RDC : 10 ans après, la transformation des entreprises publiques en sociétés commerciales est un fiasco

PAR Deskeco - 29 avr 2019 09:11, Dans Actualités

C'est le 24 avril 2009 que le Premier ministre d'alors, Adolphe Muzito, avait signé le décret n° 09/12 portant établissement de la liste des entreprises publiques transformées en sociétés commerciales, établissements publics et services publics. Ce décret était cosigné par la ministre du Portefeuille de l'époque, Jeanine Mabunda, devenue aujourd'hui présidente de l'Assemblée nationale.

Toutefois, il est à rappeler que c'est depuis 2001 que le gouvernement s'est lancé dans de vastes réformes macro-économiques en vue de la révision du mode d'intervention de l'Etat dans l'économie et de sa participation dans les entreprises publiques.

Selon le Copirep (Comité de pilotage de la réforme des entreprises publiques), cette vaste réforme a été initiée pour 3 raisons majeures :

1. Les entreprises publiques ne remplissaient plus le double objectif pour lesquels elles ont été créées, à savoir la production des biens et des services pour la satisfaction des citoyens et la contribution au budget de l'Etat. ;

2. Le monopole dont jouit l'entreprise publique (même quand elle n'est plus efficace) est un obstacle à la compétitivité. Quand le monopole n'assure pas la meilleure allocation des ressources, il bloque la croissance et empêche le développement ;

3. L'Etat n'a pas de ressources suffisantes pour faire face aux problèmes auxquels sont confrontées les entreprises publiques. Ces entreprises, souvent prestataires exclusives des services essentiels, étouffent l'économie et sont devenues des pesanteurs qui empêchent l'expansion des principaux secteurs d'activités et contribuent au blocage du développement de l'économie.

De cette mesure, 20 entreprises du secteur marchand ont été transformées en sociétés commerciales notamment Gécamines, Sodimico, Okimo, Emk MN (Entreprise minière de Kisenge Manganèse), REGIDESO, SNEL, COHYDRO, SOCIDER, AFRIDEX, SOSIDER, SNCC, ONATRA, RVA, RVM, LAC, CMDC, CFU, OCPT, CADECO, SONAS, Hôtel KARAVIA.

Transformées en sociétés commerciales, ces entreprises devraient, dès lors, se livrer à la concurrence et se doter de plan d'affaires devant booster leur développement.

Pour les initiateurs de ces réformes, le succès  allait être bénéfique d'abord à l'Etat congolais par l'insufflement d'une nouvelle dynamique aux entreprises du portefeuille en vue d'améliorer leur potentiel de production et de rentabilité, par la contribution au renforcement de la compétitivité de ces entreprises et de l'ensemble de l' économie nationale, et par l'augmentation des ressources financières de l'Etat au travers des impôts et autres taxes. Ensuite, le succès de ces réformes devrait bénéficier aux entreprises transformées elles-mêmes qui devraient avoir des capitaux frais dont elles ont grandement besoin pour leur modernisation et performance. Enfin, le bénéfice reviendrait aussi à la collectivité par les services de qualité rendus et par l'amélioration de l'emploi.

Aucune avancée dans la gouvernance

Cependant, ce processus de transformation de ces entreprises n'a pas été suivi de leur capitalisation nécessaire pour leur permettre de se livrer à la concurrence et de se viabiliser financièrement.

Au moment de la transformation de ces entreprises en sociétés commerciales, toutes ces entités étaient déjà soit des canards boiteux, soit en quasi faillite. La caractéristique commune aux 20 entreprises transformées en sociétés commerciales est qu'elles avaient toutes une dette sociale importante. Au point que cette dette sociale demeure jusqu'à ce jour, dix ans après. Selon le Copirep, la facture sociale globale dans ces entreprises du portefeuille de l'Etat est chiffrée à plus d'un milliard de dollars américains.

Les grognes sociales observées, depuis l'avènement du nouveau président de la République, à la Gécamines, à la SNCC, à l'ex-ONATRA, à la RVA, à la SONAS, à l'ex-OCPT, etc. sont la preuve que ces entreprises n'ont pas réussi leur transhumance. Les arriérés de salaires dans ces sociétés vont jusqu'à plus de 50 mois pour le cas de la SONAS.

Même les 7 grandes sociétés structurantes (GECAMINES, ONATRA, SNCC, RVA, OCPT, REGIDESO et SNEL) qui ont bénéficié de l'accompagnement du Copirep n'ont jamais atteint le niveau nécessaire pour remplir leur mission dans le système économique congolais.

« A ces jours, la majorité des entreprises et institutions publiques sont caractérisées par : une gestion opaque du personnel, aucune politique salariale, de recrutement, de promotion, de rajeunissement du personnel et de retraite n’a été mise en place ; le manque de transparence des recettes mobilisées par les entreprises et institutions publiques, alors qu’elles reçoivent des subventions de l’Etat ; le non versement, par les entreprises publiques, de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) collectée ; la gestion irrationnelle des subventions reçues de l’Etat ; le recouvrement des créances auprès de certains clients est difficile d’où l’existence des créances irrécouvrables importantes dans les états financiers ; l’absence de contrôle interne et externe par les services attitrés ».

C'est en ces termes que l'Observatoire de la dette publique (ODEP) décrit la gestion dans les entreprises publiques du portefeuille de l'Etat dans son mémo déposé le 24 février 2019 à la présidence de la République pour réclamer un audit sur la gouvernance de ces entités.

Aujourd'hui, dix ans après leur transformation, aucune de ces entreprises n'a pu réaliser un bénéfice. Pire, la quasi-totalité de ces sociétés, à l'exception de la Gécamines, n'ont aucune chance de se développer, en l'état, sans un soutien conséquent du gouvernement ou d'une joint venture avec un opérateur privé.

Le triste constat est que toutes les entreprises publiques devenues des sociétés commerciales n'ont connu aucune avancée concrète dans leur gouvernance qui puisse permettre une gestion orthodoxe susceptible d'actionner leur développement économique et social. La réalité est que ces entreprises ont continué à demeurer des vaches à lait de l'ancien régime.

Pour autant, ces entreprises occupent des secteurs structurant de l'économie nationale. Dès lors, elles ne doivent pas être laissées dans l'état de quasi faillite où elles se trouvent. Sans la viabilisation de ces unités de production, le développement de la RDC est compromis d'avance. Il est donc impératif que l'Etat propriétaire trouve des mécanismes de leur financement pour les rendre compétitives et en faire des agents économiques capables de se frotter aux lois du marché.

Amédée MK

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