Ex Katanga :Déficit de transparence des flux financiers infranationaux du secteur minier (Rapport)

PAR Deskeco - 24 mai 2019 10:16, Dans Actualités

C’est ce qu’indique un rapport que vient de publier, en début de la semaine en cours, l’Ong ASADHO (Association africaine de défense des Droits de l’Homme), une organisation apolitique de promotion et défense des droits de l’homme. Ce rapport est intitulé : « Les défis de la transparence et de la redevabilité dans la gestion des revenus infranationaux dans la province du Katanga ».

Il résulte donc d’une étude menée sur les revenus infranationaux issus du secteur minier dans l’ex province du Katanga, avec le soutien de NRGI (le Natural Resource Governance Institute). Ce, dans le cadre de l’utilisation des données de rapports de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) en République démocratique du Congo, dans le contexte de l’expérimentation de la décentralisation en Rdc.

Cette étude a porté spécifiquement sur la quotité de la redevance minière effectivement rétrocédée par le Gouvernement central à l’ex province du Katanga, aux recettes perçues par celle-ci (revenus infranationaux) à titre de taxes sur la voirie et drainage ainsi que sur les produits miniers concentrés à l’exportation (qui constituent les principales recettes de la province) pour la période allant de 2010 à 2014. Et ce, malgré le fait qu’elle s’est butée à la difficulté d’accès aux données et informations sur la question après le découpage de la province du Katanga.

Dans le budget provincial, démontre le rapport, la part de ces trois flux, qui font l’objet de ladite étude, est évaluée à plus ou moins soixante-dix pourcents des recettes de l’ex province du Katanga et constitue la principale source de financement des investissements et du fonctionnement des institutions provinciales. « Ce pourcentage exprime au mieux le niveau de la forte dépendance de la province vis-à-vis des revenus du secteur minier et l’impératif d’une gestion prudente des revenus, mais aussi la raison principale pour laquelle la présente étude se focalise sur les trois paiements infranationaux », commente-t-on dans ce rapport de l’ASADHO.

Selon cette étude, la gestion des revenus en provenance du secteur minier collectés par l’ex grand Katanga soulève encore plusieurs préoccupations en termes de transparence et de gouvernance. Puisque ces ressources occupent une place de choix en termes de la contribution au budget de l’ex province du Katanga.

« Ces recettes proviennent des ressources minières qui sont épuisables et non renouvelables. Et la province du Katanga tout comme toutes les autres provinces minières de la Rdc ne peuvent pas y compter éternellement pour leurs survie et investissements. Leur caractère non durable appelle à la vigilance et responsabilité en vue d’une gestion transparente et durable à même d’assurer leur développement et les aider à préparer l’après-mines », souligne ce rapport.

Les pratiques identifiées dans la gestion des flux financiers infranationaux en provenance du secteur minier dans l’ex province du Katanga pour la période allant de 2010 à 2014 ne concernent pas uniquement cette ancienne province, mais elles peuvent être élargies à toutes les autres provinces minières de la Rdc compte tenu du contexte du pays.

Les revenus ont contribué au développement mais n’ont pas respecté les exigences de la transparence et de la redevabilité

A la question de savoir si la gestion de ces revenus a respecté les exigences de la transparence, de la redevabilité et contribué au développement durable de cette province à travers la diversification économique afin de réduire sa dépendance vis-à-vis de l’exploitation des ressources minières, le rapport affirme que l’étude menée a identifié plusieurs projets de réhabilitation et construction des infrastructures routières principalement à Lubumbashi et dans les principaux centres urbains de la province, l’équipement de l’OVD et de l’Office des Routes en termes d’engins de génie civil. « Ces infrastructures ont eu le mérite d’avoir amélioré la mobilité des populations et le développement de certaines activités commerciales dans les communes bénéficiaires de ces investissements ».

Le rapport de l’ASADHO renseigne en outre qu’au-delà des infrastructures identifiées et visibles dans la ville de Lubumbashi et dans d’autres centres urbains, il y a plusieurs défis liés à la gestion des flux infranationaux dans cette province. Malgré l’existence sur papier de mécanismes de transparence, de contrôle et des institutions spécialisées au niveau de la province à même d’aider à la gestion transparente et durable de ces ressources, plusieurs pratiques négatives ont été identifiées.

Il s’agit du déficit de transparence dans la gestion et l’affectation des ressources collectées au titre des trois flux retenus par la présente étude (revenus infranationaux) dans l’ex province du Katanga ; l’absence de redevabilité dans le chef des responsables provinciaux en charge de la gestion de ces flux tant vis-à-vis de l’assemblée provinciale que de la population ainsi que l’absence de sanctions contre les auteurs des actes de mauvaise gestion ; et l’inexistence du débat public sur la gestion de ces flux au niveau de la province favorisée par le manque d’informations pour le public sur le budget, les recettes réalisées ainsi que leurs affectations.

Toutes ces pratiques identifiées, commente l’ASADHO dans son rapport, n’ont pas été de nature à favoriser une allocation responsable des revenus, le développement durable de la province du Katanga et encore moins à réduire sa dépendance vis-à-vis du secteur minier à partir des revenus infranationaux collectés.

« Les mécanismes de transparence existants n’ont pas été mis à profit pour améliorer la gestion de ces flux du fait de la prééminence du politique sur l’administration provinciale. Les services techniques qui interviennent en amont tout comme en aval pour garantir la transparence ont été ignorés. L’assemblée provinciale qui dispose du pouvoir constitutionnel et légal pour encadrer et contrôler l’action du Gouvernement provincial n’a pas joué ce rôle à la suite du clientélisme politique entre le Gouvernement provincial et cette institution délibérative », note le rapport.

Il affirme donc que les initiatives tendant à l’interpellation de membres du gouvernement provincial sur cette gestion des flux infranationaux ont été étouffées et accompagnées des intimidations contre leurs auteurs allant jusqu’à exposer l’intégrité physique de ceux-ci. Ce qui a laissé, selon le rapport, libre court à des pratiques non transparentes dans la gestion de ces flux.

Entre autres, la signature des contrats des marchés de réhabilitation et construction des infrastructures pour des montants très élevés sans appel d’offre préalable comme exigée par la loi ; le conflit d’intérêts aux niveaux des bénéficiaires finaux de certains marchés importants souvent politiques sans capacité ni technique ni financière ; l’utilisation des engins de génie civil appartenant à l’Etat et le personnel rémunéré par lui pour exécuter les marchés confiés aux privés ; l’absence de traçabilité et de vérification dans les préfinancements fait par les entreprises minières aux entreprises de construction ; la livraison des infrastructures non viables appelant à des nouveaux financements pour les mêmes routes,…

Dans sa conclusion, l’ASADHO déplore le manque de redevabilité totale des gestionnaires de ces flux financiers vis-à-vis des représentants du peuple et de la population, ainsi que le manque d’informations sur ces revenus et l’inaccessibilité aux données relatives à leurs utilisations qui, selon l’Ong, n’ont pas favorisé le débat public pour permettre aux citoyens de demander de comptes.

Lepetit Baende

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