Le secteur bancaire est un des ceux qui traduisent dans le concret lembellie économique de ces dernières années en RD Congo. Dans la capitale Kinshasa, lon ne peut passer inaperçu les 18 banques commerciales, facilement reconnaissables par larchitecture moderne de leur bâtiment.
Les banques servent à financer léconomie dun pays. Pour autant, sil ny a pas un véritable engagement de leur part, de simprégner des exigences du développement durable, il y a lieu de craindre que les banques congolaises ne financent une économie carbonisée, responsable du réchauffement climatique, et qui ne soit pas viable dans le long terme.
Malgré lengagement des pays africains à mettre en uvre les grandes options arrêtées à Paris à lissue de la 21ème conférence des parties sur le climat et tout récemment à la COP22 de Marrakech, le financement des projets écologiques par les banques restent très timide. En République démocratique du Congo, les crédits verts sont tout simplement un luxe dans lunivers bancaire.
Une offre bancaire restée classique
Cest en parcourant les principales offres bancaires disponibles en RDC que lon se rend vite compte que le développement durable reste un défi majeur dans ce secteur. Même si la quasi-totalité des banques commerciales congolaises, dans leurs missions et visions, disent se soucier des conséquences sociales, sociétales et environnementales des projets quelles financent, la réalité est toute autre.
Certes, certaines banques congolaises ont fait des progrès dans la Responsabilité sociale et environnementale. Seulement, elles sont à compter au bout de doigt, celles qui octroient des crédits à des taux avantageux quand il sagit des projets écologiques. Dans leur manière doctroyer des crédits, de placer des fonds ou de conseiller leurs clients, les banquiers ne devraient aucunement négliger laspect de la durabilité des projets financés, le respect des normes environnementales et sociétales.
Loffre bancaire congolaise est restée classique. Les demandes de crédits sont traitées sur base des critères traditionnels : lapport personnel, la rentabilité du projet présenté et les garanties de remboursement présentées par lemprunteur. Tant quun projet remplit ces critères il peut être financé, en dépit du fait quil peut être fortement polluant ou très nuisible aux écosystèmes et aux populations.
Actuellement en RDC, investir dans léconomie verte noffre aucun avantage comparatif à un entrepreneur par rapport au taux dintérêt de crédit sollicité. Dailleurs, en scrutant les services bancaires en RDC, il y a très peu qui font un lien avec le développement durable. « Equity Bank » se justifie ainsi sur son offre de crédit vert: « en finançant ces investissements, nous contribuons à la promotion des entreprises et des maisons respectueuses de lenvironnement, et en même temps stimuler léconomie verte en RDC ».
La RAWBANK a participé, en juin 2015 à Abidjan, au programme de formation organisé par la SFI (Société financière internationale) portant sur la responsabilité sociale et environnementale. « Désormais, la banque intègre dans ses procédures opérationnelles les normes des standards de performance environnementale adoptées par la SFI et ce, également dans le respect des « Principes de lEquateur » utilisés par les grandes banques internationales. Ces principes impliquent la prise en compte des critères sociaux, sociétaux et environnementaux dans le financement de projets », affirme cette institution bancaire.
BGFI Bank, Ecobank RDC, Trad Merchant Bank (TMB), la Banque commerciale du Congo (BCDC) ainsi que dautres banques panafricaines et des institutions de microfinance font référence à leurs responsabilités sociétale et environnementale. Cependant, loctroi des crédits prioritairement aux projets écologiques et à des taux avantageux nest pas encore très répandu en RDC.
Les énergies renouvelables, les constructions écologiques, la gestion de leau, la gestion des déchets, les transports en commun, laménagement du territoire incluant les constructions adaptées aux aléas climatiques, sont autant des secteurs qui nécessitent des financements verts et susceptibles de promouvoir un développement soutenable en RDC. Le soutien des banques reste très limité.
La BCC doit encourager les financements verts
Pour parvenir à une émergence économique durable, que les Congolais appellent de tous leurs vux, il faut bannir des modèles économiques responsables de pollutions hors norme, de gaspillage, de lépuisement des ressources non renouvelables voire de la destruction aveugle de lenvironnement.
Toutes les institutions de la République doivent y participer, le gouvernement en premier. La Banque centrale du Congo, étant la banque mère, ne doit pas seulement baisser ses taux directeurs pour stimuler linvestissement, mais encourager, même sur une base volontaire, les banques commerciales à proposer des financements verts car nécessaires à la stabilité économique à long terme.
Développement durable oblige
Aucun secteur dactivité ne devrait rester en marge du développement durable, au regard de la responsabilité de tous face aux effets désastreux du dérèglement climatique. Les banques, par leurs financements, devraient être des acteurs clefs du développement durable puisquelles ont accès à des leviers importants dintervention dans léconomie nationale.
Selon les bonnes pratiques internationales, dans ce monde moderne, face aux exigences de la durabilité de léconomie, le crédit bancaire ne se focalise plus seulement sur la seule performance financière à court terme encore moins sur la seule rentabilité économique dun projet. Il doit viser, en plus, la stabilité économique à long terme, la responsabilité sociétale et le respect de lenvironnement. Surtout que des projets intégrant le développement durable sont bénéfiques pour tout le monde: lÉtat, lenvironnement, la société et donc pour les banques aussi.
Le réchauffement climatique actuel est dû justement au financement dune économie exagérément polluante dont les conséquences sont déjà perceptibles dans le monde entier. La RD Congo, pays riche en ressources naturelles, a trente-six fois à gagner avec des projets garantissant une exploitation rationnelle de ses potentialités afin que les investissements effectués soient bénéfiques aussi bien aux générations actuelles mais sans compromettre ceux des populations de demain. Puisquil est prouvé quun projet peut être à la fois durable et rentable commercialement.
Les quelques projets écologiques réalisés en RDC lont été à la faveur du financement de la Banque mondiale ou des Ong du secteur de lenvironnement. Le fonds vert climat est attendu pour booster les investissements dans léconomie verte en vue de préserver la biodiversité et de soutenir le développement durable en RDC.
La RDC attend 21,6 milliards Usd de la communauté internationale dans le cadre de sa contribution pays présentée à la Cop 21 pour faire face aux effets du changement climatique mais aussi pour préserver sa riche biodiversité. En attendant ce financement, les banques devraient sengager à encourager prioritairement les investissements verts en RDC.
Amédée MK