Voici comment l’Etat a contribué à la dévalorisation de la fonction enseignante pendant 26 ans

PAR Deskeco - 30 avr 2019 13:46, Dans Actualités

En cette journée festive, la rédaction de DESKECO revient sur l’évolution du salaire de l’enseignant du primaire et secondaire, quelques une de leurs revendications restées lettre morte jusqu’à ces jours.

L’Episcopat congolais sauve l’enseignement en 1993

Suite aux années blanches à répétition que la RDC a connu pendant les années 1990-1993, le 10 septembre 1993, l’épiscopat de l’Eglise Catholique de la RDC avait pris la décision d’initier le système de prise en charge des Enseignants par les parents comme mode de gestion et de fonctionnement des écoles. Car, l’Etat était devenu défaillant et n’étant plus en mesure d’assurer ses responsabilités. Les Frais d’Intervention Ponctuels (FIP) ont été instaurés de manière provisoire en 1994. Ils répondaient alors à la nécessité d’assurer temporairement le financement du système éducatif, jusqu’à ce que l’Etat soit en mesure de remplir ses prérogatives.

Il était payé au directeur de l’école, mais une part revenait successivement à la Coordination des Enseignants au niveau provincial, puis au Chef de Division de l’enseignement provincial et enfin au Ministère. Cette évolution de la portée du FIP a entraîné une augmentation continue de son montant. En 2000-2001, le FIP s’élevait suivant le type d’établissements dans une fourchette allant de 700 fc (école officielle en périphérie) à 5.250 fc (école privée du centre).

Le FIP deviendra alors, le principal facteur d’abandon scolaire. L’impact a été plus important sur les ménages disposant de faibles moyens. Face à la baisse continue du taux de scolarisation depuis 1999-2000, à la marginalisation ou la privation à l’enseignement des enfants des familles pauvres et à la discrimination entre filles et garçons au profit des seconds que le FIP entraîne, les évêques, au terme d’une assemblée plénière du 28 juin au 3 juillet 2004, demandent au Gouvernement de Transition de bien vouloir payer aux enseignants un salaire décent, équitable et régulier.

Mbudi, un accord des dupes !

L’appel des évêques a été en moitié entendu. Après la menace de grève par les enseignants, le Gouvernement de transition ouvre des négociations pour le règlement de la crise.

Des négociations entamées entre les syndicats de l'Enseignement primaire, secondaire et professionnel (EPSP) et le Gouvernement avaient abouti. L’accord signé le 12 février 2004 prévoyait le paiement de 208 USD à un huissier et 2.080 USD au Secrétaire Général de l'Administration Publique. Dans un premier temps, les partis avaient décidé l'établissement d'une enveloppe salariale qui allouait à un huissier environ 50 USD et 100 USD au Secrétaire Général. Malgré l'octroi de cette enveloppe, la tension était loin de baisser dans les rangs des enseignants. Ils ont estimé « que le Gouvernement était loin de satisfaire à leurs revendications » conformément au « Contrat social de l’innovation », communément appelé Accord de Mbudi. Le SYNECAT, qui a participé à ces négociations regrette la non application de cet accord, qui aurait amélioré la vie sociale des enseignants.

Après signature de l’accord, le Ministre de l’E.P.S.P. prit la décision de supprimer la prise en charge des enseignants par les parents en élargissant à l’ensemble des écoles publiques de la RDC. En outre, il annonça le paiement unique de 50 FC comme frais de minerval par an et par élève ainsi que le versement de 80.000 FC pour le fonctionnement par trimestre et par école dès la rentrée scolaire 2005-2006. Mais aussi la mise en application du barème négocier avec les enseignants. François Mwamba, alors Ministre du budget, a déclaré le jeudi 27 octobre 2006 devant les députés que l’application des Accords de Mbudi n’était pas envisageable dans le contexte actuel, faute de ressources.  Inquiet, les enseignants décident d’aller en grève tout en réclamant l’application de l’accord de Mbudi, qui restera sur le papier faute d’application.

Marathon d’espoirs entre 2006-2018

Après les élections de 2006, les revendications des enseignants sont restées identiques, mais exigeaient en surplus l’application des Accords de Mbudi (2004), la barémisation des salaires, la fin de la prime de motivation payée par les parents, la mutuelle de santé de l’enseignant et assurer la retraite.

Pour améliorer le système éducatif, le Gouvernement adopte en 2010 le programme intérimaire de l’éducation, dont les résultats restent mitigés. En 2016, une stratégie sectorielle de la formation et de l’éducation 2016-2025 fut élaborée et adoptée par tous les partenaires de l’éducation.  Ces deux stratégies sectorielles n’ont jamais été pris en compte dans les différents budgets de l’Etat afin de prendre en compte les revendications des enseignants, renseigne un rapport d’analyse de la société civile sur le projet de Loi de finances 2018. Car, le budget annuel de l’enseignement est évalué à 968 324 611,50 USD soit 17,62% de l’ensemble des dépenses publiques, dont 0,56% à l’enseignement primaire et 0,61% à l’enseignement secondaire.

Ainsi, le salaire moyen de l’enseignant est passé de 93.000 FC/ 99 USD en 2012 à 135.000 FC/92 USD en 2017 puis 160.000 FC/ 96 USD en 2019 contre 49.000 FC en 2007. Le nombre d’enseignants payés est passé de 225.723 en 2006 à 427 862 en 2019. Le nombre d’enseignants non payés à ce jour est de 145.828. Plus de 100.000 affiliés à la Mutuelle de Santé des enseignants dont 40% des membres titulaires et 60% des personnes à charge.

Pour résorber l’effectif de 145.828 enseignants à mécaniser, un palier annuel de 50.000 enseignants a été prévu dans les politiques publiques du ministère de l’EPSP de 2016-2018 puis de 2018-2020. Cependant, faute de moyen, le Gouvernement se contente de mécaniser 5000 enseignants par an.

S’agissant de la retraite, la question n’est pas suffisamment prise en charge dans les différents budgets de l’Etat. Un effectif de 6.746 agents des retraités et rentiers est prévu pour une enveloppe annuelle de 1.270.379.070 FC/769 926 USD. De ce montant, l'enveloppe à payer par mois est de 15.692 FC. En plus, les effectifs réels des enseignants retraités n'est pas connu.

Selon les différents mouvements de syndicats des enseignants, il s’agit ici de la mauvaise foi du Gouvernement. Il n’existe pas d’augmentation de salaire, mais plutôt d’un rattrapage au tôt de dollar américain.

Après plusieurs négociations, en août 2017 le Gouvernement signe un protocole d’accord avec le consortium de syndicats de l’éducation, réclamant le paiement de 100 USD pour un huissier et la mécanisation de 105.000 enseignants. Pour l’instant, ce paiement se fait par palier. Mais, les parents poursuivent la prise en charge des enseignants : formation, rémunération et fonctionnement des écoles. Cette contribution est évaluée à 75% au financement de l’enseignement, selon plusieurs ONG travaillant sur la question de l’éducation.

Pour améliorer les conditions de vie de l’enseignant, la stratégie sectorielle de l’éducation et de la formation 2016-2025 a fait une projection de 1 313,4 milliard de dollars américains pour l’exercice budgétaire 2020. Si le Chef de l’Etat veut assurer la gratuité de l’enseignement de base pour l’année scolaire 2019-2020 comme annoncé, ce montant doit être effectivement mis à la disposition de la rubrique rémunération du Ministère de l’EPSP.

VM

 

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