénonce le manque de crédibilité du Marché Public passé entre l’Etat congolais, représenté par le Ministère de Transport et voies de communication et la société française « Régie Autonome des Transports Parisiens » chargé de la gestion de TRANSCO. Mais aussi l’opacité lors de l’attribution de ce marché public à la société égyptienne, fournisseur de ces engins.

Le joli enfant promet un bel avenir

Malgré le manque de transparence dans l’attribution des différents marchés publics pour la gestion de la société et l’acquisition d'engins, TRANSCO promet tout de même un bel avenir à la population Kinoise. Le prix de la course est fixée à 500 FC soit la moitié de la facturation des sociétés privées (1000 FC) ; la location d’un bus de 47 places pour une demi-journée est fixée à 300 USD et une journée pleine à 530 USD. Par contre un bus de 17 places pour une demi-journée revient à 180 USD et pour toute la journée, soit 12 heures, à 300 USD. Le versement journalier est fixé à 400.000 FC.

De son côté, le Gouvernement prend et respecte ses engagements en assurant une subvention mensuelle de 22 100 USD pour couvrir uniquement l’achat du carburant. Du coup, 17 lignes sont desservies à travers la ville de Kinshasa, de quoi réjouir les kinois. Quelques mois après, les lignes sont passées de 17 à 27. Ainsi, 1500 agents sont recrutés. Le salaire le plus bas est fixé à environ 400 USD, une prime de 90.000 FC est régulièrement payé aux chauffeurs, mécaniciens et au receveurs.

Faillite programmée

Une année après son lancement, soit en 2014, les ingrédients de la faillite sont réunis : incompétence des experts RATP, embauches basées essentiellement sur l’origine ethnique, absence volontaire du Conseil d’administration, ingérence permanente du pouvoir politique sur la gestion de l’entreprise, situation financière devenue critique. En plus, la Direction de la société est confiée à un congolais, Michel Kirumba, comme Directeur général intérimaire.

En février 2015, dans une note technique, l’ancien Directeur Général, Dominique Maussion, a dénoncé des sorties de fonds de TRANSCO, via la Rawbank, sans la signature de trois personnes requises et foulant au pied la sécurité bancaire. Le Directeur Intérimaire est aussi accusé d’avoir payé 15 000 USD cash à une personne physique pour une facture alors que le plafond pour un paiement cash à TRANSCO est de 300 USD. Au-delà de ce montant, il faut soit faire un chèque, soit ordonner un virement bancaire, indique la note technique.

En plus, un marché de nettoyage des véhicules est octroyé à une ONG « Initiative Plus », sans passer par un appel d’offres. Le Gouvernement alloue mensuellement à Cobil 900 000 USD pour le ravitaillement en carburant, alors que la consommation de TRANSCO n’était que de 300 000 USD. De son côté, Michel Kurumba, alors Directeur Général intérimaire avait reconnu les faits et avait justifié ces actions pour des raisons d’urgence et de souplesse administratives, rapporte un journaliste de radio Okapi, au cours de son émission « Panorama économique ».

En 2016, de nombreuses lignes sont supprimées par l’absence des bus tombés en panne par manque d'entretien soit brûlés par la population lors des différentes manifestations hostiles au pouvoir. Ainsi, sur 500 bus acquis, le charroi automobile n’en comptait plus que 250 en bon état. Conséquences, quelques agents sont mis en congé technique. On a assisté à une baisse de primes et salaires des agents : les techniciens, les chauffeurs et receveurs ont gagné pendant la période environ 250 USD. Les recettes générées par la société ont été mal gérées et on a noté un manque de traçabilité, sans comptées celles issues de la publicité. Après dénonciation de cette mauvaise gestion, le Directeur Général intérimaire est suspendu puis quelques temps après réhabilité, explique un agent contacté sur place.

Aujourd’hui, quelques 300 bus sont en bon état. Les agents sont payés selon le degré de relation entretenue avec la Direction Générale. Certains reçoivent 350 000 FC et d’autres 600 000 FC. Ils enregistrent 4 mois d’arriérés de prime, témoigne un chauffeur de TRANSCO.

Faible soutien de l’Etat

Alors que la gestion de la société devient de plus en plus opaque, le Gouvernement de son côté a réduit considérablement son appui. La politique publique du secteur des transports de 2016 à 2019 prévoyait un financement de 15 132 800 000 FC soit 10 millions USD pour l’acquisition de 300 bus pour déployer TRANSCO à l'intérieur du pays soit 100 bus par ans. Au niveau du Ministère du Budget, on affirme que deux quart de ce fonds ont été versé. Du côté de la société, certains agents affirment que cette subvention du Gouvernement aurait servi à l’achat des pièces de rechanges, en lieu et place de l’achat des nouveaux bus.

Au niveau du Ministère des transports et voies de communication, on rapporte ne pas connaître le niveau réel des recettes générée par TRANSCO. Personne ne rend compte à personne. Cependant, ses agents ont lancé un mouvement de grève.

La décision du nouveau Président de la République tendant à la régularisation des arriérés de prime et autres avantages dus aux agents de TRANSCO est une solution à court terme. Il est important aujourd’hui de penser à un changement total de gouvernance de cette société au risque de connaître le sort de l’ex- Société de transport au Zaïre (SOTRAZ), City-Train et même STUC de triste mémoire.

VM

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