Les experts notent que le marché des assurances en RDC est très attractif. Avec la libéralisation, les enjeux sont considérables : une cible de 80 millions dhabitants, une croissance économique qui répare à la hausse et un marché estimé à 500 Millions USD par an, exclusivement sur les assurances Non Vie. Et donc, après près dun demi-siècle dun monopole dÉtat défaillant, la libéralisation du marché des assurances appelle à la redistribution des cartes en RDC.
Dans le monde des affaires, on a tendance à considérer qu'un investisseur a généralement trois amis : son banquier, son assureur, et accessoirement son avocat en cas de problème ». Tous les pays africains, en quête démergence économique, devraient faire leur cette maxime qui souligne limportance davoir à la fois un secteur financier solide, un système dassurance qui inspire confiance et crédibilité et un système judiciaire indépendant, afin dattirer davantage des investissements tant des nationaux que des étrangers.
Lon pourrait considérer que cest dans cette optique que la République démocratique du Congo (RDC) sest dotée dune nouvelle loi sur les assurances, promulguée le 17 mars 2015. En effet, après une année de transition, le Code des assurances de la RDC est officiellement entré en vigueur le 17 mars 2016. LAutorité de Régulation et de Contrôle des Assurances (ARCA), créée le 26 janvier 2016, est linstitution qui gère ce secteur dont les animateurs ont été nommés en novembre 2016.
Avec louverture officielle des guichets de réception des demandes dagrément depuis le 12 décembre 2017, lARCA est donc opérationnelle. Les nouvelles compagnies dassurance peuvent désormais être agréées et opérer en RDC. Ainsi sachève le monopole exercé, depuis 1967, par la Société nationale dassurance (SONAS), une compagnie dÉtat.
Un monopole défaillant
Le Congo Kinshasa ambitionne son émergence à lhorizon 2030. Comme le progrès économique ne se décrète pas, le pays essaie de capitaliser toutes ses opportunités susceptibles de lui permettre datteindre cet objectif. Cest dans cette perspective que sinscrit la libéralisation du marché des assurances. Le monopole exercé par la compagnie nationale dassurance faisait perdre des millions voire des milliards dollars américains chaque année au pays.
La Sonas nétait pas en mesure dassurer toutes les grandes compagnies privées aussi bien nationales ou étrangères qui opèrent sur le territoire congolais. Dès lors, plusieurs entreprises prenaient leur police dassurance soit dans leur pays dorigine soit dans les pays limitrophes de la RDC. Même les institutions internationales et celles du système des Nations Unies souscrivent leur police dassurance à létranger pour avoir la garantie dêtre indemnisées en cas de sinistre.
La Sonas sest réduite seulement sur les assurances automobiles des nationaux et sur certaines polices incendies. Ce qui explique la modicité des recettes collectées. Un exemple parlant, en 2013, la Sonas a réalisé un chiffre daffaires de 65 millions USD, dans un pays qui comptait plus de 70 millions dhabitants à ce moment-là. Un manque à gagner considérable alors que la RDC en a énormément besoin pour son développement.
Désormais, cest chose faite. Le secteur est libéralisé. Les nouvelles compagnies dassurance préparent leur dossier en vue de leur agreement. Dans cette nouvelle configuration, la survie de la Sonas dépendra de sa restructuration pour être en mesure de concurrencer les nouvelles compagnies dassurances. Pour autant la Sonas a des atouts notamment son réseau dagences sur lensemble du territoire national. Cependant, sa réforme est indispensable.
Des nouveaux acteurs sannoncent
Les nouveaux investisseurs se bousculent déjà au portillon. Certains ont déclaré officiellement leur intention dinvestir dans les assurances en RDC. Dautres continuent de fignoler leur dossier de candidature de manière à les présenter à lARCA.
La Rawbank fait partie des premières compagnies qui ont lorgné sur le secteur dassurance afin de gagner des parts de marché dans le secteur dès la première année. Cette banque commerciale prévoyait depuis 2016 la création de deux sociétés dassurance, chacune avec un capital de CDF 10 milliards (équivalent à +/- USD 11 millions) requis par le code des assurances.
« Sous une seule et même marque « RAWSUR », loffre sera déclinée en deux branches qui évolueront selon le code des assurances en vigueur en RDC : la branche vie active dans les métiers de lassurance de personnes, la branche non-vie active dans les métiers de lassurance de dommages », précisait la Rawbank dans son rapport annuel 2016 à propos de ce projet.
