RDC : Quand les calculs politiques à l’Assemblée nationale entravent le débat pour l’adoption d’un budget crédible pour 2026

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PAR Deskeco - 28 oct 2025 10:36, Dans Finances

En République démocratique du Congo (RDC), l’Assemblée nationale n’a pas encore entamé l’examen du projet de loi des finances exercice 2026, déposé depuis le 15 septembre 2025 par la Première Ministre, Cheffe du Gouvernement. Actuellement, la chambre basse du parlement est préoccupée par l’installation de quelques membres de son nouveau bureau, après la démission de son ancien président, Vital Kamerhe. Plus le temps passe, plus des questions surgissent sur le temps de l’examen du projet de loi des finances au vu du volume des documents à examiner, sur la qualité du débat ainsi que sur le respect du principe de sincérité que doit revêtir la loi des finances.

 Base juridique des finances en RDC

L’exécution du budget en RDC a pour base juridique la Constitution du 18 février 2006, ainsi que la loi n°11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques.

Selon l’article 126 de la Constitution de la RDC, « le projet de loi de finances de l’année, qui comprend notamment le budget, est déposé par le Gouvernement au Bureau de l’Assemblée nationale au plus tard le quinze septembre de chaque année ».

Dans le cas sous examen, le gouvernement dirigé par Judith Suminwa a effectivement déposé le projet de loi des finances le 15 septembre dernier à l’Assemblée nationale, à l’ouverture de la session de septembre, dite session budgétaire. Le projet déposé par le gouvernement se chiffre d’ailleurs à 20,3 milliards USD, soit une hausse de 16,4 % par rapport à celui de 2025.

Du temps de l’examen du projet de loi des finances

Pour le temps d’examen du projet de loi des finances, les avis divergent sur ce que dit réellement la loi. À ce sujet, la Constitution ne dit pas clairement le délai dont dispose le Parlement pour examiner et adopter le projet de loi. Seulement, selon l’article 126 de la Constitution, le projet de loi des finances déposé dans le délai est mis en vigueur par le président de la République, sur proposition du Gouvernement délibérée en Conseil des ministres, compte tenu des amendements votés par chacune des deux Chambres, s’il n’est pas voté avant l’ouverture du nouvel exercice, soit le premier janvier.

 La loi de 2011 relative aux finances publiques précise pour sa part :

 « L’Assemblée nationale dispose de 40 jours à compter de la date du dépôt pour adopter le projet de loi de finances de l'année », indique l’article 83 de la loi de 2011 relative aux finances publiques.

S’il faut compter 40 jours depuis le dépôt du projet de loi des finances par le gouvernement, le délai a expiré depuis samedi 25 octobre dernier.

Le député national Pasi Zapamba explique qu’il faut plutôt s’inquiéter si le projet de loi des finances n’est pas transmis au président de la République pour promulgation avant la fin de la session budgétaire, soit le 31 décembre.

Il rassure :

 « La loi des finances sera traitée peu importe le temps où le bureau sera installé, avant la fin de cette session. On n’aura pas besoin de 40 jours. On peut tout examiner même en deux semaines. Le plus important c’est que la loi soit promulguée avant le 31 décembre ». Il s’interroge tout de même : « Est-ce qu’ici on respecte la loi ? » s’interroge-t-il, contacté par ACTUALITE.CD.

Expert en finances publiques et enseignant, Daddy Lukwasa précise que les 40 jours dont il est question dans la loi, c’est à partir du moment où l’Assemblée nationale se met à examiner le projet de loi des finances. « Ils ne peuvent pas dépasser ce délai. Mais ils peuvent aussi faire moins de 40 jours »

Il conseille par ailleurs de ne pas faire une analyse isolée de la loi, mais de confronter différentes dispositions légales pour une bonne compréhension.

Un autre expert, Jean-Baptiste Veko, assistant technique au Comité de pilotage et d'orientation de la réforme des finances publiques (Coref), estime pour sa part que la loi devrait s’appliquer dans le cas actuel. « L’Assemblée nationale devrait transmettre au Sénat le projet de loi des finances », dit-il à ACTUALITE.CD.

Cette explication semble être en conformité avec une autre disposition de la loi de 2011 relative aux finances publiques : 

« Si le projet de loi de finances de l'année déposé dans le délai constitutionnel n'est pas voté dans les 40 jours suivant l'ouverture de la session budgétaire, ledit projet est transmis au Sénat pour être adopté dans les 20 jours ».

Risques d’un budget bâclé, de formalité

Plus le temps de l’examen passe, plus les parlementaires ont la possibilité de faire une analyse superficielle du budget de l’État, estime pour sa part Valéry Madianga, coordonnateur national du Centre des recherches en finances publiques et développement local (Crefdl). 

« Le projet de loi des finances est accompagné de 13 documents budgétaires. S’ils ne sont pas bien analysés, on risque d’autoriser des crédits qui sont parfois insuffisants. Les incohérences budgétaires ne seront pas non plus analysées avec pertinence », a-t-il indiqué. 

Il craint par ailleurs qu’à cause du manque d’analyse de fond, certaines entités non éligibles aux affectations de l’État se voient doter de crédits, sans la possibilité de les détecter. 

« Ce sera donc un budget bâclé, un document de formalité, juste parce que nous en avons besoin. Il n’y aura pas moyen de comprendre s’il y a plus d’impôts, moins de taxes, s’il y a minoration des recettes, tiennent-elles compte du potentiel du pays, et ainsi de suite », a-t-il fait savoir. 

Entre-temps, les tractations se poursuivent à l’Assemblée nationale pour l’élection du nouveau bureau de l’Assemblée nationale. C’est après cette élection que la chambre basse du Parlement va se mettre à examiner d’abord le projet de loi portant reddition des comptes pour l’exercice 2024, avant l’adoption de la loi des finances pour l’exercice 2026.

Bruno Nsaka

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