Réduire l'inégalité pour créer des opportunités (Tribune de la DG du FMI)

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PAR Deskeco - 09 jan 2020 10:31, Dans Analyses

Au cours de la dernière décennie, l’inégalité est devenue l’un des problèmes les plus complexes et irritants de l’économie mondiale.

L’inégalité des chances, l’inégalité entre les générations, l’inégalité entre les femmes et les hommes et, bien sûr, l’inégalité de revenus et de richesse. Elles existent dans toutes nos sociétés et, malheureusement, progressent dans de nombreux pays.

La bonne nouvelle est que nous disposons de moyens pour y remédier à condition d’avoir la volonté de le faire. Bien qu’il soit politiquement difficile de faire des réformes, leur incidence positive sur la croissance et la productivité en vaut la peine.

Lutter contre l’inégalité

Combattre l’inégalité exige une nouvelle approche. Premièrement, sur le plan de la politique budgétaire et de la progressivité de l’impôt.

La progressivité de l’impôt est un élément essentiel d’une politique budgétaire efficace. Nos études montrent qu’au sommet de la distribution des revenus, les taux d’imposition marginaux peuvent être relevés sans que cela nuise à la croissance économique.

L’utilisation d’outils numériques pour collecter l’impôt peut aussi faire partie d’une stratégie globale de hausse des recettes intérieures. Réduire la corruption peut faciliter la perception des recettes et accroître la confiance dans l’État. Surtout, ces stratégies peuvent permettre d’obtenir les ressources nécessaires pour investir dans l’expansion des opportunités des communautés et des personnes qui sont marginalisées.

La prise en compte de l’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes dans le processus budgétaire constitue un autre outil budgétaire appréciable pour réduire l’inégalité. Alors que de nombreux pays reconnaissent la nécessité de l’égalité entre les sexes et de l’autonomisation des femmes, les gouvernements peuvent recourir à cet outil pour structurer à la fois les dépenses et les impôts de façon à réduire  davantage ces inégalités, en augmentant le taux d’activité des femmes au bénéfice de la croissance et de la stabilité.

Deuxièmement, les politiques de dépenses sociales sont de plus en plus importantes pour remédier à l’inégalité. Quand elles sont judicieuses, elles peuvent atténuer l’inégalité des revenus et ses effets préjudiciables à l’égalité des chances et à la cohésion sociale.

L’éducation, par exemple, prépare les jeunes à devenir des adultes productifs qui apporteront leur contribution à la société. Les soins médicaux sauvent des vies et peuvent améliorer la qualité de l’existence. Les régimes de retraite peuvent permettre aux personnes âgées de préserver leur dignité.

La capacité à augmenter les dépenses sociales conditionne aussi la réalisation des ODD. Un nouvelle étude du FMI montre que l’effort nécessaire varie beaucoup d’un pays à l’autre.

  • À titre d’exemple, dans des domaines clés comme la santé, l’éducation et les infrastructures prioritaires, nous estimons que les pays émergents devraient dépenser chaque année davantage, la hausse cumulée étant de l’ordre de 4 points de PIB en 2030, contre 15 points de PIB pour le pays moyen en développement à faible revenu.

Troisièmement, réformer la structure de l’économie pourrait appuyer les efforts de réduction de l’inégalité en diminuant les coûts d’ajustement, en réduisant au minimum les disparités régionales et en préparant les travailleurs à occuper un nombre croissant d’emplois verts.

  • Les politiques actives du marché du travail, par exemple l’aide à la recherche d’emplois, les programmes de formation et, dans certains cas, l’assurance chômage, peuvent renforcer les compétences des travailleurs et réduire les périodes de chômage.
  • Faciliter la mobilité de la main-d’œuvre entre les entreprises, les secteurs et les régions réduit au minimum les coûts d’ajustement et favorise le retour rapide à l’emploi. Les politiques en matière de logement, de crédit et d’infrastructures sont susceptibles d’encourager la mobilité.
  • Les politiques et les investissements ciblés géographiquement peuvent compléter les transferts sociaux existants.

