Une coalition d'ONG européennes travaillant sur l'approvisionnement responsable en minerais publie aujourd’hui un rapport dressant un état des lieux de la mise en œuvre du Règlement européen sur les minerais de conflit par les États membres de l'Union européenne (UE). Le rapport souligne les lacunes du Règlement et le manque général de transparence qui empêche un contrôle efficace des entreprises.
Le Règlement européen sur les minerais de conflit, également appelé Règlement sur l'approvisionnement responsable en minerais, est entré en vigueur le 1er janvier 2021. À ce jour, chaque État membre de l'UE devrait avoir mis en place une autorité compétente pour son application et précisé les règles de surveillance de la mise en œuvre au niveau national. Dans les faits, l'état d'avancement de la mise en œuvre varie fortement d'un pays à l'autre.
Le rapport dresse un état des lieux et compare les processus de mise en œuvre au sein des États membres,[1] permettant d'identifier les « bons élèves ». Alors que l'Autriche et la République tchèque sont les plus performantes en matière de transparence, certains pays comme la Finlande et les Pays-Bas ont également pris des dispositions intéressantes. D’autres États membres sont quant à eux à la traine.
L'adoption de la législation constitue un pas important vers la limitation de l'importation de minerais 3TG[2] dans l'UE. Cependant, il est important de garder à l'esprit que cette législation est le résultat de négociations complexes et longues, qui ont abouti à des compromis politiques, entraînant plusieurs risques qui pourraient finalement nuire à son efficacité. Ces lacunes pourraient être utilisées par les entreprises pour se soustraire à leurs obligations et ne pas respecter les dispositions du Règlement. La coalition d'ONG met en évidence ces principaux risques dans son rapport.
L’absence de clarté et les mises en œuvre divergentes du règlement quant aux mécanismes de contrôle et sanctions inquiètent beaucoup les acteurs de la société civile. Il est à craindre que l'impact final de la législation soit miné par ces fluctuations. Comme le souligne Clara Debeve, directrice d'EurAc : « il est crucial que les décideurs et décideuses gardent à l'esprit l'objectif politique que sous-tend la Réglementation. Cela implique un mécanisme de contrôle fort et efficient et de laisser moins de place pour l'interprétation du Règlement par les États membres.»
Une autre grave lacune est le manque d’information et de transparence pour savoir quelles entreprises tombent sous le coup du Règlement ; ainsi que la capacité réelle de relier la production en amont de la chaine aux importations de l'UE. « Comme il n'existe actuellement aucune liste publique des importations des entreprises européennes et des entreprises relevant du Règlement dans la plupart des pays, il devient très difficile pour les organisations de la société civile européenne et leurs partenaires des pays producteurs de faire part de leurs préoccupations à leurs autorités compétentes nationales lorsqu'ils observent des irrégularités sur le terrain », explique Clara Debeve.
Enfin, l'application de seuils d'importation en volume risque d'exclure les importations les plus risquées et de donner aux entreprises la possibilité de contourner le Règlement.
La coalition d'ONG énumère une série de recommandations préliminaires pour préparer le processus de révision officiel que la Commission européenne mènera pour la première fois le 1er janvier 2023.
Le Règlement européen sur les minerais de conflit a été adopté en 2017. Selon la Commission européenne, les obligations de diligence raisonnable prévues par le Règlement entre 600 et 1 000 entreprises européennes d’importation seraient concernées. L'objectif principal du Règlement est de briser le lien entre, d’une part l'extraction et le commerce des minerais, et d’autre part les conflits violents, la corruption et la fragilité structurelle. Comme l'ont abondamment montré des publications récentes, malgré l'importante source de développement qu'ils pourraient constituer, l'exploitation et le commerce des minerais sont à l'origine de violations des droits humains et de corruption à grande échelle, et contribuent encore aujourd’hui à saper l'État de droit et le développement démocratique dans certains pays producteurs.