Dans le cadre de son programme annuel d’activités 2024, la Cour des comptes a réalisé un audit de la gestion de la dotation de 0,3 % minimum du chiffre d’affaires pour contribution aux projets de développement communautaire dans le secteur minier, pour la période allant de 2018 à 2023.
La dotation de 0,3 % minimum du chiffre d’affaires pour contribution aux projets de développement communautaire du secteur minier est un prélèvement obligatoire mis en place par le Code minier en son article 258 bis, à la charge des entreprises minières en phase de production.
Minoration des chiffres d’affaires communiqués aux organismes spécialisés
Les investigations menées par la Cour des comptes ont révélé des irrégularités graves qui entravent le fonctionnement normal du système de la contribution de 0,3 % minimum, mis en place par le législateur congolais pour atténuer, tant soit peu, les effets négatifs des exploitations minières sur les populations environnantes directement impactées.
Outre les irrégularités constatées dans le chef de certains présidents d’organismes spécialisés, la mission d’enquête de la Cour des comptes en a relevé d’autres dans l’analyse du fonctionnement du système mis en place pour mobiliser les fonds liés à cette dotation. Il s’agit notamment de la minoration des chiffres d’affaires communiqués aux organismes spécialisés.
Les informations fournies à la Cour des comptes par la Direction générale des Impôts (DGI) ont permis de constater que des entreprises minières ont minoré leurs chiffres d’affaires communiqués aux organismes spécialisés, à l’exception de Kibali Gold Mine, Macrolink et Jiayuan Mining.
Bien entendu, les entreprises minières Om Metal Ressources (OMR), Shituru Mining Corporation (SMCO) et Société de Traitement du Terril de Lubumbashi (STL) n’ont pas été prises en considération, n’ayant pas communiqué leurs chiffres d’affaires aux organismes spécialisés. Il en est de même pour les entreprises New Minerals Investment et Kambove Mining SA, dont la Cour des comptes ne dispose pas de preuves de leurs déclarations de chiffres d’affaires à la DGI.
Le rapport consulté par Deskeco.com fait apparaître « des discordances entre les montants de 81 416 519 565,10 USD (chiffres d’affaires communiqués par les opérateurs miniers aux organismes spécialisés) et 98 216 051 343,70 USD (chiffres d’affaires déclarés par les mêmes opérateurs à la Direction générale des Impôts). Le rapprochement de ces deux montants dégage un écart de 16 799 531 778,70 USD. Il ressort de cet écart un manque à gagner de 50 398 595,34 USD au titre de la dotation de 0,3 % en faveur des organismes spécialisés ».
Pratique facilitée par l’absence d’un mécanisme de vérification
Le même document dénonce :
« La pratique de minoration des chiffres d’affaires communiqués est une fraude visant à réduire les dotations dues par les entreprises minières concernées. Cette pratique est facilitée par l’absence, au sein du Comité de supervision, d’un mécanisme de vérification des chiffres d’affaires transmis par les entreprises minières aux organismes spécialisés ».
Pour sa part, le Comité de supervision a réagi en ces termes :
« Le système fiscal congolais étant déclaratif, le Comité de supervision a tenu compte des déclarations des chiffres d’affaires communiquées aux organismes spécialisés (DOT) par les entreprises minières, car les démarches entreprises auprès de la DGI pour contrevérifier la sincérité de ces déclarations se sont avérées infructueuses ».
Toutefois, la mission mixte (IGF, IGM et Comité de supervision), déjà programmée pour vérifier la sincérité des chiffres d’affaires déclarés, se trouve confortée par la disponibilité des informations fournies par la Cour des comptes.
À son tour, la Cour des comptes a rappelé que le caractère déclaratif d’un système fiscal n’interdit pas à l’Administration de procéder a posteriori à la vérification des déclarations faites par le redevable ou l’assujetti.
Par conséquent, la Cour des comptes a recommandé au Comité de supervision de « mettre en place un mécanisme de vérification des chiffres d’affaires communiqués par les entreprises minières aux organismes spécialisés, en impliquant notamment la Direction générale des Impôts ou en sollicitant annuellement un audit de fiabilisation des données auprès de la Cour des comptes ».
Bienvenu Ipan