RDC : 4 priorités devraient inspirer le gouvernement sur le plan économique face au covid-19, selon le professeur Albert Tcheta-Bampa

Albert professeur
PAR Deskeco - 07 avr 2020 10:40, Dans Analyses

Dans un entretien exclusif accordé à DESKECO.COM, le professeur Albert Tcheta-Bampa propose au gouvernement  de privilégier ces quatre priorités sur le plan économique en vue de faire face à la crise engendrée par la pandémie du coronavirus.

De l’avis de ce chercheur au Centre d’économie de la Sorbonne, l’Exécutif national « doit encore agir plus fort qu’avant sans tarder sur le plan budgétaire pour protéger la population et les entreprises ». Ainsi, il propose ces quatre pistes pour permettre à l’économie nationale de s’en sortir :

La première des priorités est d’accentuer la politique budgétaire expansionniste, c’est-à-dire de créer les conditions pour que la demande et l’offre repartent. Il y a plusieurs moyens de le faire. L’Etat doit s’engager de manière crédible à maintenir un certain nombre de prestations sociales tout au long du cycle économique : ce sont les « stabilisateurs automatiques » que j’ai déjà évoqué. Les pays où les stabilisateurs automatiques jouent un rôle important sont aussi où la taille de l’Etat, c’est-à-dire le volume dépenses publiques par habitant, est élevé.

Ce sont ces pays qui ont aujourd’hui des faibles taux létales depuis le début de l’épidémie de coronavirus. Dans la plupart des cas, il s’agit principalement les pays de l’Europe du nord (Norvège, Danemark, Finlande et Suède) ou encore Allemagne et Belgique. Autrement dit, l’Etat a minima est un Etat sans stabilisateurs automatiques comme la RDC, qui n’est pas à mesure d’assurer contre les risques macroéconomiques. Si le gouvernement provincial de Kinshasa et le gouvernement central peinent à mettre en place des mesures de lutte contre la propagation de coronavirus, c’est en grande partie à cause de manque des minimas sociaux. Les deux composantes (composantes automatiques et composantes discrétionnaires) doivent agir simultanément pour que l’augmentation des dépenses publiques et la diminution des impôts puissent jouer un rôle utile durant la période de bas de cycle. 

Le gouvernement doit par ailleurs mettre en œuvre une politique monétaire contracyclique (i.e. une politique monétaire expansionniste). La Banque centrale du Congo (BCC) a récemment baissé son taux d’intérêt à 7,5%, mais, c’est encore insignifiant en raison de nombreuses difficultés qui empêchent la transmission rapide des effets de politique monétaire à la sphère réelle. Pour moi, un taux de 3% peut aider les ménages et les entreprises à emprunter sur le marché du crédit, mais le taux augmenteront lorsque l’économie redémarre. Au total, c’est la combinaison de la politique budgétaire expansionniste-politique monétaire expansionniste qui pourrait atténuer le choc économique causé par la pandémie de Covid-19.

La deuxième des priorités est de mettre en place des politiques budgétaire qui ciblent directement le marché du travail. Il y a deux moyens de le faire. Premièrement, dans le contexte actuel de contraction inédite de la production marchande du fait des restrictions multiples, de nombreux travailleurs ont perdu leur emploi et se retrouvent au chômage, le gouvernement doit adopter des politiques visant à atténuer les effets néfastes de cette situation. Par exemple, en généralisant le système d’assurance chômage, le gouvernement pourrait prolonger la période d’admissibilité au programme d’assurance emploi.

L’allongement de la période d’admissibilité soutient les dépenses des ménages et limite ainsi les effets multiplicateurs d’une baisse d’emploi ; elle accroît la consommation des ménages. Il s’agirait aujourd’hui d’une bonne mesure, surtout en raison des difficultés sociales qu’elles devraient soulager un grand nombre de travailleurs et leurs familles qui font face aux problèmes financiers du chômage lié aux effets du coronavirus. Un autre type de politique budgétaire réduisant le

chômage durant les récessions consiste à subventionner les salaires, ce qui favorise la création d’emplois. Des telles subventions sont justifiées dans le cas de la RDC parce le taux de chômage reste très élevé depuis plusieurs décennies. Les subventions salariales sont aussi adéquistes en RDC parce que les mesures de politique budgétaire et de politique monétaire traductionnelles y sont inefficaces dans la lutte contre le chômage.

La troisième priorité est de tailler le budget de l’Etat. L’Etat peut réduire ses dépenses publiques et revoir sa politique économique face à l’effondrement des cours du cuivre, principale ressource du pays. Ce qui reviendrait à réviser à la baisse par exemple, de 20 % le budget de fonctionnement de l’État, sans toucher  aux salaires des fonctionnaires et aux investissements en infrastructures productives (routes, énergie). Deux ministères du capital humain (Éducation et la Santé) doivent être aussi épargnés par la rationalisation des dépenses.

La quatrième priorité (conséquence de la troisième) est les dépenses santé. Alors que l’épidémie de coronavirus touche désormais plus de 100 personnes en RDC (et le taux létale est parmi les taux les plus élevés du monde, 10 %), l’Etat a fourni que peu de moyens pour lutter contre le coronavirus. L’épidémie de coronavirus rappelle combien il est nécessaire de renforcer les systèmes de santé. Le montant alloué à lutter contre la pandémie est très insignifiant au regard de nombre d’habitant du pays. On sait également que la RDC, dont le système de santé est déficient, est le pays souvent le plus touché par des épidémies qui touchent de manière disproportionnée les populations les plus vulnérables, moins préparées à limiter la propagation des agents pathogènes.

« Je suggère le gouvernement à agir massivement dès maintenant avec des investissements d’urgence dans les capacités sanitaires. Le gouvernement doit affecter au moins 1 milliard de dollar pour renforcer le système sanitaire du pays, notamment par l’amélioration de l’accès aux services de santé dans le but de protéger les populations de l’épidémie, le renforcement de la surveillance de la maladie, l’intensification des interventions de santé publique et la collaboration avec le secteur privé afin de minimiser les répercussions de l’épidémie sur les économies », pense ce professeur d’économie dans plusieurs universités.

Stanis Bujakera Tshiamala

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