Tribune.
Sans verser dans le fanatisme aveugle qui hante certains érudits de la toile au point de se faire passer pour des spécialistes du tout, il serait tout autant intellectuellement couple de garder le silence face à ce que d'aucuns voudraient présenter comme un non-sens dans les réponses émises par le Président de la République lors de son passage à la 3ème édition du One Planet Summit qui sest tenue tout récemment à Nairobi au Kenya le 14 mars 2019. Sil est vrai quon la senti un peu hésitant, il est tout aussi vrai que les énoncés contenus dans ses affirmations rentrent bel et bien dans la cadre des questions qui lui ont été posées en rapport avec la problématique du changement climatique et lutilisation des énergies renouvelables. Ceux qui se sont sentis offusqués au point détaler sur la toile une réaction émotionnelle lorsque le Président a mis en exergue la problématique de la pauvreté des populations, la possibilité de transformer une plante en charbon, la question de la reforestation et du financement dans ladéquation qui vise à préserver le rôle de la forêt tropicale du Bassin du Congo dans la lutte contre le changement climatique, devraient donc avoir la modestie de sinstruire sur ce sujet qui depuis plusieurs années maintenant, est dactualité.
Il nest pas un secret de Polichinelle que la forêt tropicale du Bassin du Congo représente le deuxième massif forestier au monde après celle de lAmazonie, avec près de 60 % de son couvert se trouvant sur le territoire de la RD Congo. Sans vouloir nous perdre dans les détails, ce quil faut au préalable comprendre, cest le dilemme quil y a à concilier les différents rôles que joue cette forêt, à la fois sur les plans climatique, écologique et socio-économique. Sur le plan climatique, la forêt tropicale du Bassin du Congo contribue à absorber une bonne dose du gaz à effet de serre produit à l'échelle mondiale (8 % du CO2 en moyenne), qui pollue latmosphère et constitue une menace qui se traduit par le rechauffement climatique. Sur le plan écologique, la forêt abrite une biodiversité impressionnante dans laquelle se trouvent plusieurs espèces animales et végétales qui disparaîtraient si celle-ci venait à être décimée. Il faut donc à tout prix conserver le couvert forestier du bassin du Congo. Mais comment y arriver lorsque sur le plan socio-économique, les populations locales qui se plaisent dans ce milieu naturel, se servent encore des troncs darbres pour produire le charbon nécessaire à leur survie, lorsqu'il faut raser des espaces pour lagriculture et lexploitation de lhuile de palme, lorsque les multinationales autant que l'État entendent générer des revenues par lexploitation industrielle du bois à l'échelle internationale?? Cest bien là que se situe le nud du problème dans le mesure où toutes ces dernières activités contribuent à la déforestation au risque daffecter dans une certaine mesure les fonctions écologique et climatique de la forêt.
En faisant allusion à la pauvreté des populations dans sa réponse, il est donc clair que la conservation de la forêt du bassin du Congo exige de trouver des alternatives qui permettront de répondre aux besoins socio-économiques autrement que par une exploitation abusive du couvert forestier. Sur le plan climatique, il faut à tout prix lutter contre la déforestation (stratégie datténuation) et cela parce que dune part, la réduction du couvert forestier (0,20% par an) signifie moins de CO2 absorbé et dautre part, parce que couper les arbres contribue à libérer le CO2 qui était déjà emmagasiné par ces derniers. Il faut impérativement trouver des palliatifs. Parmi ceux-ci figure la possibilité de produite du charbon avec autre chose que le bois. La proposition faite alors par le Président de faire usage dune plante à transformer en charbon sinscrit donc dans cette hypothèse. Pour les érudits de la toile qui crient au scandale, l'expérience existe bel et bien sur le contient, plus précisément au Sénégal et en Mauritanie où du charbon est produit sur base de la plante Typha (http://www.willagri.com/2017/10/23/typha-transformer-plante-envahissant…). Ce nest donc pas un mythe?! Toutefois, étant entendu que le bois reste une matière première dont la demande à la consommation ne cesse de croître à l'échelle mondiale (3,5 milliards de m³ de bois sont récoltés chaque année et il est estimé que dici 2050, les besoins en bois seront multipliés par 2,5, notamment pour remplacer des matières premières très utilisées aujourdhui dont limpact sur lenvironnement est lourd. (Interreg :2017)), un autre palliatif se trouve aussi être celui dassurer la reforestation et le reboisement. Ce qui exige un accompagnement financier (Pour plus de précision, voir les programmes tels que le REDD+ et le Mécanisme pour le Développement propre (MDP)) A nos chers érudits de la toile, notre cher Président nétait donc pas hors sujet quand il a parlé. Seulement, il faudra bien que les services techniques de la présidence apprennent à mieux préparer la participation du Chef de l'État dans les prochains forums internationaux, car à lère de la mondialisation, limprovisation est très peu recommandable : Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément.
Prof. Dr. Christian Kabange Nkongolo
(Faculté de droit/Université de Kinshasa)