Comment le FMI aide les pays à réduire l’inégalité

Au cours de la décennie écoulée, les efforts déployés par le FMI pour combattre l’inégalité ont été intégrés à nos activités de surveillance, de prêt, d’étude et de renforcement des capacités, et nous continuerons sur la même voie pendant les dix prochaines années.

Notre stratégie en matière de dépenses sociales est au cœur de notre approche des problèmes d’inclusion économique.

Notre accompagnement des pays part de l’idée que les dépenses sociales doivent être adéquates, mais aussi efficientes et financées durablement. Il ne s’agit pas seulement de critères. Ce sont les principes qui guident nos conseils. 

Si, par exemple, le montant des dépenses sociales n’est pas suffisant pour atteindre les ODD ou pour protéger une grande partie des pauvres et des ménages vulnérables, alors il faut l’augmenter.

  • De même, l’évolution démographique mettra la question de la viabilité budgétaire au premier plan du débat sur les dépenses sociales, notamment en matière de santé et de retraite.

L’essentiel est que l’atténuation des effets défavorables de l’ajustement sur les populations pauvres et vulnérables est maintenant, et restera, un objectif important.

Dans la pratique

Il est possible de tirer de précieux enseignements d’exemples récents de notre accompagnement des pays sur le plan des dépenses sociales :

  • Pendant l’application de son programme appuyé par le FMI, l’Égypte a plus que doublé le champ d’application des transferts monétaires, qui bénéficient maintenant à 2,3 millions de ménages.
  • Au Ghana, nous avons contribué à dégager un espace budgétaire afin d’augmenter les dépenses d’éducation : le pays a ainsi pu atteindre son objectif d’enseignement secondaire universel.
  • Nous avons conseillé le Japon sur la formulation d’options pour une réforme des retraites, si nécessaire à cette société vieillissante.

Chose importante, nous reconnaissons que personne ne bénéficie d’un rapport brillant qui trône sur une étagère. C’est pourquoi nous travaillons actuellement à la mise en œuvre de notre stratégie en matière de dépenses sociales en l’intégrant au cœur de notre activité de façon à ce que notre accompagnement soit mieux adapté aux préférences et particularités nationales.

Collaboration avec les partenaires

Qu’il s’agisse de combattre l’inégalité ou de se soucier des dépenses sociales, nous savons que nous ne pouvons pas le faire seuls.

Nous considérons que c’est un partenariat entre organisations internationales, universitaires, autorités nationales, société civile et secteur privé, œuvrant ensemble pour améliorer les politiques sociales et ouvrir la voie à la réalisation des ODD.

  • Ainsi, j’ai rencontré récemment les ministres du travail des pays du G7, dont l’expertise en matière de politique sociale et de l’emploi peut éclairer nos conseils. Nous pouvons faire œuvre utile en attirant davantage l’attention sur ces questions dans le dialogue plus général à propos de la stabilité et de la croissance.
  • De même, des organisations internationales comme la Banque mondiale et l’Organisation internationale du travail ont des connaissances inestimables dans le domaine des dépenses sociales.
  • La société civile, les universitaires, les groupes de réflexion et les syndicats ont tous des points de vue uniques à faire valoir. Ils enrichissent les nôtres, nous aidant à résister à la tentation de la « pensée de groupe », et nous permettent de mieux appréhender les particularités nationales.

Bien entendu, il n’existe pas de solution toute faite en ce qui concerne les dépenses sociales. Chaque pays a ses préférences, fait face à des défis distincts et a des aspirations différentes. Toutefois, en travaillant ensemble, nous aurons plus de chances de poser les bonnes questions et donc de trouver les bonnes réponses.

Par Kristalina Georgieva,

Directrice générale du FMI

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