L'Observatoire de la dépense publique (ODEP) tire la sonnette d'alarme sur la mauvaise gestion de la dotation de 0,3 % du chiffre d'affaires des entreprises minières, instaurée par le Code minier de 2018 pour améliorer les conditions de vie des communautés locales. Dans une synthèse du rapport d'audit de la Cour des comptes publiée ce lundi, l'ODEP dénonce un système défaillant, marqué par des fraudes, des détournements et un manque flagrant de transparence.
Selon l'organisation, seulement 213 millions USD ont été versés sur les 310 millions attendus entre 2018 et 2023. Cette perte de près de 100 millions USD est aggravée par des déclarations fiscales manipulées, ayant entraîné un déficit additionnel estimé à 50 millions USD. Certaines sociétés minières auraient sciemment sous-déclaré leurs chiffres d'affaires pour échapper à leurs obligations. Pire encore, un écart de 16 milliards USD a été identifié entre les déclarations fiscales officielles et celles faites aux structures locales de gestion des fonds (DOTs).
Sur les 70 entreprises minières concernées, seules 46 DOTs ont été créées, et la majorité souffre d'irrégularités : contrats opaques, absence d'appels d'offres, dépenses non justifiées, et même des détournements, comme les 47 500 USD signalés à la DOT de Shituru Mining Corporation.
Le non-respect de la répartition légale des fonds - 90 % pour les projets communautaires, 6 % pour les DOTs et 4 % pour la supervision - prive les populations locales de services sociaux de base : écoles, centres de santé ou routes.
« Ce mécanisme censé réparer les injustices minières est devenu une trahison pour les communautés », déplore Florimond Muteba Tshitenge, président de l'ODEP.
Face à ce constat, l'ODEP recommande la mise en place d'une plateforme numérique de traçabilité, des sanctions contre les entreprises défaillantes, la formation des comités locaux de gestion et un encadrement légal renforcé, incluant la société civile.
L'organisation plaide également pour des audits citoyens indépendants, afin que les retombées du secteur minier profitent réellement aux Congolais.
Jean-Baptiste Leni