Un marché quasi vierge
Le potentiel du marché des assurances en RDC va de la taille de la population estimée à plus de 75 millions dhabitants, et qui pourrait doubler en 2050, à ses immenses opportunités dinvestissements en passant par son portefeuille des grandes entreprises dextraction minière et pétrolière, ses milliers des petites et moyennes entreprises non sans compter les compagnies de télécoms, les banques, les institutions de microfinance ainsi que les coopératives dépargne et de crédit.
La RDC compte 3 392 815 unités de production informelles dont les revenues varient entre 10 USD et 375 000 USD par mois, selon une enquête réalisée en 2012. Ce qui représente une opportunité énorme non seulement pour les polices dassurances traditionnelles mais aussi pour la micro-assurance.
A ceci sajoute les ambitions de lémergence du pays. La RDC est engagée à mener des réformes structurelles dans tous les secteurs porteurs pour améliorer le climat des affaires et booster durablement son économie. Le marché des assurances reste sous exploité en RDC à cause de la faiblesse évidente de lopérateur national qui ninspirait pas confiance aux yeux des grands investisseurs et même de la population congolaise. Le secteur représente à peine moins de 0,5% du PIB, à ce jour.
Avec larrivée des nouvelles compagnies dassurance de renommée internationale, tous les observateurs sérieux misent sur lexplosion du marché des assurances en RDC. « La libéralisation du secteur des assurances est une chance pour la RDC, elle mérite dêtre traitée avec méthode et professionnalisme pour éviter les erreurs du passé dans lintérêt de tous », pense Marcel Mulumba Kenga, professeur avec une thèse sur les assurances. De son avis, « pour relever ce grand défi de développement, la correction des imperfections sur la gestion antérieure permettra une redistribution équitable des progrès accomplis jusquà ce jour dans le domaine économique ».
En effet, la RDC a dans son actif des performances économiques observées ces dix dernières années qui ont permis la stabilité de son cadre macro-économique. Il reste maintenant à Kinshasa de « transformer son potentiel en richesses réelles pouvant bénéficier à toute sa population ». « Pour gagner ce pari, la bonne gouvernance et la transparence sont recommandées dans tous les secteurs productifs, notamment lénergie, lagriculture, les transports et voie de communication et les mines. Un accent particulier doit être mis sur ce dernier secteur, car il est porteur de croissance », suggère le professeur Marcel Mulumba Kenga.
A chacun ses parts de marché
Le marché des assurances reste donc ouvert en RDC. Les nouveaux acteurs doivent mettre tout en uvre pour recréer la confiance et la crédibilité qui ont manqué sous le monopole de la compagnie dEtat. Ceci passe préalablement par une sensibilisation à la culture de lassurance.
Pour Marcel Mulumba Kenga, désormais « tous les projets économiques doivent être assortis dune assurance pour éviter les erreurs du passé où divers projets se sont arrêtés à cause dun choc incertain qui les a frappés ».
Tout aussi, la donne ayant changé, toutes les grandes entreprises et les institutions internationales qui, sous le monopole, souscrivaient leur police dassurance à létranger devraient le faire sur place en RDC, selon la loi. « Les assureurs vie du personnel du PNUD en RDC sont GMC international et CIGNA pour les assurances santé et vie, situation justifiée à lépoque par la faiblesse de solvabilité de la Compagnie nationale, mais non acceptable à loccasion de la libéralisation du marché », pense Marcel Mulumba.
Les nouveaux acteurs vont bénéficier aussi bien des secteurs porteurs de croissance comme les mines, le pétrole, les télécoms, les PME. Bien plus, les nouvelles compagnies dassurances devront également bénéficier des prochains grands projets qui sont dans les pipelines du pays : le barrage dInga III, le Grand Inga, lexploitation du pétrole dans le graben Albertine, lexploitation du gaz méthane dans le lac Kivu. Tout aussi, le gouvernement prévoit la création des parcs agro-industriels dans chacune de 26 provinces de la RDC. A ce jour, il y en a quun dans le pays. De même, la fibre optique doit être implantée dans toutes les 26 provinces de la RDC. Un marché important qui ne peut se réaliser sans une souscription à une police dassurance.
« Au stade actuel, le Code des assurances, couplé aux autres réformes réalisées dans le cadre de lamélioration du climat des affaires et des investissements comme notamment ladhésion à lOHADA constituent des conditions suffisantes et nécessaires pour investir en RDC », analyse le professeur Marcel Mulumba.
La libéralisation des assurances en RDC ouvre donc la voie à la redistribution des cartes sur ce marché très prometteur. Les nouvelles compagnies dassurances ont dimmenses opportunités à capitaliser.
Amédée MK