Les organisations de la société civile écrivent à nouveau au secrétaire d'État américain et à la secrétaire du Trésor pour exprimer à nouveau leur inquiétude grandissante concernant un éventuel allègement des sanctions imposées à l’homme d’affaires Israélien Dan Gertler. Ces organisations estiment que les conditions légales pour la levée de ces sanctions ne sont pas remplies et que les lever nuirait aux intérêts des États-Unis en matière de lutte contre la corruption, de promotion de la prospérité en République démocratique du Congo (RDC), et le maintien de la crédibilité et de l’efficacité d’instruments de sanctions comme le programme Global Magnitsky, rapporte The Sentry.
Le groupe des ONG rappelle dans leur missive que le Département du Trésor a sanctionné M. Gertler et ses sociétés pour corruption en RDC, en décembre 2017. Selon le communiqué de presse du Trésor, « la RDC aurait perdu plus de 1,36 milliard de dollars » en conséquence de ses « accords opaques et entachés de corruption ». (M. Gertler a constamment nié tout acte répréhensible.)
Le gouvernement et la présidence de la RDC exhortent désormais le gouvernement américain à accorder de nouveau à M. Gertler une levée des sanctions. La RDC agit ainsi à la suite de l’accord de règlement des litiges (l’« Accord ») qu’elle a signé en février 2022 avec Ventora, la société de M. Gertler. "Cet accord n’a été que partiellement rendu public après une forte pression de la part du Fonds monétaire international et des organisations de la société civile", écrivent les ONG.
Dans leur lettre, ces ONG estiment que les 4 conditions requises ne sont pas remplies pour la levée des sanctions contre Dan Gertler.
"Selon le Global Magnitsky Human Rights Accountability Act (loi Global Magnitsky sur la redevabilité en matière de droits humains), les sanctions imposées dans le cadre de ce programme ne peuvent être levées que (1) s’il existe des informations crédibles selon lesquelles la personne visée ne s’est pas livrée aux activités pour lesquelles les sanctions ont été imposées ; (2) si la personne a été poursuivie en justice pour les activités en question ; (3) si la personne a fait preuve d’un changement significatif de comportement, a subi des conséquences appropriées pour ses actes et s’est engagée de manière crédible à ne plus se livrer à un tel comportement ; ou (4) si une telle levée est jugée conforme aux intérêts des États-Unis en matière de sécurité nationale", insistent les ONG.
A les en croire, l'accord de la RDC et Ventora oblige le pays à payer 189 millions d'euros à l'entreprise de Gertler. Aucune perspective de redevabilité.
"L’Accord ne fournit par ailleurs pas de perspective de redevabilité. Au contraire, il protège explicitement les sociétés affiliées à M. Gertler contre toute poursuite judiciaire en RDC, le pays auquel il a causé du tort. Au lieu de recevoir des réparations pour les milliards qu’elle a perdus, la RDC va effectuer un paiement net de 189 millions d’euros à l’entreprise de M. Gertler pour lui racheter des blocs d’extraction de pétrole et des permis d’exploitation minière que M. Gertler n’a pas pu revendre avant d’être sanctionné", dénoncent ces ONG.
Elles ajoutent que cet accord permet à Dan Gertler de toucher 200 000 dollars par jour pendant une décennie.
"Plutôt que de subir les conséquences appropriées de ses actes, M. Gertler va continuer à percevoir, pendant au moins une décennie, une moyenne de 200 000 dollars par jour de royalties provenant de trois projets miniers très lucratifs. L’Accord confirme la validité de ces transactions, en dépit de la manière douteuse dont M. Gertler les a conclus. Si M. Gertler est en droit de contester les allégations portées contre lui, son absence totale de contrition ou d’introspection apparente fait qu’il est difficile d’affirmer qu’il s’est « engagé de manière crédible » à ne plus recourir à ce genre de pratiques à l’avenir", ajoutent-elles.
En fin, elles estiment que la levée de ces sanctions est contraire aux intérêts des États-Unis en matière de sécurité nationale.
"Le pouvoir des sanctions américaines vous a donné une force d’influence sur les négociations actuelles, ainsi qu’une responsabilité de faire en sorte que le résultat ne vienne pas aggraver des injustices passées. Nous vous demandons instamment d’user de votre voix et de votre influence pour soutenir le peuple congolais", demandent-elles aux secrétaires d'État et au Trésor américains.
Il s'agit des ONGs : Afrewatch, Congo n'est pas à vendre, Cadre de concertation de la société civile de l'Ituri, CODED, Filimbi, Congo nouveau, Human Right First, Human Right Watch, Lucha...