Selon Global Witness dans un rapport publié ce mardi 16 avril, le général Amisi Kumba, chef dEtat-major général adjoint des FARDC en charge des forces terrestres, a acquis illégalement des permis forestiers en 2018 avant de les revendre à des chinois. Cette transaction sest faite avec la complicité du ministre de lenvironnement qui, après avoir confisqué ces permis de sociétés forestières, les a transférer, en seulement quatre jours après, au général Amisi dit Tango Four. DESKECO.COM publie ici lintégralité du communiqué de Global Witness.
Un officier de larmée congolaise notoire a commercialisé illégalement des permis dexploitation forestière en République démocratique du Congo (RDC) à lapproche de lélection présidentielle contestée à la fin de lannée dernière, révèle Global Witness aujourdhui.
Le Général Gabriel Amisi Kumba (alias « Tango Four »), sanctionné par lUE et les États-Unis pour avoir commis des atteintes aux droits humains, est une personnalité puissante en RDC et un proche allié de lancien président Joseph Kabila, ce qui soulève des préoccupations quant à la possibilité quil se soit servi de son influence pour contourner la loi en acquérant puis en revendant les permis forestiers.
La famille dAmisi a obtenu cinq concessions forestières en juin 2018, ce qui constitue une violation du moratoire sur lattribution de concessions forestières industrielles, en vigueur depuis plusieurs années en RDC, dont lobjectif est de protéger les forêts humides congolaises dune grande biodiversité et critiques pour lenvironnement. Le ministre congolais de lEnvironnement a confisqué ces permis sans préavis à dautres sociétés forestières, avant de les transférer vers la société Maniema Union 2, qui appartient à la famille dAmisi.
Lannulation des permis et leur affectation à Maniema Union 2 ont pris quatre jours. En quelques semaines, la famille dAmisi avait revendu la société et ses permis à Lei Hua Zhang, un géant du bois chinois qui détient une grande société forestière entourée de mystère en RDC.
Peter Jones, responsable de campagne à Global Witness, a déclaré : « Le Général Amisi, un puissant initié du régime de Kabila, semble avoir réussi à acquérir et à revendre des permis dans un temps record, alors que lobtention de nouveaux permis était alors illégale. »
« Il est à craindre que des élites congolaises proches du pouvoir aient réussi à bafouer les réglementations environnementales afin de se faire de largent, ce qui pourrait avoir profité à des individus jouissant de relations dans le milieu politique, aux dépens des caisses de lÉtat congolais et des forêts du pays. Cela est dautant plus inquiétant que lélection congolaise controversée semble avoir donné lieu à un arrangement de coalition qui permet à Kabila, sans sêtre présenté à lélection, de conserver une très forte influence sur la politique de la RDC », a ajouté Peter Jones.
Ce nest pas la première fois quAmisi se livre au commerce lucratif de ressources naturelles en RDC. Le général est accusé depuis longtemps (par lONU, entre autres) davoir participé à lexploitation minière illégale et au commerce darmes.
En outre, Amisi est impliqué depuis de nombreuses années dans plusieurs atteintes aux droits humains. Il a été sanctionné en 2016 par lUE et les États-Unis au motif quil aurait supervisé les mesures répressives meurtrières de manifestations pro-démocratie à Kinshasa ; des citoyens congolais avaient manifesté contre les reports de lélection présidentielle, au départ prévue pour 2016. Après ces événements et limposition de sanctions internationales, Amisi a été promu par Kabila.
Global Witness a adressé des questions écrites à Amisi et a contacté son avocat par téléphone, mais aucune réponse de fond aux allégations qui leur ont été adressées dans les délais impartis n'a été reçue.
Le règne de Kabila a été marqué par une mauvaise gestion et une corruption généralisées, notamment dans les secteurs congolais lucratifs du bois et de lexploitation minière. La vitesse éclair à laquelle Amisi a acquis et revendu les permis forestiers constitue un exemple supplémentaire de lincapacité à faire respecter le droit dans le secteur du bois et de lopacité qui caractérise les transactions commerciales menées dans les forêts congolaises.
