La mission du Fonds monétaire international (FMI) a tenu, ce mardi 28 octobre 2025, une réunion particulièrement avec les responsables de la Banque centrale du Congo, avec en sa tête le gouverneur André Wameso. Les échanges ont porté spécifiquement sur la politique monétaire actuelle de l’institution monétaire.
Pour rappel, le franc congolais a connu une appréciation rapide et accélérée face au dollars américain, passant de 2 850 à 2 000 FC pour un dollar selon le taux indicatif de la Bcc, et dans les marchés interbancaires, il était passé jusqu’à 1 900 voire 1 800 FC. Cette fluctuation a été expliquée par l’injection de 50 millions de dollars américains sur le marché et la réduction du taux directeur par l’institution de l’émission.
Cette appréciation brusque n’a non seulement entraîné des conséquences néfastes sur le pouvoir d’achat déjà affaibli de la population congolaise, mais également sur les finances publiques. Concernant le pouvoir d’achat, le mouvement national de consommateurs lésés par exemple, a, dans un récent communiqué, dénoncé le fait que cette appréciation n’a pas été accompagnée de la baisse de prix de biens sur le marché local, notamment des denrées alimentaires. L’organisation a, dans sa correspondance, appelé les autorités à agir « sans délai » pour que la population reprenne son pouvoir.
S’agissant de son impact sur les finances publiques, un expert en finances publiques, Flory Mapamboli, a alerté, dans un post, sur la perte de recettes courantes que cette appréciation brusque peut avoir. Il a rappelé que cette situation risque de jouer négativement sur les finances publiques, d’autant plus que les comptabilités des entreprises sont tenues en dollars américains.
« Si cette appréciation continue, les recettes courantes baisseront, parce que les comptabilités des entreprises sont tenues en USD, les salaires dans le secteur privé sont payés en USD, alors que les dépenses contraignantes (payées en CDF) resteront les mêmes. On risque également d'assister à une contraction de la demande globale. 90% des dépôts dans les banques sont en USD. Plus de 85% des transactions se dénouent en USD », avait-t-il expliqué.
De ce fait, cette réunion avec le Fmi s’est inscrite dans le cadre des évaluations des engagements pris avec le gouvernement congolais pour la deuxième revue du programme économique, appuyé par la Facilité Élargie de Crédit (FEC) et la Facilité pour la Résilience et la Durabilité (FRD) que le Fmi a avec la RDC. Pour rappel, pour l’exécution de ce programme, consistant au décaissement de fonds selon revue, l’institution monétaire internationale avait imposé des conditionnalités, dont la bonne gouvernance de finances publiques, qui devrait être soutenue par de bonnes politiques budgétaire et monétaire, conduisant à l’amélioration de vie de la population.
Déjà à Washington où se sont tenus dernièrement les récentes assemblées annuelles des institutions de Bretton Woods, le Fmi avait rappelé le gouvernement sur la préservation du pouvoir d’achat de la population tenant compte de la politique de Banque centrale du Congo qui est en vigueur.
Un autre fait qui n’est pas anodin, c’est le fait que la mission de FMI avait prévu le décaissement de la deuxième revue en octobre, mais chose qui ne s’est pas faite. Pour cette deuxième revue, le gouvernement a dû réouvrir ce lundi 27 octobre, une autre réunion de la troïka, alors que plusieurs réunions ont été déjà tenues au début du mois de septembre 2025 avec les différents membres de gouvernement en vue d’évaluer la mise en œuvre des engagements qui ont été pris.
Parmi ces engagements, figurait notamment la mise en œuvre de reformes pour renforcer la gouvernance de finances publiques, avec un accent particulier sur la réduction de recours à la procédure d’urgence. Mais il s’est révélé que, selon les états de suivi budgétaire du premier semestre, les constats sont amers. Le gouvernement n’a pratiquement pas respecté cet engagement, d’autant que plus d’un milliard de dollars ont été dépensés en mode d’urgence au premier semestre 2025.
Dans ce cadre, lors de la 64ième réunion du conseil de ministres tenue la semaine dernière, la première ministre a appelé le gouvernement au strict respect de la chaîne de dépenses, afin de préserver les engagements pris avec les partenaires techniques et financiers, ainsi que maintenir la stabilité monétaire. Dans le même registre, le président de la République, Félix Tshisekedi, a réuni, la semaine dernière, la première ministre, les ministres de l’économie, du budget, de finances et le gouverneur de la banque centrale du Congo pour mettre sur la table cette question de l’appréciation de Franc congolais, afin de préserver le pouvoir d’achat de la population.
La Bcc a, de sa part, réagi ce lundi 27 octobre, en rassurant sur les récentes variations observées sur le marché des changes. Dans un communiqué publié, l’institution monétaire a indiqué que ces légères fluctuations traduisaient en réalité une normalisation progressive du taux de change, après une période d’ajustements techniques liés à la politique monétaire.
Jean-Baptiste Leni