RDC : à Rubaya, une filiale qui produit 400 tonnes de coltan et plus de 500 tonnes de cassitérites par semaine est automatiquement « rwandisée », sous la marque « made in Rwanda » (étude)

PAR Deskeco - 07 mar 2025 12:09, Dans Mines

Dans une récente étude sur les conflits dans l’Est de la RDC, le chercheur français Pierre Jacquemot décrit les réalités exacerbantes que cache le conflit armé dans l’Est de la République démocratique du Congo, suite aux multiples milices et à la rébellion de M23, soutenue par le Rwanda, comme le corrobore dans son rapport l’ONU en 2024.

Dans cette étude, parmi les cas frappants, c’est notamment le cas de la région minière de Rubaya, au territoire de Masisi dans la province du Nord-Kivu, au nord-est de la RDC. Cette région, citée comme la réserve mondiale de coltan, est fortement contrôlée par le Rwanda à travers ses supplétifs de M23.

Pierre Jacquemot explique, dans son étude exploitée par Deskeco, que les sites miniers de Rubaya produisent 20 % de la réserve mondiale de coltan, avec un minerai pur à 30 %, d’une « qualité qui n’a pas d’égal sur le marché ». Pendant ce temps, cette région échappe complètement au contrôle du gouvernement congolais.

Avant qu’elle ne passe sous le contrôle des rebelles de M23 en avril 2024, la région était totalement contrôlée par des ex-rebelles devenus députés en RDC, grâce à la société minière du Bisunzu (SMB). Pierre Jacquemot révèle que cette société était « détenue par un député d’origine tutsi et une dizaine de milliers d’artisans réunis au sein d’une coopérative (Cooperama), dirigée par un autre député, un ex-rebelle, connu pour ses liens présumés avec les milices locales, notamment d’origine hutu ».

Dans son rôle d’infiltration, le Rwanda avait placé ses éléments dans la police en charge de la protection au sein de la SMB. Avec l’arrivée de M23 l’an dernier, ces coopératives composées de milices ont été militairement refoulées de ces sites de Rubaya.

« Fin avril 2024, toute la zone est passée sous le contrôle du M23, délogeant, les armes à la main, les anciens occupants, un groupe rebelle, la Coalition des patriotes résistants congolais - Force de frappe (Pareco-FF), allié à l’armée de la RDC », explique-t-il.

L’effectif de M23 renforcé et le passage de coltan de Rubaya vers le Rwanda

Pierre Jacquemot explique, dans son étude, que le M23 a renforcé son effectif au début de 2025 à environ 4 000 hommes, selon une estimation de l’ONU, qui affirme dans son rapport que le Rwanda a également déployé 4 000 soldats de l’armée rwandaise en soutien à ces rebelles. Ce renfort est né du souci pour Kigali d’occuper cette réserve mondiale de coltan et de l’exploiter de la manière la plus illicite possible, avec violation des droits de l’homme.

L’étude indique que ces 4 000 soldats rwandais en renfort se sont positionnés stratégiquement autour du lac Édouard et du Kivu, afin d’assurer le trafic de minerais vers le Rwanda.

« Le M23 a établi une surveillance du transport des minerais extraits du site minier vers Mushaki, laquelle localité est devenue une plaque tournante de la contrebande, puis vers leur destination au Rwanda, via Tongo-Kalengera », indique cet ancien ambassadeur de France en République démocratique du Congo.

Financement de M23 à Rubaya

Pierre Jacquemot révèle que les M23 prélèvent, sur chaque cargaison de coltan, des taxes, en vue de financer leurs activités. Les creuseurs artisanaux et négociants locaux sont contraints de payer 3 000 USD par tonne de coltan et 2 000 USD par tonne pour la cassitérite.

L’étude fait également savoir que la filière qui produit 400 tonnes de coltan et plus de 500 tonnes de cassitérite par semaine est ainsi totalement « rwandisée », c’est-à-dire qu’elle alimente directement les fonderies de Kigali, où elle est « blanchie » avec du coltan local pour devenir « made in Rwanda » avant son exportation.

Jean-Baptiste Leni

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