Preuves de lopacité totale du secteur forestier
Lei Hua Zhang a acheté les permis dAmisi à travers son acquisition de la société Maniema Union 2, détenue à lépoque par lépouse et les enfants dAmisi. Des documents dentreprise indiquent que le général gérait plusieurs des actifs de ses enfants, ceux-ci étant trop jeunes pour sen charger. Des documents que Global Witness a pu consulter montrent que lépouse dAmisi a continué de gérer les concessions forestières de Maniema Union 2 plusieurs mois après avoir cédé ses parts dans la société.
- Zhang est le président de Wan Peng International, un conglomérat chinois de premier plan actif à travers lAfrique et lAsie dans les secteurs du bois, du ciment et du transport. Bien que Wan Peng semble disposer dimportantes opérations dexploitation forestière et de négoce du bois en RDC, pratiquement aucune trace de la société napparaît dans les registres officiels relatifs au secteur du bois ou aux exportations de la RDC que Global Witness a consultés. La société affirme avoir acheté en 2015 1,09 million dhectares de forêt vierge en RDC, mais les concessions napparaissent pas sur la carte en ligne des concessionnaires publiée par le ministère de lEnvironnement.
Ses récentes activités dans la région indiquent que l'entreprise de M. Zhang, Wan Peng, na aucun scrupule à se lancer en affaires avec des individus jouissant de relations avec des personnalités politiques. Ainsi, en 2017, Wan Peng a racheté 80 % des parts de la société forestière Christelle SARL, détenue par Kelly Christelle Sassou Nguesso, fille de Denis Sassou Nguesso, le président de la République du Congo, pays voisin de la RDC.
« Les informations incomplètes dont nous disposons sur les opérations forestières de Wan Peng en RDC illustrent bien lopacité de ce secteur au sens large », a remarqué Peter Jones. « Il est crucial que le secteur du bois congolais soit géré en toute transparence afin que les activités forestières menées dans lune des forêts les plus importantes au monde pour la régulation du climat ne se poursuivent pas sans surveillance efficace, car les conséquences seraient dévastatrices. »
En réponse aux questions de Global Witness sur les activités de Wan Peng en RDC, y compris ses liens vers Amisi, un porte-parole a déclaré que nos enquêtes portaient sur des secrets commerciaux et quils ne pouvaient divulguer aucune information.
Ce que le ministère congolais de lEnvironnement a dit, et ce quil doit faire désormais
Bien quil soit légalement tenu de le faire, le ministère congolais de lEnvironnement na toujours pas publié dinformations sur les titulaires des permis des concessions associées à Maniema Union 2. Il na pas non plus publié en ligne de copie des contrats forestiers de Maniema Union 2. Cette opacité du secteur de lexploitation forestière en RDC fait courir le risque que du bois récolté illégalement soit vendu sur le marché mondial, les acheteurs ne pouvant pas vérifier de manière indépendante qui sont les propriétaires des concessions doù provient le bois quils achètent, alors que cela constitue un facteur essentiel pour assurer une diligence raisonnable efficace en matière dachats de bois.
Le gouvernement de la RDC devrait immédiatement révoquer toutes les concessions attribuées en violation de son moratoire et publier tous les détails relatifs aux propriétaires de concessions et aux contrats. La communauté internationale qui octroie des fonds au ministère de lEnvironnement de la RDC devrait veiller à ce que des initiatives de transparence soient bel et bien mises en uvre par les institutions quelle finance et demander que toutes les concessions forestières illégales soient annulées et retournées à l'État. Les négociants internationaux en bois qui achètent du bois provenant de RDC doivent se livrer à un exercice de diligence raisonnable approfondie pour veiller à ne pas acheter de bois provenant de concessions attribuées dans lillégalité ou liées à des individus visés par des sanctions.