Observations de la Directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, lors de la table ronde sur le financement pour une croissance durable et inclusive en Afrique, à l’occasion du sommet Union européenne-Union africaine.
Excellences, chers amis, c’est un honneur pour moi de me joindre à vous aujourd’hui.
Alors que le monde émerge d’une crise sans précédent, tous les pays, mais ceux d’Afrique en particulier, sont confrontés à des défis. L’Afrique a subi une contraction douloureuse en 2020. Depuis, elle a renoué avec la croissance, mais celle-ci reste inférieure aux besoins de bon nombre de pays.
En 2021 et 2022, la croissance prévue pour l’Afrique était inférieure à la moyenne mondiale. Or, ça devrait être le contraire. La croissance de l’Afrique doit dépasser celle du reste du monde, pour que les pays puissent créer des emplois et relever les niveaux de vie.
Soutien du FMI à l’Afrique
C’est dans ce contexte qu’au FMI, nous avons pris des mesures sans précédent pour accompagner nos pays membres, en particulier ceux du continent africain. J’aime dire que nous sommes debout avec et pour l’Afrique.
Nous avons réformé notre dispositif de prêts concessionnels. C’est l’occasion pour moi de saluer la Première ministre suédoise, Magdalena Andersson. Son rôle moteur à la tête du comité monétaire et financier international (CMFI) nous a permis d’accroître l’accès des pays africains aux financements du FMI. Ainsi, l’année dernière nous avons octroyé des prêts d’un montant 13 fois supérieur à la moyenne annuelle de la décennie précédente.
Nous avons également rapidement procédé à une allocation de droits de tirages spéciaux (DTS). Force est de reconnaître que cette allocation a aidé l’Afrique, mais pas assez. Certains pays ont reçu l’équivalent de 6 % de leur PIB, ce qui n’est pas du tout négligeable. Ceci dit, il est clair que nous devons faire mieux qu’allouer 33 milliards de dollars aux pays africains sur une enveloppe mondiale de 650 milliards de dollars.
Nous passons donc à la phase suivante, celle du transfert à grande échelle des DTS, des pays bénéficiaires qui n’en ont pas tellement besoin aux pays qui en ont le plus besoin.
C’est dans ce contexte que s’inscrivent les prochaines étapes.
Prochaines étapes
L’objectif fixé l’année dernière par les dirigeants mondiaux est de faire transférer 100 milliards de dollars aux pays vulnérables. À l’époque, nombreux étaient ceux qui le jugeaient irréalisable. Mais aujourd’hui, nous nous en rapprochons à plus de 50 %.
Les engagements reçus des pays membres du G20 se chiffrent à environ de 60 milliards de dollars et, bien entendu, nous en sollicitons davantage.
Ces DTS peuvent être rétrocédés par deux canaux.
Le premier canal, qui a fait ses preuves, est le fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance. Je suis fière d’annoncer que le FMI est en mesure de prêter aux pays en fonction de la qualité de leur programme de réformes. Nous ne rationnerons pas notre aide aux pays membres africains.
Mais cela ne suffit toujours pas, car nous sommes conscients que l’Afrique, comme le reste du monde, fait face à une transition complexe vers une économie sobre en carbone et résiliente au changement climatique, et qu’elle doit renforcer sa résilience aux catastrophes et aux chocs.
Par conséquent, avec le soutien de nos pays membres, nous sommes en train de créer un deuxième canal inédit, à savoir le fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité (fonds fiduciaire RD).
Le fonds fiduciaire RD et la réaffectation de DTS
Pour la toute première fois, le FMI offrira des échéances et des délais de grâce plus longs en appui aux efforts de transformation structurelle déployés par les pays émergents et les pays en développement.
Notre objectif est que l’architecture du fonds fiduciaire RD soit validée lors des réunions de printemps en avril. J’invite tous les pays membres à nous aider à respecter cette échéance afin de pouvoir passer à la phase de mise en œuvre d’ici à l’automne.
Quelles sont les caractéristiques de ce nouveau fonds fiduciaire ?
Premièrement, nous nous efforcerons de maintenir des taux d’intérêt très faibles — proches des taux dont sont assortis les DTS, qui sont actuellement encore à 0,05 % (5 points de base).
Deuxièmement, nous appuierons l’exécution de programmes de transformation structurelle à plus long terme en proposant un délai de grâce de 10 ans et un délai de remboursement de 20 ans.
Troisièmement, et c’est notre objectif principal, nous chercherons à mobiliser l’investissement privé dans les pays émergents et les pays en développement. Autrement dit, nous souhaitons supprimer les entraves à la participation du secteur privé pour que l’Afrique puisse obtenir le volume de financements dont elle a besoin.
En mai dernier, nous avons évalué les besoins de financement du continent africain jusqu’en 2024 : 285 milliards de dollars rien que pour résorber les effets de la COVID-19 et ensuite le double pour que l’Afrique renoue avec la croissance et rattrape ou se rapproche des pays plus avancés.
Cette enveloppe devra, évidemment, s’accompagner de réformes, que nous appuierons, pour mobiliser des ressources intérieures, améliorer la qualité des dépenses (en particulier les investissements en capital humain) et élargir la participation du secteur privé.
À ce titre, nous examinons, avec les représentants du secteur privé, les meilleurs moyens d’y parvenir. L’idée générale est d’envisager une contribution permettant de réduire le risque associé aux investissements privés en empruntant auprès du fonds fiduciaire RD. Un cadre d’action plus solide ouvre la voie aux investissements, ce qui permet à terme aux banques de développement de participer de façon coordonnée.
Le message que je tiens à faire passer aujourd’hui est le suivant : nous sommes sur la bonne voie pour apporter une contribution majeure au financement dans les pays en développement, en particulier en Afrique. Nous souhaitons que cette contribution soit le fruit d’une collaboration. Aujourd’hui, vous avons entendu Madame von der Leyen au sujet de l’initiative Global Gateway, dont les objectifs sont aussi de mobiliser des financements du secteur privé à grande échelle.
Il a beaucoup été question de savoir s’il est possible de réaffecter des DTS par l’intermédiaire des banques régionales de développement. Malheureusement, ce n'est pas possible. Je vais vous expliquer pourquoi.
Nous tenons beaucoup à travailler en étroite coopération avec les banques régionales de développement. Toutefois, nos pays membres ne peuvent pas réaffecter les DTS directement à ces dernières parce que nous devons préserver la qualité d’avoir de réserve de cet avoir nommé « droit de tirage spécial ».
Il est évident que c’est au FMI qu’il incombe de garantir la protection de la qualité de cet avoir de réserve. Pour les pays membres souhaitant contribuer des DTS, il est impératif que nous veillions au respect de la réglementation du FMI.
Dans ce contexte, cependant, nous plaidons pour une collaboration encore plus étroite : travailler en partenariat, tirer parti de l’expertise des banques régionales de développement, et réfléchir aux moyens de mobiliser davantage de ressources ensemble.
Je tiens à remercier le Président Sall et le Président Macron, qui ont été à l’origine de cette réflexion en novembre 2020. Aujourd’hui, avec le soutien de tant d’autres partenaires, nous avons fait un grand pas vers cet objectif.
Je conclus en citant un dirigeant africain que nous admirons tous : « Cela semble toujours impossible jusqu’à ce que ce soit fait »
Merci.